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Katja Krüger : « La ville doit être maitre de ses temps pour donner plus de maitrise aux citoyens dans leurs quotidiens »

Interview de Katja Kruger

Portrait de Katja Kruger
Présidente de l’association Tempo Territorial

Quelle prise en compte du temps dans les politiques publiques locales ? Devons-nous désynchroniser nos temps de travail, d'études, de sociabilité, de repos ? À travers de multiples exemples de politiques menées en France et en Europe, retour sur l'impact du temps dans l'action publique avec Katja Krüger.

Katja Krüger est présidente de l’association Tempo Territorial, conseillère régionale de Bretagne, adjointe à la maire de Rennes, et était déléguée à la Petite Enfance et aux Temps de la ville de 2014 à 2020.

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Date : 02/06/2022

Presque 25 ans après l’apparition des premières politiques temporelles, pouvez-vous nous rappeler d’où elles viennent et ce qu’elles sont de votre point de vue ?

Aujourd’hui, si les politiques temporelles sont nées autour de l’enjeu de l’égalité femme-homme, elles ont un objectif d’égalité tout court entre tous les citoyens. Travailler sur le temps est un levier pour travailler une société plus égalitaire

Ce qui est important à souligner me semble-t-il c’est que ce sont les femmes qui sont à l’initiative des premières réflexions et politiques temporelles apparues en Italie à la fin des années 1980. En arrivant sur le marché du travail, ce sont elles qui ont été les premières à parler des questions de conciliation entre les différents temps de vie puisqu’elles étaient aussi largement en charge des tâches ménagères, de l’accompagnement des enfants et du soin aux aïeux. La ville n’était absolument pas adaptée à ce double emploi professionnel et personnel en termes d’horaires des crèches, des écoles, des transports ou des jours de marché par exemple. Il faut se remémorer donc que les politiques temporelles viennent de cette aspiration à l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’accès à la ville. Elles permettent de synchroniser les différents temps de la ville avec les temps de la vie.

 

 

En France, j’ai eu la chance d’avoir été conseillère municipale à Rennes, une des villes pionnières ayant travaillée sur la question des temps, avec son député-maire de l’époque Edmond Hervé qui a écrit un rapport parlementaire en 2001 sur le temps des villes. C’est à cette époque que sont apparus des conseillers municipaux en charge des politiques temporelles et qu’ont été créé les premiers bureaux des temps chargés de proposer des actions concrètes, notamment au niveau des services urbains.

En 2014, lorsque j’ai été élu conseillère municipale aux temps de la ville, les enjeux étaient peu connus, mal compris et peu pris au sérieux dans la population mais un peu plus en interne à la ville tout de même grâce au travail de Jocelyne Bourgeard, alors adjointe au Maire de Rennes, présidente de la Commission pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. En ce temps, on blaguait sur mon rôle de « miss météo » et sur un service qui pourrait permettre « d’acheter des heures de sieste ». Au début des années 2000, un article de la presse régionale avait même titré que le bureau des temps était un « gadget » et la réflexion sur le sujet « un problème de riche ». Aujourd’hui, il n’y a pas encore tout à fait la connaissance de l’existence des politiques temporelles chez le public et, côté élus et services, il y a encore du chemin à faire. Néanmoins, dès que la logique est expliquée, tout le monde trouve cela évident et se sent concerné. L’utilité des politiques temporelle est reconnue.

Aujourd’hui, si les politiques temporelles sont nées autour de l’enjeu de l’égalité femme-homme, elles ont un objectif d’égalité tout court entre tous les citoyens. Travailler sur le temps est un levier pour travailler une société plus égalitaire.

Les politiques temporelles sont donc des outils pour l’action publique au service de l’égalité. Cependant, la recherche de l’égalité en politique ne repose pas toujours sur des solutions partagées par tous ?

