Vous êtes ici :

La dimension territoriale de la lutte contre le chômage

Interview de Vincent BELEY

<< Le but des politiques d'insertion est donc de faire en sorte que des personnes éloignées durablement de l'emploi puissent, grâce à un accompagnement personnalisé renforcé, intégrer ou réintégrer le marché du travail >>.

Vincent BELEY est directeur de la maison de l’emploi et de la formation (MDEF) de Lyon depuis 2009, après avoir été responsable du Plan local pour l’insertion et l’emploi (PLIE) de Lyon. Il a publié avec Eric Lafond « Emploi, ne pas renoncer » aux éditions L’Harmattan.
Propos recueillis par Boris Chabanel (Nova7) le 8 octobre 2013 dans le cadre de la réflexion Grand Lyon Solidaire

Réalisée par :

Tag(s) :

Date : 07/10/2013

La lutte contre le chômage constitue plus que jamais une préoccupation politique essentielle à l’échelle nationale. En quoi cet enjeu revêt-il une dimension territoriale ?

la lutte contre le chômage ne peut se faire à distance

Il y a plusieurs éléments de réponse. Premièrement, la lutte contre le chômage est certes une responsabilité de l’État, mais celui-ci a délégué une large partie des politiques associées – politiques de développement économique, d’insertion, de formation, etc. – aux collectivités territoriales : les régions, les départements, les communes, etc., sans compter bien entendu la participation active des partenaires sociaux. Il y a donc une co-responsabilité de la lutte contre le chômage entre l’État, les élus locaux et les entreprises.
Deuxièmement, sur le fond, il existe très clairement des inégalités d’exposition au chômage entre les territoires. Depuis 2009, le nombre de demandeurs d’emplois dans notre pays s’est accru de 50 %, mais l’impact de la crise n’est pas uniforme sur le territoire. Lorsque l’on regarde la carte de France des taux de chômage, c’est une évidence ! De fait, les caractéristiques du tissu économique local et la capacité des acteurs du territoire à s’organiser pour faire face aux difficultés diffèrent d’un endroit à un autre. J’ajoute que l’on retrouve ces inégalités au sein même des territoires. À Lyon, la situation du quartier Mermoz n’a rien à voir avec celle du quartier du Parc de la Tête d’or. Tout cela pour dire que la lutte contre le chômage ne peut se faire à distance. Il y a un enjeu à rapprocher les politiques concernées de la spécificité de chaque territoire. Cela est d’autant plus vrai que c’est d’abord à l’échelle locale que l’on peut mobiliser les entreprises autour de la question de l’emploi. C’est parce que l’on connaît personnellement le directeur général ou le directeur des ressources humaines de telle entreprise que l’on peut mettre en place des actions qui facilitent le rapprochement de l’offre et de la demande de travail. Car, au final, c’est cette relation de proximité entre l’entreprise et la personne en recherche d’emploi qui est au cœur de nos préoccupations.
Dernier point en faveur de l’approche territoriale, un certain nombre de personnes sont de plus en plus enclines à changer d’emploi ou de métier au cours de leur carrière professionnelle, mais on observe en revanche un attachement au territoire plus important qu’avant. Parce que changer de territoire remettrait en question l’emploi du conjoint, parce que l’on est engagé dans une démarche d’accession à la propriété, parce que c’est là que l’on a ses proches, etc. Pour la plupart des actifs, mondialisation est loin de rimer avec mobilité tous azimuts.

