Je ne suis pas surpris par les résultats de l’étude qui ne distinguent pas tellement Lyon des autres métropoles françaises, même s’il existe des particularités. Ce qu’il y a de commun avec les autres métropoles, c’est une attente de forte professionnalisation des études et de lien avec le monde économique. Cette vision très utilitariste de l’enseignement supérieur reflète à la fois la demande des parents, anxieux pour l’avenir de leurs enfants, et l’idée dominante en France que la formation initiale est déterminante pour toute sa vie professionnelle. Ce n’est pas le cas dans la majorité des autres pays développés, où depuis plus longtemps que chez nous, les employeurs accordent davantage d’importance aux parcours et aux personnalités qu’aux diplômes, et où l’université n’est pas seulement réservée aux jeunes. Ainsi la moyenne d’âge des étudiants lyonnais, français, est beaucoup plus faible qu’à l’étranger, où les universités accueillent des adultes qui ont déjà travaillé et viennent y chercher davantage de la connaissance qu’un métier.
Je pense que les collectivités doivent prendre en compte cette attente en facilitant les liens entre le monde académique et le monde économique local. En facilitant les stages, en soutenant l’alternance, en valorisant les expériences de job étudiant souvent décriées, la Métropole peut répondre à ce besoin des étudiants d’être davantage employables au terme de leur cursus. Avec sa politique de soutien aux activités associatives et citoyennes elle permet aussi l’acquisition de compétences transférables dans le monde du travail.
Un autre point commun, c’est l’idée que la réalisation de soi ne passe plus forcément par le travail salarié, l’acquisition d’une bonne situation professionnelle, et d’un déroulé de carrière. Il ressort de cette étude un fort besoin de sens et d’autonomie, si possible en dehors de cadres imposés ou des hiérarchies perçues comme inutiles. L’intérêt pour l’économie sociale et solidaire est une des manifestations de cette représentation nouvelle du monde professionnel; les formations professionnalisantes, et les dispositifs de soutien à l’entrepreneuriat devront tenir compte de cette recherche d’autres modèles d’organisation du travail.
Cette génération étudiante apparaît finalement comme une génération sans illusion, mais pas sans idéal : elle sait que la société française ne l’attend pas et ne lui fera pas sa place, mais elle a ses valeurs et s’engage lorsqu’elle pense que c’est utile pour les défendre. Davantage sous des formes ponctuelles et collectives que sous les formes militantes des générations précédentes. La collectivité devra apprendre à connaître et dialoguer avec ces citoyens d’un genre nouveau. De ce point de vue, l’implication de la Métropole de Lyon dans la vie étudiante est une fenêtre privilégiée pour faire connaissance.
Ce qui est singulier au territoire lyonnais, c’est d’abord une appétence à l’offre culturelle que l’on ne retrouve jamais de façon aussi prononcée dans les autres métropoles universitaires.
La massification de l’enseignement supérieur a fortement diversifié l’origine socio-culturelle des étudiants, et la majorité d’entre eux n’a plus rien à voir avec « les héritiers » qui fréquentaient assidûment librairies, musées, théâtres, etc. Mais à Lyon, les étudiants semblent rester, ou sont redevenus, plus qu’ailleurs des consommateurs ou des acteurs de culture.
Pourtant Lyon ne semble pas être perçue comme une « ville étudiante ». Alors que la Métropole constitue indiscutablement le second pôle d’enseignement supérieur français, et de loin, et qu’elle fermente d’initiatives en matière de vie étudiante, elle peine à acquérir une image conforme avec ce qu’elle est devenue de facto.
C’est donc un paradoxe, qui s’explique, d’abord par l’absence de traditions estudiantines visibles et de lieux emblématiques pour compenser l’éclatement des campus, ensuite par des points faibles sur le logement et les transports, mais c’est à nuancer.
Au niveau du logement, il y a une forte carence de logement social, mais qui pourrait se combler rapidement à partir d’un diagnostic partagé et d’une volonté commune entre acteurs universitaires et territoriaux. Il me semble plus important de développer de nouvelles formes de logement, pour les étudiants venant de loin, et pour favoriser une meilleure intégration dans la cité, que de poursuivre la production massive de studios, comme il s’en est trop construit depuis 20 ans, en particulier sur les 7e et 8e arrondissements. Il manque aujourd’hui une offre de grands appartements propices à la colocation, et des résidences réellement animées.
Au niveau des transports, même s’il existe une marge de progression pour l’accessibilité de certains campus, le métro, le tram et les voies de circulations douces sont bien plus développés que dans d’autres grandes agglomérations pourtant mieux classées par l’étudiant parmi« les villes où il fait bon étudier ». Cette relative avance lyonnaise n’est pas connue nationalement parce que la métropole, qui bénéficie d’une énorme dynamique démographique régionale, reste encore peu choisie par les étudiants en mobilité nationale. J’y vois finalement une confirmation de la perception des étudiants mesurée par l’étude : Lyon n’est pas encore tout à fait une métropole étudiante.