L’origine de l’ENISE et son positionnement en matière de formations ?
L’ENISE a été créée en 1961. Elle forme des ingénieurs en 5 ans dans les domaines du génie mécanique et du génie civil. Voilà pour les filières historiques ! Depuis deux ans, nous avons mis en place une nouvelle filière, le génie sensoriel. Il s’agit en fait d’une option qui intervient en complément des filières généralistes que sont le génie mécanique et le génie civil. Elle permet à nos étudiants de se former à la prise en compte des perceptions objectives et subjectives du consommateur, de l’usager et du client dans des activités industrielles traditionnelles comme la conception, la production, la diffusion et la commercialisation d’un produit.
L’ENISE, c’est aussi des spécialisations innovantes ?
Ces dernières années, nous avons effectivement développé des spécialisations innovantes comme le Master Dual Design et le Master Entrepreneur PMI. Le premier, mené en partenariat avec l’Ecole des Beaux Arts de Saint-Etienne, permet aux ingénieurs et designers d’harmoniser leur savoir-faire respectif par une prise en compte de la culture de l’autre. L’objectif final étant la co-conception de produits. Le second, fruit d’un partenariat avec l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Saint-Etienne, a pour objectif d’aider un porteur de projet à concrétiser une création, une reprise ou une évolution d’entreprise. De manière générale, ces Masters répondent à la demande émanant du tissu industriel et rejoignent les lignes fortes de Saint-Etienne.
Et la recherche ?
Comme tout établissement d’enseignement supérieur, l’ENISE développe des activités de recherche à travers deux laboratoires reconnus. Le premier, le Laboratoire de Tribologie et Dynamique des Systèmes (LTDS) est une unité mixte de recherche (UMR) labellisée par le CNRS, que nous développons en commun avec l’Ecole Centrale de Lyon. Trois équipes de recherche du LTDS sont installées sur notre site. Elles conduisent respectivement des travaux de recherche dans les domaines de la Topographie-Abrasion, la Modélisation Numérique et la Fiabilité-Maintenance. Le second laboratoire, Diagnostique et Imagerie des Procédés Industriels (DIPI) est en fait une équipe d’accueil labellisée par le ministère de la recherche. Elle conduit des recherches à la fois dans le domaine des sciences pour l’ingénieur et des sciences fondamentales. Les axes principaux de recherche concernent le diagnostic optique et systèmes de vision, le contrôle et l’optimisation et simulation des procédés industriels hautes températures (lasers, plasma, etc) et l’analyse et traitement d’image.
L’ENISE a donc tout d’une école de haut niveau ?
Nous avons effectivement tous les ingrédients d’un établissement d’enseignement supérieur de haut niveau. Concernant les études doctorales, nous sommes d’ailleurs co-habilités avec l’Université Jean Monnet et l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Saint-Etienne, dans le cadre d’un Master Recherche en Mécanique et Ingénierie. Cela étant, si on prend le nombre de doctorants, le nombre d’enseignants-chercheurs et qu’on le compare brutalement à ce qui se fait à Lyon ou Grenoble… nous sommes loin derrière. C’est valable pour l’ENISE, mais je pense aussi pour Saint-Etienne sur un plan plus global.
Dans ce contexte, le pôle d’enseignement supérieur et de recherche stéphanois a-t-il un avenir en Rhône-Alpes ?
Si on regarde les effectifs et notamment le nombre de doctorants, il est clair que l’on ne fait pas le poids ! Cela étant, il faut regarder sur un plan plus qualitatif. A Saint-Etienne, il y a une activité scientifique de haut niveau et des enseignements de qualité. En outre, il y a eu un effet induit de la démarche des pôles de compétitivité assez forte sur le territoire. La grande expertise menée au niveau nationale a permis, à Saint-Etienne, d’identifier des points forts visibles et lisibles nationalement, voir internationalement. On retrouve bien entendu l’Optique, l’Ingénierie Santé, mais aussi un troisième point, apparu dans le cadre de Viaméca. Aujourd’hui, Saint-Etienne est reconnue pour ses compétences dans le domaine des procédés de fabrication et démarches assistées par flux d’énergie thermique ou cinétiques à partir de poudre métallique ou céramique. Sur cette thématique, nous détenons même le leadership européen.
