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L’Ecole des Mines de Saint-Etienne dans le paysage des écoles d’ingénieurs en France

Interview de Robert GERMINET

<< L’Ecole des Mines de Saint-Etienne dans le paysage des écoles d’ingénieurs en France >>.

Propos recueillis par Gilles Cayuela en décembre 2006.

Mise en route du Centre Ingénierie et Santé à Saint-Etienne, création d’un Centre de Microélectronique à Gardanne (en Provence), l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Saint-Etienne se positionne sur des créneaux d’avenir. Reconnue comme l’une des plus grandes écoles d’ingénieurs en France (la 4e selon le dernier palmarès « Challenges »), elle entend plus que jamais défendre son statut d’école « innovante par tradition ». Entretien avec son directeur, Robert Germinet.

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Date : 01/12/2006

Quelle place occupe aujourd’hui l’Ecole des Mines de Saint-Etienne au sein du paysage des écoles d’ingénieurs en France ?

L’école des Mines de Saint-Etienne est l’une des plus anciennes écoles d’ingénieurs en France. Elle a été créée en 1816. Elle fait aujourd’hui partie des 252 écoles françaises qui délivrent le diplôme d’ingénieur. Qui dit 252 écoles, dit 252 chefs d’établissements, qui vous expliquent que leur école est la meilleure, qu’elle est au centre de leur région, du pays, de la planète… Je vais vous faire l’économie de cela ! Je dirais simplement que nous sommes dans un régime concurrentiel. Et que dans ce contexte, il faut avoir la modestie d’accepter la sanction du marché. D’un côté, il y a donc les élèves qui choisissent de venir ou pas dans votre établissement, et de l’autre, les entreprises qui pensent que les formations que vous dispensez sont intéressantes ou pas. Tout le reste, c’est du bruit avec la bouche !

 

Qu’en est-il pour votre établissement ?

Sur le seul critère des salaires d’embauches, l’INSEE nous a classé 5e école de France en 2003. Un classement qui a d’ailleurs été confirmé en 2005. Au mois de juin dernier, le classement du magazine Challenge, repris ensuite par le Nouvel Observateur, nous place à la 4e position des écoles d’ingénieurs en France, avec des critères nombreux et variés. Est-ce que ce classement est justifié ? Ce n’est pas à moi de vous le dire ! En revanche, je dis que l’école des Mines est une des rares écoles en France, qui se développe de manière considérable. Or, ce qui compte, c’est le résultat du marché. Et en la matière les indicateurs sont au vert. Notre nombre d’élèves a augmenté de 61 % entre 2001 et 2005. Certains vous diront que l’on a augmenté la quantité au détriment de la qualité. Et bien non ! Il y a quelques années, on recrutait en 860e position sur 9 000 candidats, aujourd’hui on recrute en 600e position sur 11 000 candidats. Dans le domaine de la recherche, nous sommes également en progression. Pour preuve, le nombre de publications dans les journaux à comité de lecture, réalisées par les équipes de recherche, a augmenté de 64% en 4 ans.

 

Quels sont aujourd’hui les grands projets de développement de l’école ?

Nous avons un projet majeur, qui est la création du Centre Ingénierie et Santé, à Saint-Etienne, sur le site de l’Hôpital Nord. Ce projet original, tant dans le domaine de l’enseignement que de la recherche, verra le jour en 2008. Pour ce qui est de la formation, l’école a déjà mis en place, depuis 1996, un double cursus Ingénieur/Pharmacien. Des élèves sortent de chez nous en ayant cette double compétence. Dans l’industrie pharmaceutique ces profils sont très demandés. Ce qui a pour conséquence de tirer les salaires vers le haut, à la sortie de l’école. A partir de 2007, on va faire la même chose avec les médecins. Il faut souligner que dans la région Rhône-Alpes, nous sommes la seule école à proposer réellement ces doubles cursus. Dans le domaine de la recherche, le Centre Ingénierie et Santé travaillera sur une thématique importante du pôle de compétitivité SPORALTEC : « Adapter et créer de nouveaux matériels pour l’homme en mouvement ». Cela concerne notamment tout le secteur de la prothèse articulaire. L’autre axe de travail du Centre Ingénierie et Santé concernera le génie industriel appliqué à la gestion des hôpitaux.

 

Le développement de l’école des Mines ne s’arrête pas aux simples frontières stéphanoises ?