Parle-t-on de la même chose lorsque l’on parle de politique de l’emploi et de politique d’insertion ?

le fonctionnement normal du marché du travail implique que, tous les jours, des personnes perdent ou retrouvent un emploi

Non, ce sont effectivement deux choses différentes et l’on fait parfois la confusion entre les deux. Pour comprendre cette distinction, on peut partir de l’idée que le fonctionnement normal du marché du travail implique que, tous les jours, des personnes perdent ou retrouvent un emploi, avec une durée du chômage qui reste globalement limitée, c’est-à-dire inférieure à un an. On considère que ces personnes n’ont pas de gros problèmes d’employabilité et qu’elles ont surtout à conduire une recherche active pour retrouver un emploi. Ces mouvements quotidiens incessants sont comptabilisés par Pôle emploi. On parle d’insertion, ou d’inclusion dans le vocable européen, lorsque l’on s’intéresse aux personnes qui sont sorties du marché du travail ou n’arrivent pas à y rentrer. Ces personnes manquent d’expérience, de réseaux, de compétences, etc., notamment parce qu’elles n’ont pas occupé d’emploi depuis assez longtemps. Le but des politiques d’insertion est donc de faire en sorte que des personnes éloignées durablement de l’emploi puissent, grâce à un accompagnement personnalisé renforcé, intégrer ou réintégrer le marché du travail. Bien évidemment, cette question de l’insertion est loin d’être nouvelle et se pose même lorsque l’économie est en bonne santé, ne serait-ce que parce que plus de 140 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans aucun diplôme.

Les maisons de l’emploi et de la formation (MDEF) sont issues du plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo voté en 2005. Quelle plus-value sont-elles censées apporter par rapport aux multiples organismes qui interviennent aujourd’hui à l’échelle territoriale ?

devant l’ampleur de la tâche, la création de Pôle emploi n’a pas conduit au retrait des autres acteurs intervenant en matière d’emploi et d’insertion.

Au départ, je pense que l’intention de Jean- Louis Borloo découle de son expérience de maire de Valenciennes. Celle-ci lui a permis de montrer que l’implication de l’élu local, en tant qu’interlocuteur de tous les acteurs en présence, peut générer une dynamique positive en matière d’emploi. De mon point de vue, les maisons de l’emploi sont donc nées de l’idée qu’il fallait regrouper, et non fusionner, les acteurs des politiques de l’emploi et de l’insertion au sein d’une entité commune présidée par un élu local. C’est un peu comme la politique des clusters qui laissent aux acteurs locaux le soin de déterminer le territoire pertinent, le diagnostic et les orientations à suivre.
Mais l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy va constituer un coup d’arrêt à la couverture du territoire national par les maisons de l’emploi. Le nouveau président promeut en effet une vision plus centralisatrice, avec comme priorité la fusion de deux guichets, l’ASSEDIC et l’ANPE, au sein de Pôle emploi. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Le chantier de la création de Pôle emploi a subi de plein fouet la crise économique qui se traduit pour lui par une très forte croissance du nombre de demandeurs d’emploi à prendre en charge. De fait, devant l’ampleur de la tâche, la création de Pôle emploi n’a pas conduit au retrait des autres acteurs intervenant en matière d’emploi et d’insertion. Mais le gouvernement actuel semble hésiter sur le rôle des maisons de l’emploi, puisque le budget 2014 prévoit une baisse sensible des moyens qui leur sont alloués par l’État.

Qu’en est-il de la MDEF de Lyon ?

compléter l’offre du service public de l’emploi que constitue notamment Pôle emploi

La maison de l’emploi de Lyon a été créée en 2009 dans la perspective de la loi de cohésion sociale que j’évoquais précédemment. Elle a pris la forme d’un groupement d’intérêt public réunissant dix partenaires : l’État, la ville de Lyon, Pôle emploi, le Conseil Régional, le Conseil général, le Grand Lyon, l’association ALLIES, la mission locale, la Chambre de commerce et d’industrie et la Chambre de métiers et d’artisanat du Rhône. La feuille de route de la maison de l’emploi peut être résumée par l’objectif de compléter l’offre du service public de l’emploi que constitue notamment Pôle emploi. Il s’agissait tout d’abord de compléter le maillage territorial des points d’accueil car, aussi paradoxal que cela puisse paraître, à l’époque, les quartiers où il y avait le plus d’enjeux – La Duchère, Mermoz, Gerland – étaient dépourvus d’antennes de l’ANPE et de missions locales. C’est grâce à la création de la maison de l’emploi et à l’implication des élus locaux qu’ont vu le jour de nouvelles implantations de proximité réunissant les services de Pôle emploi, des missions locales, de la ville de Lyon, des acteurs associatifs dans le cadre du PLIE. Un second enjeu était de simplifier le paysage, non pas en fusionnant les acteurs, mais en facilitant l’accès des demandeurs d’emploi et des entreprises à l’ensemble des services à leur disposition sur le territoire.

