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Les valeurs la Fédération des Œuvres Laïques confrontées à l'individualisme et au consumérisme ambiants

Interview de Mr BLANC-BRUNAT et Mme DELAIGUE

<< Nous nous référons aux trois principes fondateurs de la citoyenneté, de la laïcité et de la solidarité >>.

La Fédération des Œuvres Laïques défend depuis 1920 dans le Rhône l'éducation populaire, l'égalité d'accès de tous aux pratiques éducatives, sociales et culturelles et du même coup, la laïcité est une de ses valeurs fondamentales. Elle transmet ses valeurs dans les activités qu'elle développe au niveau de l'éducation et des loisirs. Mais ses valeurs sont confrontées aujourd'hui à l'individualisme et au consumérisme ambiants.

Interview de Bruno Blanc-Brunat, secrétaire général, Francine Delaigue, et Jacques Noclin, vice-présidents Education et Vacances/Loisirs/Patrimoine de la Fédération des Œuvres Laïques.

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Date : 24/04/2006

Pourriez-vous, en deux mots, nous rappeler ce qu’est la Fédération des Œuvres Laïques du Rhône ?
La Fédération des Œuvres Laïques du Rhône est la composante départementale de la Ligue de l’Enseignement. Elle existe dans le Rhône depuis 1920. Elle fédère environ 700 associations du département du Rhône qui comptent plus de 70 000 adhérents. Il s’agit principalement d’associations en lien avec l’école publique (Amicales laïques, Sous des écoles, etc.) auxquelles la Fédération apporte une assistance administrative et technique. La FOL porte aussi des actions en propre parmi lesquelles l’USEP (l’Union sportive de l’enseignement du premier degré) et l’UFOLEP (l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique) qui proposent des activités sportives. Elle porte aussi l’action UFOVAL (Vacances pour Tous) qui constitue une gamme complète d’activités pour les enfants, les adolescents, les jeunes ou les familles pendant les vacances ainsi que des classes découvertes pour les scolaires élaborées en partenariat avec l’Education nationale.

A travers ses activités, quelles sont les valeurs portées par la Fédération des Œuvres Laïques du Rhône ? Qu’essaie-t-elle de transmettre aux enfants et aux jeunes ?
Nous nous réclamons des valeurs portées par l’éducation populaire. La lutte contre les inégalités et l’accès de tous aux pratiques éducatives, sociales et culturelles sont les enjeux majeurs permanents. L’objectif général vise à faire en sorte que chacun devienne un citoyen capable de réfléchir par lui-même. Nous nous référons aux trois principes fondateurs de la citoyenneté, de la laïcité et de la solidarité.
La citoyenneté recouvre le fait d’être autonome, responsable de ses actes, en capacité d’exercer une pensée critique. Cela s’apprend et s’exerce, dans les domaines de l’éducation contre le racisme, la défense de l’environnement, la pratique culturelle et la pratique sportive dans un cadre associatif qui sont autant de vecteurs de cette construction du futur citoyen. La FOL du Rhône conçoit son action éducative de la construction de ce futur citoyen aux côtés de l’école républicaine.
La laïcité, valeur de civilisation et principe de droit figurant dans notre Constitution, est basée sur la reconnaissance de l’égale dignité de tout être humain. La FOL du Rhône s’efforce dans son action quotidienne de ne pas laisser cette valeur au monde des idées, mais de la faire vivre dans les pratiques éducatives et pédagogiques mises en action par ses différents secteurs.
Enfin, la solidarité est un devoir moral de tous envers tous. Elle vise l’universalité. Elle permet le mieux vivre ensemble.

