Sans-abrisme & Politiques Publiques
Étude
Enseignements et interpellations prospectives issues de la série d'études [sur]vivre dehors.
Interview de Zaïra Brahmi, Assistante sociale
Le pôle Action Social du CCAS de la Ville de Vénissieux comprend différentes missions : Pôle 3ème âge pour les personnes âgées et en perte d’autonomie, Aides légales et facultatives, Domiciliation, Service prévention des impayés locatifs.
Madame Brahmi est assistante sociale référente des personnes isolées au CCAS, les ménages avec enfants étant de la compétence de la Métropole. Dans le cadre de ses missions, elle intervient également sur les renouvellements de domiciliation. Elle travaille en collaboration avec les autres services de la Ville.
La domiciliation est un dispositif confié par l’État aux CCAS permettant à toute personne qui ne dispose pas d’un domicile stable de recevoir du courrier. Pouvez-vous nous indiquer qui demande la domiciliation sur la commune ?
Sur Vénissieux, nous avons beaucoup de personnes domiciliées : il y a entre 450 et 480 personnes domiciliées. Par rapport à la taille de notre commune, c’est un nombre important. On retrouve ce nombre de domiciliés pour des communes plus grandes.
Qui sont ces personnes ? Nous avons des gens qui sont à la rue, d’autres qui sont hébergés par des tiers, par de la famille, des jeunes adultes mis dehors suite à des conflits familiaux.
Nous rencontrons également de nombreuses situations de séparation de couples et de familles. Nous avons, en effet, beaucoup de femmes seules sur Vénissieux, avec ou sans enfant. Souvent, elles ne disposent pas de ressources propres car elles dépendaient des ressources du père de famille. La séparation se fait le plus souvent de manière rapide et brutale, inorganisée. Les femmes partent de leur domicile mais ne savent pas où aller. Elles se retrouvent à la rue, sans ressources. Il faut du temps pour leur ouvrir des droits. L’administration n’est pas adaptée pour répondre, dans des délais très courts, à la diversité de ces situations d’urgence. C’est l’un des grands volets d’action de la Ville de Vénissieux : lutter contre la pauvreté et, en particulier, lutter contre la discrimination faite aux femmes et plus encore, aux femmes victimes de violences conjugales dans l’accès aux aides.
Nous accueillons également de nombreux primo-arrivants sur le territoire. Il s’agit de personnes qui n’ont pas de papiers, parfois depuis plusieurs années. Nous connaissons parfois des arrivées de groupes. C’est arrivé il y a peu avec une trentaine de personnes originaires de Syrie et qui, pour une large part, interrompaient une demande d’asile en cours - faite en Dordogne- pour venir à Vénissieux. Ce qui est étonnant dans cette histoire, c’est le fait qu’un groupe se déplace comme ça, et cible Vénissieux depuis la Dordogne. Nous avons aussi eu une arrivée de plusieurs femmes victimes de violences qui fuyaient leurs conjoints et venaient de Vichy.
Comment repérez-vous ces situations ?
Les personnes sans abri sont plutôt invisibles. Elles scolarisent leurs enfants, elles sont hébergées, certaines travaillent. Nous constatons que certaines personnes nous fournissent des attestations d’hébergement c’est-à-dire un document dans lequel des personnes vont se déclarer hébergeant d’une personne. Mais nous savons qu’en pratique, des personnes dorment dans leur voiture et ne sont pas hébergées à temps plein par ces hébergeants déclarés sur le papier. Certains donnent même comme adresses des foyers. Ils ont des attestations d’hébergement par des gens qui sont eux-mêmes hébergés par des structures d’accueil provisoire. Nous savons très bien qu’ils n’y vivent pas. En ce qui concerne le groupe de personnes venues de la Dordogne, ils sont venus directement au CCAS. Nous avons mobilisé toute l’équipe d’assistantes sociales pour comprendre leurs situations. Nous avons compris que toutes ces personnes étaient auparavant accompagnées par des travailleurs sociaux, et des avocats également. Elles avaient un toit sur la tête mais elles ont tout quitté pour venir jusqu’à Vénissieux. Nous les avons orientées vers la Maison du Réfugié pour que leurs démarches de demande d’asile puissent se poursuivre.
Quelles sont les modalités d’accès à la domiciliation ?
Il est important de faire le point avec les personnes. Les premières demandes de domiciliation se font directement auprès des instructeurs. La domiciliation s’appuie sur un critère de lien au territoire. Pour les primo-arrivants, ce critère est un peu particulier. Nous sommes conscients que l’enjeu de la domiciliation est essentiellement le renouvellement des droits à l’aide médicale, de l’accès aux soins. Pour permettre cela, les critères de ces demandeurs sont différents. Dans la situation du groupe de primo-arrivants, nous avons orienté les personnes vers la Maison du Réfugié y compris pour la question de la domiciliation.
Toutes les personnes domiciliées ne sont pas systématiquement suivies par un travailleur social. Avec ma collègue - également assistante sociale - nous recevons les personnes qui renouvellent leurs demandes de domiciliation. L’entretien sert à creuser un peu, voir où en sont les personnes et pourquoi elles sont toujours en situation d’être hébergées ou à la rue au bout de un, deux ou trois ans.