Au-delà de cette fonction fédératrice, la MDEF développe-t-elle des actions spécifiques ?

Tout à fait, la Maison de l’emploi développe une mission d’ingénierie sur de nombreuses actions qui viennent compléter l’intervention des partenaires qui la composent. Par exemple, on s’est rendu compte qu’un des enjeux était la connaissance fine des métiers. Un secteur comme celui du Bâtiment s’est beaucoup professionnalisé en termes de valorisation des métiers. D’autres domaines sont en revanche complètement inconnus des demandeurs d’emploi et des jeunes en formation. Ceci nous amène à organiser un agenda partagé des « rencontres métiers » organisées par les différents organismes professionnels ou directement par nos soins lorsque les secteurs ne sont pas suffisamment structurés pour le faire (par exemple, sur les nouveaux emplois verts). Faire connaître ce qui existe et compléter lorsque l’on observe des manques, voilà notre positionnement.
Je peux aussi évoquer le fait que la Maison de l’emploi a une mission de coordination du service public de l’orientation professionnelle, initiée par l’État et la Région, qui fait intervenir les Centres d’information et d’orientation (CIO), Bureaux d’information jeunesse (BIJ), les missions locales, Pôle emploi, le Fongecif, etc. Un réseau de structures d’accueil a été labellisé afin qu’elles soient plus lisibles et que chacune d’elles soit en capacité d’orienter les personnes vers l’outil le plus pertinent.
Troisième exemple, nous intervenons pour faciliter les recrutements des entreprises. Par exemple, sur le pôle de commerces de Lyon Confluence, nous savions trois ans avant son ouverture qu’il allait y avoir une centaine d’enseignes. Le maire de Lyon s’est entendu avec le promoteur Unibail pour qu’une offre de services soit proposée aux entreprises en besoin de recrutement. Ceci a permis à la Maison de l’emploi d’organiser, en groupement avec Pôle emploi, la Mission locale, le PLIE et Cap emploi, le pré-recrutement des 1 250 emplois du pôle de commerces.

Quelle est la valeur ajoutée de la Maison de l’emploi en matière de recrutement ?

travailler en direct avec les entreprises nous permet de disposer de l’information sur les projets de recrutement

Notons en préalable que l’aide au recrutement de la MDEF se fait toujours en collaboration avec Pôle emploi, la mission locale et les autres acteurs ; c’est l’intérêt d’un groupement d’intérêt public. La première valeur ajoutée est que travailler en direct avec les entreprises nous permet de disposer de l’information sur les projets de recrutement beaucoup plus en amont que le moment où l’offre est déposée à Pôle emploi. Ce qui nous permet de lancer, avec les acteurs, un processus de pré-recrutement beaucoup plus approfondi, en partant des rencontres métiers jusqu’aux tests de recrutement, en passant par les parcours de formation. Autrement dit, cela nous permet de mettre la « tuyauterie » d’accompagnement au service de projets de recrutement bien réels. Et in fine, cette approche de longue haleine rend possible l’accès à l’emploi pour des personnes qui, en temps normal, n’auraient eu aucune chance d’être embauchées en raison de leurs « handicaps » (âge, origine ethnique, etc.). Sans ce travail de longue haleine pour lever les obstacles, les personnes les plus en difficulté restent nécessairement sur le côté.
Mais notre travail auprès des entreprises prend également d’autres formes, comme le fait de les mobiliser dans le cadre de leur responsabilité sociétale et sociale. Une illustration de cela est l’opération « 100 entreprises pour l’emploi » qui rassemble désormais 213 entreprises engagées sur le bassin d’emploi. Cette charte coordonnée par la MDEF se décline en 5 types d’engagements concrets pris par l’entreprise : travailler sur les recrutements, faire connaître et valoriser les métiers, s’impliquer dans le retour à l’emploi (en proposant des parrains, des simulations d’entretien, du tutorat…), développer la formation (avec la promotion des contrats d’apprentissage, de professionnalisation, de l’alternance), et enfin travailler avec d’autres entreprises sur la gestion des emplois et des compétences sur le territoire.