Il y a donc des clivages très importants autour de la question du temps et la prendre en compte à l’échelle d’une collectivité peut obliger à faire des arbitrages politiques par moments assez forts

Oui et les politiques temporelles ne sont pas de simples outils techniques et ne doivent pas l’être. Elles engagent une certaine vision de la société. Certes, il y a un certain nombre de constats partagés comme le trop grand nombre d’embouteillages par la trop grande synchronisation horaire des salariés ou la difficulté à concilier vie personnelle et vie professionnelle par l’enchevêtrement des temps les uns dans les autres. Pour autant, les choix politiques qui sont fait pour résoudre ces questions peuvent être totalement à l’opposées les uns des autres. Face aux embouteillages, faut-il construire une quatrième voie d’autoroute ou désynchroniser les horaires d’embauche ? Face aux problèmes de conciliation des horaires de travail avec la vie de famille, considère-t-on l’usager et l’accès au service ou le salarié et le besoin de repos ?

 

 

La question temporelle doit être portée politiquement. Par exemple, lorsqu’Emmanuel Macron, encore ministre, a donné la possibilité aux maires d’autoriser l’ouverture des commerces 12 dimanches dans l’année, deux points de vue sont apparus. D’une part, il y a des maires qui se sont dit que les gens pourraient se retrouver le dimanche à faire du shopping dans des commerces qui augmenteraient leurs ventes. Pour autant, les catégories de personnes qui travaillent le dimanche sont toujours les mêmes : les femmes, ceux qui travaillent déjà le samedi, ceux qui ont des salaires bas… Cela ajoute des inégalités selon moi. D’autre part, il a des maires qui n’ont pas appliqué cette possibilité, comme à Rennes, dont la maire a préféré travailler sur une offre culturelle accessible à tous et gratuite tous les dimanches de l’année. L’idée étant de créer une alternative au centre commercial en revalorisant la vie dans l’espace public.

Il y a donc des clivages très importants autour de la question du temps et la prendre en compte à l’échelle d’une collectivité peut obliger à faire des arbitrages politiques par moments assez forts.

Au départ, les politiques temporelles ont fortement concerné la synchronisation des services urbains avec les besoins des habitants. Aujourd’hui, est-ce toujours le cas où le champ d’action s’est élargi ?

L’entrée temporelle est très transversale et les champs d’intervention sur le fonctionnement de la ville à travers ce prisme se sont considérablement élargis. À Rennes, le temps est pris en compte dans l’aménagement même de la ville avec une approche non pas en deux, ni trois dimensions, comme le disait l’adjoint à l’urbanisme, mais à quatre dimensions de l’espace, cette quatrième dimension étant le temps. L’idée est de penser tout de suite, dès la phase d’idéation des projets d’aménagement, la question du temps à travers les mobilités par exemple et, au-delà, l’échelle de proximité et donc des temps de déplacement. C’est, avant l’heure, la ville du quart d’heure. À Rennes, nous avons même travaillé plutôt la ville des 5 minutes !

 

 

Les cheminements sont envisagés selon la vitesse des modes qui différencient les choix de déplacement. Un piéton, un cycliste, un automobiliste n’empruntera pas les mêmes trajets en fonction de ses vitesses de déplacement et, la pensée même de ces trajets, impactera le choix modal des personnes. Le temps d’accès à différentes aménités, par exemple le centre-ville, sera envisagé de la même façon. Autre exemple, la vie festive et l’animation nocturne dans le centre, les horaires et fréquences des transports en commun sur des quartiers plus enclavés que les autres ou les besoins de ralentissement des mobilités dans les espaces piétons

Piétons, embouteillage, proximité, cela renvoie aussi à la question des vitesses dans la ville et on parle souvent d’accélération des sociétés. Comment pourraient se situer les politiques temporelles sur cette question du ralentissement ?