Bien entendu ! Nous nous développons également dans le reste de la France, avec la création du Centre de Microélectronique de Provence Georges Charpak. Près de 40 % de la production française dans le domaine de la microélectronique est concentrée dans les bouches du Rhône. Les industriels souhaitaient donc avoir un centre de recherche et d’enseignement sur place, qui soit imaginé, conçu et réalisé pour et avec eux. Avec l’aide du Prix Nobel Störmer, j’ai donc imaginé un centre sur des thématiques porteuses et complémentaires de l’existant. Le CEA LETI de Grenoble est spécialisé depuis longtemps dans la microélectronique sur silicium. Nous, nous avons décidé de nous positionner sur la microélectronique sur supports souples, à savoir le plastique. Le deuxième axe de recherche concernera « les solutions communicantes sécurisées », reconnue d’ailleurs comme pôle de compétitivité mondial.

 

Un tel pari sur l’avenir, ce n’est pas un peu risqué ?

C’est effectivement un pari sur l’avenir. Le coût total du Centre de Microélectronique s’élève à 61,3 millions d’euros. Cela étant, nous avons la conviction d’avoir choisi les bonnes thématiques. La meilleure preuve, c’est que les industriels et le LETI ont décidé de nous suivre. Les ténors de la microélectronique financent pour plus de 8 millions d’euros d’achats de matériels dans notre centre. Ce n’est pas rien ! De son côté, le LETI a déjà détaché 7 personnes sur notre site pour la création d’une unité mixte de recherche CEA/Ecole des Mines. Avant la fin 2008, une vingtaine de personnes du LETI nous auront rejoint, sans parler du million d’euros que le laboratoire du CEA aura investi dans l’achat de matériel.

 

Cela va avoir un impact direct sur le rayonnement international de l’école ?

A terme, ce centre va permettre à l’Ecole des Mines d’être reconnue comme un acteur mondial majeur dans le domaine de la microélectronique. Parallèlement à cela, l’école entend bien poursuivre son développement à l’international. Nous avons, à l’heure actuelle, 57 accords internationaux, 12 doubles diplômes. Nous avons également créé deux plates-formes qui développent des activités marchandes : une à Shangaï et l’autre à Florianopolis au Brésil. Le principe est simple. Nous vendons aux industriels locaux des Masters Spécialisés à 18 000 euros. Cela leur permet de former leurs futurs cadres et nous, de financer les déplacements à l’étranger de nos élèves. L’objectif n’est pas de faire de l’argent pour faire de l’argent ! Mais bien de trouver des moyens de financements.

 

A l’heure de la constitution des PRES (Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur), pensez-vous que le pôle stéphanois puisse peser au sein de Rhône-Alpes, au regard des deux géants que sont Grenoble et Lyon ?

Les gens pensent souvent que pour être performant, il faut nécessairement avoir une taille importante. Le problème n’est pas là ! Le problème, c’est qu’il faut se placer, sans complexe, sur des créneaux d’avenir. C’est ce que nous, Ecole des Mines, nous faisons à travers le Centre de Microélectronique de Provence et le Centre Ingénierie et Santé. Il faut que l’on arrête de pleurnicher et jouer petit. A Saint-Etienne, nous avons du potentiel. Nous avons trois écoles d’ingénieurs : Les Mines, L’Enise (Ecole Nationale d’Ingénieurs de Saint-Etienne) et l’ISTASE (Institut Supérieur des Techniques Avancées de Saint-Etienne). Ces trois écoles ont une offre de formation diversifiée et complémentaire en terme de thématiques, mais aussi de niveaux. C’est un atout pour le rayonnement de l’agglomération. Ce qui est certain, c’est que l’on aurait tout intérêt à se regrouper sur un certain nombre de sujets.

 

Lesquels ? Vous pensez à des diplômes communs ?

On pourrait effectivement développer des formations, des Mastères en communs. C’est un des aspects, mais ce n’est pas le seul ! A l’international, il y a aussi des choses à faire en terme de communication. Je pense à des présentations, des plaquettes communes. Sur un plan plus local, nous avons besoins, les uns comme le autres, d’un certain nombre d’infrastructures dans le domaine de l’accueil des étudiants français et étrangers. Là aussi, nous aurions beaucoup plus de poids, si on se regroupait,  notamment vis-à-vis des collectivités territoriales.