S’agissant de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), la MDEF a-t-elle vocation justement à contribuer à l’anticipation des mutations économiques sur le territoire ?

Si l’on souhaite anticiper quelque chose, il nous faut adopter une approche territorialisée

On parle beaucoup de cet enjeu d’anticipation des mutations économiques. Cela n’empêche pas qu’il soulève des difficultés importantes. Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler que l’on n’a pas vu venir le choc de 2008. A l’époque tout le monde envisageait une poursuite de la baisse du chômage. Néanmoins, pour avancer sur ces questions, nous avons organisé une conférence en juillet dernier intitulée « Du quartier à la métropole, quels emplois pour nos territoires ? » Parmi les idées qui sont ressorties de cette conférence, il y a le fait que l’on ne peut pas prévoir, uniquement à travers la statistique, l’évolution de l’emploi dans tel ou tel secteur d’activités, ni même la santé économique de telle ou telle entreprise, dans les années à venir. Si l’on souhaite anticiper quelque chose, il nous faut adopter une approche territorialisée. C’est l’exemple du pôle de commerces de Lyon- Confluence que j’ai évoqué précédemment. Prenons un autre exemple, on sait que le quartier de la Part-Dieu va connaître une croissance très forte du nombre de m² de bureaux dans les années qui viennent, ce qui laisse augurer d’une croissance importante du nombre d’emplois. Du coup, comment on se prépare à cette évolution ? Des actions ont été engagées sur ce champ.
Une autre piste consiste à travailler sur les évolutions attendues des métiers à l’avenir. Nous avons ainsi réalisé une étude très fine avec l’Ademe sur les conséquences du Grenelle de l’environnement sur les métiers du bâtiment. Jean-Louis Borloo avait annoncé la création de 500 000 emplois. En réalité, il y a beaucoup moins de nouveaux emplois à attendre, mais les emplois existant devront en revanche évoluer fortement pour prendre en compte de nouvelles normes, de nouvelles technologies, etc.
Enfin, on peut travailler directement avec les entreprises pour les accompagner dans leurs démarches de GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences). Nous pilotons actuellement une bourse de l’emploi inter-entreprises réunissant sept gros employeurs présents sur la ville de Lyon : Orange, April, Mérial, Merck, Aldes, Bayer, Doméo. Ce dispositif s’appuie sur une cartographie des métiers inter-entreprise. Sur cette base, nous avons analysé la population des salariés de 58 ans et plus de ces entreprises pour identifier les emplois qui connaîtront les plus forts départs à la retraite dans les prochaines années. Une fois retirés les emplois qui ne seront pas renouvelés, nous arrivons à une représentation assez précise des besoins de recrutement à venir.

Quel intérêt pour ces entreprises de se mettre ensemble pour anticiper ces besoins de recrutement ?

C’est assez simple. D’un côté, les entreprises ont des besoins de recrutement à satisfaire. De l’autre, elles ont des salariés qui sont dans un souhait de mobilité (interne ou externe) qu’il faut sécuriser. En se mettant en commun, elles ont la possibilité de proposer à leurs salariés des perspectives d’évolution vers d’autres entreprises. Et en retour, elles prennent moins de risques en termes de recrutement puisqu’elles recrutent des personnes dont elles connaissent précisément le parcours.

