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DIGITAL HUMANITIES (Archives)

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Dossier

Que sont les digital humanities et comment contribuent-elles à ancrer les sciences sociales dans la société, à renforcer leur «utilité sociale» et dans une certaine mesure aussi, à les re-légitimer ?

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Date : 24/09/2013

Les digital humanities étant à la fois une appellation, un champ de recherche, des méthodes, une référence au passage à une société numérique, de nouvelles manières de chercher et de diffuser le savoir… il est bien difficile d’en donner une définition définitive. Cependant, on peut considérer que les humanités numériques cherchent à articuler les disciplines des sciences sociales (arts, lettres, sciences humaines et sciences sociales) aux technologies numériques. Elles modifient clairement l’image et la nature des sciences sociales, en ce qu’elles permettent de questionner leurs fondements : elles proposent de nouveaux outils, de nouveaux corpus, de nouvelles manières de travailler, de nouvelles manières de diffuser le savoir, etc. Et ce faisant elles contribuent grandement à ancrer à nouveaux les sciences sociales dans la société, à renforcer leur « utilité sociale » et dans une certaine mesure aussi, à les re-légitimer.

L’expression digital humanities est apparue récemment –elle a été forgée en 2006 lors de la parution de l’ouvrage « A companion to Digital Humanities »1 –, et fait notamment référence à l’émergence des nouvelles technologies du numérique (ou de l’informatique) dans le champ des sciences sociales. Cependant, l’appellation ne doit pas cacher un phénomène plus ancien : les sciences sociales, la linguistique ou la lexicographie par exemple, s’appuient depuis fort longtemps sur des techniques issues de l’informatique. Ceci posé, les SHS bénéficient aujourd’hui de la formidable accélération technologique que connaissent les outils numériques depuis une vingtaine d’années. L’expression américaine digital humanities traduite en français par humanités numériques (ou plus rarement par humanités digitales) conceptualise ce phénomène nouveau. Ayant acquis une place de premier plan en quelques années, les humanités numériques ne sont cependant pas une nouvelle discipline des sciences sociales pas plus qu’elles ne peuvent être réduites à l’apparition d’une instrumentation nouvelle, aussi sophistiquée soit elle. Cependant, le champ que recouvre précisément cette appellation est complexe à définir : à ce stade, les digital humanities sont davantage un processus ou une dynamique qu’un concept clairement définissable… Ce dossier se propose avant tout de faire un point sur un changement en cours, sans prétendre à plus, sur les digital humanities, et simultanément, l’émergence de réseaux et de structures internationales chargées de repérer ces nouveaux systèmes de recherche. Par ailleurs, ont été créées des cyberinfrastructures qui sont de nouveaux environnements de recherche à la pointe de la technologie. C’est finalement tout le monde de la recherche, toute sa structuration qui se trouve modifiée. Au niveau des champs de recherche, là aussi, les bouleversements sont nombreux : on assiste à la constitution de bases de données sans précédent jusqu’à aujourd’hui, concernant aussi bien des archives historiques (numérisation de corpus imprimés, mais aussi d’images et de documents de nature très variée) que de données contemporaines, issues notamment de l’usage d’Internet, des objets connectés (smart phone par exemple), etc. Tout ceci constitue de gigantesques corpus rendus accessibles par de nouveaux outils en capacité de les analyser. Cette aptitude à accumuler et traiter des informations se double d’une modification des activités des chercheurs : ils travaillent davantage en coopération, échangent plus vite, associent de très nombreuses compétences et profils… Autrement dit, les digital humanities contribuent à l’interdisciplinarité et renouvellent à la fois les problématiques (de nouvelles questions apparaissent) et la manière de les constituer, comme de les traiter. Enfin, on notera que les humanités numériques donnent l’occasion au chercheur de rendre publics ses travaux autrement, par l’article scientifique certes, mais aussi par divers outils plus accessibles comme les blogs ou les carnets de recherche en ligne. Ce qui repose aussi la question de la relation chercheur / société, avec nombre de projets qui intègrent la participation de contributeurs non chercheurs (qui peuvent fournir des données, les commenter, etc). Autrement dit, les humanités numériques apparaissent comme un bon vecteur pour qui s’interroge sur les nouvelles pratiques de la recherche en sciences sociales, ainsi que sur les relations sciences / sociétés, car elles révèlent et provoquent de nombreux changements.
 
1« A companion to Digital Humanities » sous la direction de Susan Schreibman, Ray Siemens et John Unsworth, éditeur : Wiley-Blackwell, 2008. Pour un autre éclairage, voir aussi « Debates in the digital humanities » sous la direction de Matthew K. Gold, éditeur : University of Minnesota Press, 2012.