Nous essayons de donner des orientations lors des rendez-vous domiciliation, mais nous n’avons pas les moyens de toutes les accompagner. C’est une vraie réflexion au sein du CCAS. L’appui est ponctuel et nous ne pouvons pas toujours les conseiller, les aider dans la constitution de dossiers. Ils ne peuvent pas prétendre aux aides facultatives/aides financières proposées aux Vénissians par la Ville.
Sur le territoire de Vénissieux, quels sont les parcours permettant de sortir de la rue ?
Le CCAS ne s’occupe pas des situations des familles avec enfants, qui sont accompagnées par la Maison de la Métropole, avec notamment des permanences d’urgence, plusieurs fois dans la semaine. Au niveau de l’hébergement, j’ai l’impression que, sur Vénissieux comme sur d’autres communes, les écoles se mobilisent pour héberger des familles dont les enfants sont scolarisés au sein de l’école, pour pallier le manque d’hébergement.
Il faut ensuite signaler que le délai d’attente d’un logement social est très long sur Vénissieux. Avec les programmes de nouveaux logements, de nouveaux bâtiments, nous pourrions croire que la situation va un peu se débloquer, mais ce n’est pas le cas à cause du nombre de logements qui vont être démolis dans le cadre du Projet de Rénovation Urbaine (PRU) et du fait que Vénissieux est une ville très demandée. La ville connaît une dynamique, elle est attractive pour de nouveaux habitants et pour les Vénissians. Nous connaissons donc des situations de personnes qui travaillent et qui dorment dans leur voiture parce que leur demande de logement est en attente, sur une ou deux années. Ces personnes ont des fiches de paie, sont parfois en CDI. Elles paient leurs impôts et attendent un logement avec une demande de logement active qu’elles ont renouvelées, mais elles n’ont pas de proposition de logement. Elles reviennent donc faire des domiciliations. De fait, ces personnes ne sont pas prioritaires car elles n’ont pas de soucis de santé. Il s’agit le plus souvent d’hommes seuls. Ils sont très bien insérés, peut-être même que leur entourage professionnel n’est pas au courant de leur situation.
En outre, les personnes qui sont à la rue passent par les dispositifs de la Maison de la Veille sociale (MVS) qui peuvent être un Centre d’Hébergement et de Réinsertion sociale (CHRS), un accueil temporaire, avant d’accéder à un logement par un bail glissant. Avec la logique du « Logement d’abord », on constate maintenant que ce passage par l’hébergement ne devrait pas être systématique, qu’il ajoute une marche supplémentaire et pas toujours utile avant l’accès à un logement. Proposer un logement en bail glissant, porté par une association s’avère plus rapide et fonctionne tout aussi bien que le parcours CHRS ou accueil via d’autres hébergements temporaires puis logement avec bail glissant.
Sur Vénissieux, il existe des espaces et des immeubles fermés par la Ville. Malgré les précautions prises par la mairie, ces espaces sont occupés illégalement (squats). Enfin, certaines personnes vivent dans des immeubles en piteux état qui sont loués par des marchands de sommeil. Des personnes dorment parfois dans le parc à côté de la mairie.
Quelles sont les ressources de la Ville pour les personnes sans-abri ?
Á Vénissieux, pour l’alimentaire, il y a les Restos du Cœur et deux épiceries sociales. Tandis que sur l’hygiène et les lieux d’accueil en journée, comme il n’y a pas ce type de ressources sur Vénissieux, les personnes doivent se déplacer. Nous leur fournissons une liste des points où les personnes sans abri peuvent avoir accès à un vestiaire, prendre une douche, changer de vêtements (tirés du Guide de l’Urgence Sociale – actualisé).
Nous avons un écrivain public qui accompagne sur les demandes en ligne. Certaines de ses permanences sont saturées. Il a une permanence sans rendez-vous au CCAS le mercredi puis dans les centres sociaux de Vénissieux. Pour les personnes qui savent se servir d’un ordinateur, nous avons, depuis longtemps, répertorié tous les points d’accès numériques sur la ville, ainsi que la possibilité de faire des photocopies.
Certaines personnes dans notre commune sont en grandes difficultés, nous avons des quartiers classés en politique de la ville. Pourtant, les Vénissians hébergent et pratiquent l’entraide, c’est impressionnant. Par exemple, sur la situation du groupe de Syriens, des citoyens se sont mobilisés et nous ont appelés pour nous demander ce que nous faisions pour ces familles. Ils voulaient s’assurer que nous agissions. Nous leur avons indiqué ce que nous avions fait, c’est-à-dire de les recevoir et de les réorienter vers les bons services. Les citoyens sont exigeants sur ces questions.
Étude
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Étude
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Ce dossier permet de mieux comprendre les modes de vies et les usages des personnes sans-abri.
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Interview de Johanna Vogel
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Étude
Comment appréhender la présence des errants dans ces nouveaux temples de la mobilité et de la consommation ?
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