Si l’on se tourne à présent vers l’avenir, la multiplicité des acteurs et des périmètres d’intervention dans l’agglomération ne constitue-t-elle pas un frein à une plus grande efficacité des politiques de l’emploi et de l’insertion ?

s’inscrire à Pôle emploi est loin de suffire pour retrouver un emploi, en particulier pour les personnes durablement exclues du marché du travail

Le constat est juste mais attention aux fausses bonnes idées ! Certaines fusions récentes montrent qu’elles n’ont pas tout résolu… Pour autant, dans un contexte budgétaire contraint, on ne peut se permettre de continuer à multiplier les structures. De ce point de vue, je crois au modèle des maisons de l’emploi comme entités fédératrices des acteurs en présence, et surtout pas comme un outil supplémentaire à côté des autres. Ce modèle de gouvernance permet de faire ensemble, donc de faire jouer la complémentarité et de construire une véritable plus-value collective. Chaque partenaire joue sa partition, apporte un élément spécifique dans l’accompagnement des chômeurs et des entreprises, avec un pilotage par l’élu local.
Je rappelle ici que les multiples associations intervenant dans l’accompagnement de proximité jouent un rôle essentiel pour répondre à la diversité des situations. Certaines sont spécialisées dans l’orientation professionnelle, d’autres dans l’accompagnement des parcours, d’autres encore dans la formation, dans les contrats aidés,  la mobilité, etc. En clair, s’inscrire à Pôle emploi est loin de suffire pour retrouver un emploi, en particulier pour les personnes durablement exclues du marché du travail. D’ailleurs, on constate qu’une bonne partie d’entre elles n’est pas comptabilisée par Pôle emploi. À côté des trois millions de chômeurs inscrits officiellement à Pôle emploi, il faut ajouter les jeunes qui passent par les missions locales et dont 40 % d’entre eux ne sont pas connus par Pôle emploi, soit 400 000 personnes à l’échelle nationale. Il faut également ajouter les bénéficiaires du RSA dont 60 % ne sont pas inscrits à Pôle emploi, soit 900 000 personnes à l’échelle du pays. Ces constats étonnent toujours les élus mais la réalité est là ! La multiplicité des acteurs est aussi une réponse à ces éléments. L’État doit participer et s’appuyer sur les acteurs territoriaux pour identifier finement les besoins et donc les moyens à allouer sur chaque territoire. Au final, coordonner les actions des uns et des autres pour éviter les doublons et mieux aiguiller les demandeurs d’emploi et les entreprises vers les bons interlocuteurs me paraissent largement prioritaires à la rationalisation à tous crins des structures existantes. Par contre, il est évident qu’une gouvernance commune est nécessaire, pour éviter les doublons voire les concurrences.
La rationalisation doit d’abord passer par une connaissance réciproque des acteurs, et une mutualisation progressive des fonctions.

Si la diversité des structures reste nécessaire, la coexistence de plusieurs périmètres d’intervention au sein de l’agglomération est-elle satisfaisante ?

Ce qu’il nous faut, c’est une gouvernance d’agglomération sur les questions d’emploi et d’insertion