Toute la question est de laisser le choix à ceux qui veulent prendre leur temps au moment où ils en ont besoin et accélérer quand ils en ont besoin. L’enjeu n’est pas d’être dans la gestion de son temps mais bien dans la maitrise

Je ne pense pas qu’il faille opposer deux à deux accélération et ralentissement. Il y a des domaines dans lesquels l’accélération et la vitesse est nécessaire. Je préfère quand les pompiers interviennent vite ! Il ne faut pas ralentir sur les actions en faveur de la lutte contre le changement climatique ! Et puis, plus subjectivement, il y a des personnes qui se sentent très bien dans l’accélération et la vitesse. Je suis personnellement quelqu’un qui vit vite, j’aime cela, j’en ai besoin, mais j’ai les ressources aussi pour ralentir et m’arrêter lorsque je le veux. Toute la question est de laisser le choix à ceux qui veulent prendre leur temps au moment où ils en ont besoin et accélérer quand ils en ont besoin. L’enjeu n’est pas d’être dans la gestion de son temps mais bien dans la maitrise.

Cela vaut pour l’individu mais cela vaut aussi pour les collectivités et notamment les villes. La ville doit être maitre de ses temps pour donner de la maitrise aux citoyens et notamment maitre de ses services, maitre de ses mobilités et maitre du foncier. De mon point de vue, si on laisse totalement faire le marché, la tendance est de faire fonctionner la ville 24h/24, plein pot, pour tout le monde, avec ceux qui consomment la ville à toute vitesse et habitent là où ils le souhaitent en fonction de leurs lieux de travail et de consommation, et ceux qui la font fonctionner à toute vitesse et habitent là où ils le peuvent en fonction de ressources limitées. La maitrise du foncier par les villes est donc nécessaire pour qu’elle puisse aménager l’urbain pour donner de la maitrise du temps à tous les citoyens.

L’objectif de maitrise du temps, plus que de gestion du temps, cela revient tout de même à chercher à gagner du temps et donc, in fine, à remplir le quotidien et à accélérer

L’idée de gagner du temps n’est pas quelque chose de mal en soit mais la ville doit permettre une certaine qualité de ce gain de temps. D’abord, la valeur du gain de temps est relative. Par exemple, être à 20 minutes de voiture de son travail ou pouvoir l’être en 15 minutes à pied selon qu’on doive longer une voie routière ou emprunter une coulée verte ce n’est pas la même chose. D’où l’important de penser la qualité des infrastructures de la mobilité plus que la quantité. Ensuite, habiter proche de son travail n’est pas donné à tout le monde et les 10 minutes à pied deviennent 10 minutes en voiture pour ceux qui ne peuvent faire autrement. D’où l’importance, par exemple, de construire des logements sociaux proche des stations de transport en commun alors que c’est à ces endroits mêmes que le foncier est le plus cher. Enfin, les gains de temps que peuvent permettre un bon aménagement urbain et des solutions de transport et de services adaptés doivent pouvoir être réinvesti par les personnes comme elles le souhaitent. Or, nous ne sommes pas égaux de ce point de vue. D’où l’importance d’offrir des activités de qualité accessibles à tous les budgets.

Parmi l’ensemble des actions qui ont été mises en place dans différents territoires et qui relèvent des politiques temporelles, en auriez-vous une, emblématique, à mettre en avant ?

La pensée temporelle invite à la transversalité dans la construction de l’action publique et à penser la ville comme un système d’interdépendances nécessitant des synchronisations ou de désynchronisation des rythmes