Comment le projet de la Fédération des Œuvres Laïques et les valeurs portées sont-elles transmises aux enfants et aux jeunes ?
Tout d’abord, chaque secteur d’activité possède un projet pédagogique. Dans ce projet sont déclinés, selon le secteur d’activité, selon l’âge des enfants (etc.), le projet et les valeurs fondatrices de l’action de la Fédération. Le tout forme un ensemble cohérent.
De plus, nous possédons, parmi nos activités, un large secteur destiné à la formation des animateurs (BAFA, BAFD, etc.).Or, nous formons ces jeunes non seulement sur ce qu’ils doivent maîtriser pour obtenir ces qualifications, mais nous leur transmettons aussi les valeurs auxquelles nous croyons – la citoyenneté, la laïcité, la solidarité. Et nous recrutons pour nos séjours les animateurs que nous avons formés, afin qu’ils puissent transmettre ces valeurs aux enfants et aux jeunes notamment.
Concrètement, lors des activités, nous posons des exigences sur les valeurs qui sont les nôtres. Par exemple, nous défendons le principe de mixité sociale. Il nous est arrivé, notamment face à des Comités d’Entreprise qui nous demandaient d’organiser des séjours et qui souhaitaient que les enfants restent dans un milieu homogène, de défendre notre souhait de mélanger les enfants selon leurs origines sociales et culturelles. Un autre exemple : sur certains sites où se côtoient plusieurs organismes de vacances, on repère les différences qui existent entre la FOL et les autres dans la nature des activités proposées : si nous offrons des visites culturelles, des découvertes de produits du terroir, d’autres s’orientent plus vers des activités de consommation.
Ainsi, à travers la formation à nos principes, à travers l’organisation de nos séjours et des activités qui y sont proposées, il s’est créé un « esprit maison » qui se transmet aux enfants et aux jeunes colons. D’ailleurs, il n’est pas rare que certains d’entre eux reviennent d’année en année. Et parmi eux, certains deviennent eux-mêmes plus tard animateur pour la FOL !
Par ailleurs, nous développons des actions plus spécifiques qui correspondent pleinement à notre projet, comme la semaine d’éducation contre le racisme, l’opération « si on s’la jouait fraternel », ou encore comme des projets solidaires développés par des adolescents et des jeunes, etc. On est là au cœur des valeurs que l’on porte.

Pour autant, n’y a-t-il pas eu une évolution qui rend plus difficile la transmission des valeurs ? Par exemple, aujourd’hui, choisit-on la FOL pour ce qu’elle représente en termes de valeurs, ou pour les activités qu’elle propose ?
C’est vrai qu’il y a eu, depuis 20 à 30 ans, des évolutions certaines. Avant, si les parents choisissaient la FOL pour faire partir leurs enfants en vacances, c’était surtout parce qu’ils connaissaient la FOL et que les valeurs et le projet proposés leur correspondaient pleinement. Ils savaient que la FOL était complémentaire à l’école républicaine. Ils soutenaient aussi la citoyenneté, la laïcité et la solidarité. C’est moins systématique aujourd’hui où les parents comme les enfants et les jeunes font aussi leur choix en fonction des activités proposées. En effet, un jeune peut aujourd’hui souhaiter partir en vacances avec Vacances pour Tous pour faire de la voile, et trouver un séjour adapté parmi nos offres, sans savoir ce que propose comme projet éducatif cet organisme et sans connaître la FOL. Pour autant, une fois qu’il est en séjour, il se rend bien compte que le fonctionnement est différent de ce qu’il a pu voir par ailleurs, et que les valeurs portées sont bien présentes. Et c’est à force de fréquenter ce qu’on lui propose qu’il peut partager nos valeurs.

Qu’est-ce qui, d’après vous, peut expliquer ces changements profonds auxquels sont confrontées beaucoup de fédérations d’éducation populaire ?
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces évolutions. On est tout d’abord entré dans une société beaucoup plus individualiste où les gens ne s’investissent plus de la même manière dans les collectifs. En témoigne notamment le fait que chaque association rencontre des difficultés de plus en plus importantes pour mobiliser des bénévoles. Les gens n’entrant plus de la même manière dans les collectifs, on a des difficultés à leur faire partager un projet et des valeurs. Ceci est particulièrement marqué avec les jeunes qui ne participent plus du tout aux instances associatives. S’ils sont adhérents parce qu’à un moment, ils pratiquent des activités, ils ne s’impliquent pas dans la structure. C’est un fait de société d’ailleurs beaucoup plus général.
Un autre facteur d’explication, mais qui est lié, réside dans le fait qu’avec l’individualisme, on est aussi dans une société davantage consumériste. Et pour ses vacances comme pour le reste, on choisit, on compare les coûts, on achète, sans vraiment regarder le fond, mais plutôt la nature des activités proposées. Notre combat de ce point de vue, est de toujours réaffirmer nos valeurs, de toujours tenter de les transmettre. C’est ce qui nous distingue profondément des organismes commerciaux de vacances, et c’est notre force aujourd’hui de pouvoir mettre en avant ce en quoi nous croyons, nos valeurs. Et d’ailleurs, les jeunes qui s’engagent avec nous dans des projets de nature solidaires l’ont bien compris !