Non, ce n’est pas satisfaisant. Je pense que la marche à gravir pour l’avenir est justement d’arriver à conjuguer dynamique métropolitaine et proximité d’intervention. Qu’est-ce que cela veut dire ? Il s’agit tout d’abord de reconnaître que l’agglomération lyonnaise constitue un bassin d’emploi et que c’est donc à cette échelle qu’il faut bâtir des stratégies, coordonner les actions et rassembler les initiatives derrière la même bannière. Au fond, le fait que la réflexion de la maison de l’emploi de Lyon puisse s’arrête aux frontières de la commune a peu de sens ! Nous accueillons des personnes de Bron ou de Villeurbanne… et inversement, les communes de l’est lyonnais par exemple ont développé des outils qui bien entendu profitent également aux lyonnais. Ce qu’il nous faut, c’est une gouvernance d’agglomération sur les questions d’emploi et d’insertion. Et l’idée d’une Maison de l’emploi d’agglomération, ou une structure proche, à l’instar de ce que l’on peut trouver à Nantes par exemple, me parait être une piste pertinente. En revanche, cela ne doit pas conduire à une gouvernance hors-sol, c’est-à-dire sans effet ou sans résonance avec ce qui est fait sur le terrain. Par exemple, un enjeu est d’arriver à faire évoluer le travail des référents qui accompagnent les demandeurs d’emplois. En effet, d’une manière générale, leur compétence porte de plus en plus sur l’ingénierie des parcours que l’on peut proposer aux personnes. Bien souvent, on concentre notre énergie sur la maîtrise du maquis de dispositifs existant au détriment parfois de la prise en compte des opportunités de recrutement qui se font jour sur le territoire. Une gouvernance d’agglomération peut sans doute permettre de faire progresser les acteurs sur ce point.
En même temps, la spécificité et la diversité des interventions de proximité ne doivent pas être sacrifiées sur l’autel de la rationalité d’agglomération.
D’ailleurs, je suis convaincu qu’une condition de base de la réussite de la gouvernance d’agglomération consiste à connaître, reconnaître et faire connaître le travail accompli par l’ensemble des acteurs de proximité. Plus largement, comme je l’ai souligné précédemment, l’accompagnement de la relation entre l’entreprise et la personne en recherche d’emploi se joue dans la proximité. Si je prends l’exemple du chantier du Grand Stade à Décines, il parait légitime que les emplois qu’il génère bénéficient d’abord aux personnes habitant à proximité directe. Ce point est loin d’être anecdotique, notamment dans l’est lyonnais où l’on observe une croissance simultanée de l’emploi et du chômage. Créer des emplois ne suffi t pas ! La gouvernance d’agglomération doit permettre aux acteurs de proximité de faire le lien entre les grands projets économiques et les besoins d’insertion propres aux territoires où ces projets sont développés.

La création prochaine de la Métropole de Lyon constitue-t-elle une opportunité pour construire cette gouvernance d’agglomération que vous appelez de vos vœux ?

ce sont les PME qui créent le plus d’emplois

À l’évidence oui ! Mais là aussi rien ne va de soi. Certes, on peut penser que la future Métropole n’aura pas le choix d’aller ou non sur les questions d’emploi et d’insertion. Parce qu’elle récupère les compétences du département, elle va devoir investir ces sujets. Pour autant, cette évolution pourrait se révéler d’un intérêt limitée si la Métropole adopte un fonctionnement en silo, c’est-à-dire si les questions d’emploi et d’insertion sont traitées séparément des politiques de développement économique. Car il y a une vraie synergie possible entre ces deux problématiques au travers de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, laquelle constitue une question particulièrement sensible dans le développement des entreprises.
Un second point de vigilance réside dans le fait que les politiques économiques actuelles du Grand Lyon ciblent plutôt me semble-t-il les grandes filières et les grandes entreprises. Or, ce sont les PME qui créent le plus d’emplois et qui rencontrent aussi le plus de difficultés pour résoudre leurs problèmes de gestion des ressources humaines. En clair, si nous avons certes besoin de grosses locomotives, il y a aussi un enjeu à accompagner le reste, c’est à dire la plus grande partie, du tissu économique. Cela interroge les moyens humains alloués aux relations avec les entreprises pour connaitre leurs responsables et leurs projets.
Enfin, quand bien même la Métropole prendrait officiellement en charge la compétence emploi/ insertion, l’enjeu pour elle ne sera pas de dire aux autres ce qu’ils doivent faire. Il s’agit plutôt de contribuer à la construction d’une gouvernance légitime et effi cace avec l’ensemble des partenaires, les communes, la Région, l’Etat, etc. et à la déclinaison de la stratégie au plus près des spécificités du terrain.