Le décalage horaire des universités à Rennes a été une action emblématique car d’envergure et marquante à l’échelle nationale et internationale. Décaler d’un quart d’heure la moitié des cours d’une université pour désengorger le métro cela n’a pas l’air de grand-chose dit comme cela. Ces quinze minutes ce n’est rien et cela semble bien peu en termes d’action… Mais pour arriver à ce décalage, il a fallu plus de deux ans et demi de travail acharné et de négociations dures. La première réaction de l’université quand le projet lui a été présenté a été de dire : « c’est votre métro, c’est votre problème ». C’est significatif. La pensée temporelle invite à la transversalité dans la construction de l’action publique et à penser la ville comme un système d’interdépendances nécessitant des synchronisations  ou de désynchronisation des rythmes. Il fallait que l’université comprenne qu’elle faisait partie intégrante du fonctionnement de la ville et que c’étaient bien « leurs étudiants » qui étaient coincés dans le métro le matin dans des conditions déplorables. La démocratie ça donne de la liberté mais c’est de la liberté contrainte dans le sens où, pour faire fonctionner le tout, il faut parfois lâcher sur certaines choses. Aujourd’hui, l’université de Rennes 2 veut même installer un bureau des temps au sein de son administration !

 

Couverture du document Temps d'action

Fiche projet du bureau des temps de Rennes : décaler les horaires universitaires pour lisser l’heure de pointe. Document à lire ici.

 

C’est une action emblématique parce que la démarche a été engagé cela dès 2012 et que, 10 ans plus tard, en sortant du premier confinement, TF1 est venu faire un reportage à Rennes car le décalage des horaires est apparu comme une solution innovante pour désengorger le métro et lutter contre la pandémie de la Covid 19. Néanmoins, s’il y a eu plusieurs expérimentations de ce type pendant le déconfinement, je n’ai rien vu qui ait été pérennisé alors que l’efficacité est et a été prouvé.

Ce décalage des universités est un outil de désynchronisation des temps. Est-ce qu’il a aussi été expérimenté à l’échelle du travail et des entreprises ?

En France, il y a une pression au présentisme. Cela ne se fait pas d’arriver à 10h du matin… Les personnes passent pour des fainéants qui ne savent pas se lever tôt. En Allemagne on retrouve cette pression inversée. Si un salarié est encore au travail après 16h30, on se demande pourquoi elle n’est pas capable d’effectuer ses tâches dans le temps imparti

On a tenté de faire la même chose sur l’ensemble d’un bassin d’emploi où il y a les bureaux de grandes entreprises et un échangeur sur la quatre voies où cela bouchonne tous les matins. Nous nous sommes rendu compte que ces entreprises abritaient surtout des cadres qui sont déjà dans une certaine liberté horaire. S’ils le voulaient ou y étaient incités, ces cadres pourraient commencer ou terminer leur journée de travail plus tard ou plus tôt mais ils ne le font pas. Ils ont presque les clefs des entreprises, arrivent quand ils veulent, ne sont pas soumis à la pointeuse, tant qu’ils font leur travail. Moins de la moitié ont des enfants donc ce ne sont pas les contraintes horaires des écoles qui expliquent cette synchronisation du matin et du soir. Ce sont avant tout les normes sociales. En France, il y a une pression au présentisme. Cela ne se fait pas d’arriver à 10h du matin… Les personnes passent pour des fainéants qui ne savent pas se lever tôt. En Allemagne on retrouve cette pression inversée. Si un salarié est encore au travail après 16h30, on se demande pourquoi elle n’est pas capable d’effectuer ses tâches dans le temps imparti. Et puis il y a aussi le phénomène de la machine à café, c’est-à-dire d’une forme de grégarisme et de socialisation, ou sentiment d’appartenance, dû au fait de tous arriver et partir en même temps…

Pourtant, il ne faudrait pas grand-chose pourtant pour fluidifier un peu la circulation. À Rennes, sur les heures de pointe, il n’y a que 16% de la population qui se déplace. Il suffirait que seulement 2 ou 3% se décalent pour que les embouteillages se résolvent en partie. Mais cela pose d’autres questions. Le travail sur la désynchronisation peut amener à penser l’élargissement des horaires. Cela impose de se demander qui va supporter cet élargissement. Les plus dotés en capital, sont aussi ceux qui sont les plus libre dans la maitrise de leurs temps tandis que ceux qui se déplacent déjà à 5 ou 6 heures du matin, on voit bien que ce ne sont pas des cadres mais des travailleurs « premiers de corvée ».