Ce leadership européen, ce n’est pas un peu l’arbre qui cache la forêt ?
Non, je dirais que c’est plutôt la partie visible de l’iceberg. Et pour qu’il y ait cette partie visible, il faut tout le reste derrière. On ne peut pas développer des choses aussi pointues, sans avoir de fortes compétences dans les domaines de la simulation numérique, les modèles mathématiques, les systèmes de conception, la physique… Bref, toute une partie de l’enseignement supérieur dans le domaine de l’ingénierie. Et je ne fais pas seulement référence à l’ENISE ! Si aujourd’hui, Saint-Etienne est reconnue pour de telles compétences, c’est avant tout le résultat d’un travail collectif, qui englobe l’Université Jean Monnet, l’Ecole Nationale Supérieure des Mines, mais aussi le CETIM (Centre Technique des Industries Mécaniques).
Se spécialiser sur des niches comme les procédés de fabrication et démarches assistées, c’est l’assurance pour Saint-Etienne d’exister à l’échelle régionale ?
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que cette thématique vient s’encrer sur notre tissu historique mécanicien. Elle nous permet de renforcer notre positionnement tout en étant dans une logique d’innovation et de complémentarité par rapport à nos voisins les plus proches, que sont Lyon et Clermont-Ferrand. A échéance de 5 à 10 ans, on sait très bien que les complémentarités développées avec Lyon, nous amèneront à penser à l’échelle de la métropole Lyon – Saint-Etienne. L’Enseignement Supérieur et la Recherche n’échappera pas à cette réflexion. Il faudra que les établissements discutent, se concertent pour faire en sorte que tout le spectre de l’enseignement supérieur soit représenté. Dans le domaine de l’ingénierie, liée notamment aux matériaux et la mécanique, on a déjà des formations globalement assez complémentaires… avec l’Ecole des Mines de Saint-Etienne, l’ENISE, L’Ecole Centrale et L’INSA de Lyon. Là, où le problème risque de se poser, c’est sur des disciplines plus générales. Nous n’échapperons pas à une mise en commun des moyens avec Lyon.
Vous faites référence à la pluridisciplinarité de l’Université Jean Monnet ?
Le problème, c’est que pour être reconnue comme ville universitaire, il faut être pluridisciplinaire. Je ne remets donc pas en cause cet état de fait. Si nous en sommes là aujourd’hui, si Saint-Etienne dispose d’atouts en matière de recherche et de formation, c’est aussi grâce à cette pluridisciplinarité. En revanche, je crois que la vision qui consisterait à dire que nous devons être présents dans tous les domaines serait un peu suicidaire. Nous n’en avons pas les moyens ! Le nouveau président de l’Université Jean Monnet semble d’ailleurs avoir une position dynamique avec Lyon, par rapport à ces questions de mutualisations des moyens. Aujourd’hui, nous devons être prospectif en positionnant nos développements en cohérence avec ce qui se fait à Lyon.
C’est tout l’enjeu de la constitution du Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES) stéphanois ?
Nous avançons effectivement dans ce sens. Au départ, j’étais un peu sceptique, mais aujourd’hui, je suis très optimiste quant à la mise en place du PRES. Les établissements d’enseignement supérieur et de recherche stéphanois, associés à la constitution du PRES, ont décidé de se limiter aux études doctorales, aux laboratoires de recherche labellisés et aux Masters. Je trouve que c’est un choix judicieux pour assurer une bonne lisibilité et visibilité des points forts de Saint-Etienne. Ensuite, nous allons faire une étude de positionnement pour affiner les points où nous sommes leaders. On se met d’accord entre nous, et après seulement, on va discuter avec Lyon et Clermont-Ferrand. Cela me paraît être une bonne démarche !