Ce sont des choix politiques. J’ai l’exemple d’un hôpital à Brême, en Allemagne, qui avait l’idée de créer une crèche fonctionnant 24h sur 24h pour le personnel. Les représentants du personnel s’y sont opposés arguant que c’était une fausse bonne solution pour les enfants comme pour les employés. Après négociation, ils ont réorganisé les horaires privilégiant les horaires dits « typiques », conciliable avec la vie privée, pour les personnes avec des enfants, notamment en bas âge, et des horaires plus « atypiques » pour les plus jeunes ou sans enfants prêt à vivre en décalés. Ici, le temps devient un bien partagé selon les besoins, dans une approche collective. Il existe différents chemins possibles de résolution des problématiques via des choix de transformation de la vie quotidienne par une pensée temporelle.

La question du rythme des enfants revient souvent dans vos propos. Sont-ils à ce point structurant alors qu’ils sont peu considérés comme des donneurs de temps relativement au travail par exemple.

Les rythmes scolaires sont très tendus et les journées très longues toute l’année pour aboutir à un trou de deux mois de vacances. On pourrait très bien penser alléger le temps scolaire journalier pour profiter mieux à l’année et rogner sur les grandes vacances estivales

Rythmes des vacances, horaires des écoles et des crèches, disponibilité des activités de loisirs, jours fériés et mercredi après-midi, les temps des enfants structurent fortement les temps des familles. Ce qui est plus remarquable, c’est que les temps des enfants structurent aussi fortement les temps de ce qui n’ont pas d’enfant ! Ces derniers sont soumis aux rythmes des vacances scolaires par exemple et, à ce titre, l’Etat est le plus important décideur de temps en France. Je crois qu’on ne se rend pas compte de cela alors qu’il n’y a que la moitié de la population française qui a des enfants. En France, le pays s’arrête environ un mois entre le 15 juillet et le 15 aout et, dans certains pays, c’est impensable ! Il y a des choix de fait. Les rythmes scolaires sont très tendus et les journées très longues toute l’année pour aboutir à un trou de deux mois de vacances. On pourrait très bien penser alléger le temps scolaire journalier pour profiter mieux à l’année et rogner sur les grandes vacances estivales. Mais toute une vie économique, que ce soit commerçante l’été ou du travail à l’année, et toute une culture du temps s’est cristallisé sur ce modèle depuis trop longtemps. C’est une boite de Pandore. Le débat pourrait être ouvert à l’échelle nationale par l’Etat mais il ne l’est pas. Il y a trop de risque politique.

Nées dans les villes, encadrée par des lois nationales, les politiques temporelles pourraient donc être un objet de réflexion et de débat à différentes échelles territoriales ?

Les politiques temporelles pourraient s’appliquer à toutes les échelles territoriales : quartier, ville, métropole, département, région, État et Europe. La question des mobilités par exemple innerve toutes les strates administratives et pourraient s’appréhender plus fortement via le prisme temporel. Penser le temps dans l’aménagement du territoire c’est se poser la question d’un passage obligé par Paris pour celui qui souhaite relier Bordeaux depuis Rennes en train ou le temps nécessaire pour relier Lyon à Bordeaux toujours en train. À l’échelle régionale, par exemple en Bretagne, les temps de la mobilité interrogent le fonctionnement saisonnier de certaines lignes ferroviaire. Il y a un petit train qui fait Quiberon - Auray qui fonctionne très bien mais seulement en été. Or sur ce territoire, il y a plein d’étudiants, d’élèves mais aussi d’excursionnistes ou simplement d’habitants qui auraient besoin de ce train au quotidien, qui ont porté une pétition en ce sens. C’est pourquoi c’est important, pour redonner la maitrise du temps aux habitants, que la région ait gardé la main sur les TER, mais aussi les ports et aéroports.

Les politiques temporelles ont donc quelque chose à apporter aussi sur les questions de développement durable ? Si oui, de quelle manière ?

La meilleure maîtrise de notre temps est une des clés de la transition écologique. Ce sont des choix politiques que d’utiliser les politiques temporelles pour alimenter un développement plus durable

Les dernières rencontres du réseau Tempo Territorial en 2021 étaient titrées « Accélérer ou ralentir : quel est l’impact environnemental de nos rythmes de vie »… Donc il y a un lien et surtout que les élus qui portent des politiques temporelles ont très souvent cette sensibilité aux questions environnementales.

 

 

Concrètement, sur les sujets de mobilité et de développement d’alternatives à la voiture thermique par exemple. La réflexion sur les manières de valoriser et favoriser des temps de trajet efficaces pour les modes alternatifs, plus lent en absolu, en travaillant, notamment, les infrastructures, les proximités ou les priorités est une piste. Sur les sujets d’urbanisme et de réduction de l’empreinte des villes, le chrono urbanisme doit être mis au service de l’urbanisme circulaire via, notamment, la mutualisation des bâtiments ou l’utilisation de bâtiments lorsqu’ils sont vides, comme ceux de l’université qui sont, 5 mois de l’année, vides en pleine métropole.

La meilleure maîtrise de notre temps est une des clés de la transition écologique. Ce sont des choix politiques que d’utiliser les politiques temporelles pour alimenter un développement plus durable.

Pour conclure, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le réseau Tempo Territorial et où en est le mouvement des acteurs qui portent des démarches temporelles en France et plus largement en Europe ?

Nous réfléchissons ainsi à ouvrir le réseau à de nouvelles structures comme les syndicats ou des association d’acteurs comme le GART, qui réunit les autorités responsables du transport et qui pourraient porter la question de façon plus stable, les élus étant mouvant, et de manière nouvelle

L’association Tempo Territorial est un réseau national d’acteurs des démarches temporelles. Elle a pour objet de sensibiliser les collectivités territoriales aux enjeux temporels et à la pertinence d’intégrer dans leurs actions cette nouvelle politique publique transversale. Elle regroupe des élus, des techniciens et des chercheurs. Ces dernières années, il y a eu un certain ralentissement du saisissement de la question temporelle par les collectivités.

Certes, il y a eu des créations des bureaux des temps mais aussi des disparitions. Ça se perd un peu par moment au niveau des collectivités soit parce que les majorités changent, soit parce que les approches temporelles ont tellement infusé dans les différents services qu’il n’y en aurait plus besoin, soit parce qu’il y a des actions qui relèvent de politiques temporelles mais qui ne sont pas identifiées comme telles. Je pense que c’est une mauvaise chose car un bureau des temps, positionné en tiers neutre, au cœur de la collectivité, peut être très utile et important. Il doit pouvoir structurer des actions autour d’une pensée temporelle homogène qui permet d’aller plus en avant dans les actions et d’agir à l’échelle systémique et en transversalité. Et d’innover.

Nous réfléchissons ainsi à ouvrir le réseau à de nouvelles structures comme les syndicats par exemple ou des association d’acteurs comme le GART, qui réunit les autorités responsables du transport et qui pourraient porter la question de façon plus stable, les élus étant mouvant, et de manière nouvelle.

Il y a aussi une renaissance attendue du réseau européen dont nous sommes membre et qui regroupe plusieurs villes. Ce réseau interpelle régulièrement la commission européenne sur ces questions. Il existe depuis longtemps, nous l’avons beaucoup porté, il a un peu perdu en dynamisme ces derniers temps mais Barcelone en a récupéré la gouvernance cette année. Les équipes ont à cœur de lui donner un nouveau souffle en allant rechercher de nouvelles villes et en relançant un cycle de rencontre, la prochaine autour de la mobilité.