Dix réponses sur l’entrepreneuriat innovant
Étude
Après 3 ans d’analyse d’une cohorte de 200 entreprises du territoire grandlyonnais, qui dessine les grandes caractéristiques de l’entrepreneuriat innovant, découvrez notre synthèse.
Interview de Laurent Hauserman
<< On sait que les entrepreneurs ont besoin d’un certain nombre de partenaire d’entrainement avec qui se renvoyer la balle pour les aider à avancer. Les mentors jouent ce rôle-là >>.
Créé en 2017, le réseau Lyon IoT Manufacturing a l’ambition de fédérer, sous l’impulsion de la Métropole de Lyon et de la French Tech, les acteurs de l’IoT du territoire, un domaine transversal à de nombreux secteurs d’activité.
La mission principale du réseau est le mentorat de jeunes start-up. Le réseau lance d’ailleurs actuellement sa deuxième promotion.
Laurent Hausermann, co-fondateur de Sentryo, expert en cybersécurité des systèmes industriels, et responsable du réseau, fait le bilan du programme de mentorat et dresse le portrait des startupers de l’IoT (Internet of Things).
Comment est né le réseau Lyon IoT Manufacturing et quelle est sa vocation ?
La mission French Tech avait labellisé la Métropole de Lyon autour de plusieurs réseaux thématiques dont l’IoT et le Manufacturing. Ce domaine étant particulièrement transversal (hardware, électronique, robotique, usages et expérience utilisateur, etc.), il n’y avait pas d’association professionnelle. L’opportunité de créer un réseau pour rassembler l’ensemble des acteurs concernés a donc émergé il y a 3 ans. On m’a proposé d’en être le référent. Je me retrouve très bien dans cette logique de partage et de transmission que promeut le réseau.
Mais le réseau ne serait pas aussi dynamique et structuré sans le noyau dur d’entrepreneurs et d’experts qui l’anime. Je pense notamment à Jenny Baur, Adrien Desportes et Kevin Delfour. C’est un projet collectif et c’est très important dans sa construction.
Après une première phase de rassemblement des acteurs, nous avons décidé de travailler sur deux axes principaux : la reconnexion des start-up ou PME avec des grands comptes sur des problématiques liées à l’IoT pour accompagner la transformation des modes de faire des seconds, et un programme de mentorat. Le premier axe n’a pas encore pu voir le jour ; nous nous sommes concentrés pour l’heure sur le second. La première saison de mentorat s’est achevée en début d’année.
Comment fonctionne le programme de mentorat et quel bilan faites-vous de cette première année ?
Nous avons accompagné dix start-up pour cette première saison. Le réseau regroupe un peu plus de dix mentors qui sont des dirigeants d’entreprises, bénévoles, qui acceptent d’accompagner des entrepreneurs en partageant leur expérience dans l’IoT et en leur donnant des conseils. Ils participent aussi largement à une mise en réseau en orientant les entrepreneurs vers de potentiels partenaires.
Nous avons animé le lancement du programme de mentorat et donné à voir l’esprit de la relation entre le mentor et le mentoré, puis les choses se sont progressivement organisées de façon libre au sein de chaque binôme. Nous avons réussi à maintenir un rythme régulier de rendez-vous entre eux, tous les 15 jours ou tous les mois, souvent de façon très informelle. Le bilan est très positif. Ce que l’on retient surtout, aux dires des entrepreneurs, c’est la neutralité dans l’accompagnement. Ils apprécient en effet le fait que la relation soit désintéressée et sans jugement. Le programme est gratuit et volontaire, ce qui permet une relation d’égal à égal qui décomplexe les entrepreneurs qui n’ont pas peur de poser des questions qu’ils jugeraient "bêtes".
Quel est le profil des entrepreneurs que vous avez accompagné ?
Certains ont des premières expériences professionnelles, d’autres non. Ceux qui ont plus d’expérience ont potentiellement déjà des réflexes en matière de stratégie marketing et commerciales. Ils sont aussi capables de nouer des partenariats avec des grands groupes par exemple. Ils sont globalement moins frileux que les très jeunes entrepreneurs qui ont souvent peur qu’on leur vole leur idée, et peuvent être réticents à s’ouvrir à des partenaires, à démultiplier les projets avec d’autres.
Il y a un certain nombre d’éléments communs parfois surprenants dans les projets que l’on accompagne, mais qui sont probablement spécifiques au secteur de l’IoT.
Le premier est le fait qu’il y a beaucoup de femmes parmi les fondateurs : 4 sur 10 en l’occurrence, soit largement plus que la proportion moyenne dans les start-up.
Le second est l’absence, récurrente, d’ingénieur dans les équipes fondatrices, alors que l’on est a priori sur un domaine technique. Les porteurs de projets sont souvent issus d’écoles de commerce ou sont spécialistes d’un domaine de type biologie et médical, et arrivent avec une problématique d’usage bien identifiée. Cette situation pose question car pour compenser l’absence d’un CTO, ils externalisent le volet étude technique et prototypage, ce qui leur coûte souvent très cher. Une grosse partie de leur financement passe dans le développement du projet alors qu’ils auraient besoin d’en consacrer à un travail marketing par exemple. Notre accompagnement arrive souvent un peu tard dans leur projet pour les aider à rencontrer des personnes avec d’autres profils avec qui s’associer.
Le troisième élément porte sur la notion d’équipe. On constate qu’il y a trop de projets portés par des mono-fondateurs. Les premières années, il y a beaucoup de choses à décider et à faire, il faut être capable de hiérarchiser ; c’est quelque chose de très difficile à faire seul. Quand le projet n’est pas solo, l’articulation entre les fondateurs est aussi un enjeu essentiel. Une trop grande division des tâches par exemple n’est pas forcément une bonne idée car il est important que les dirigeants aient vécu la même chose pour qu’ils partagent une même lecture des enjeux et puissent s’aligner sur la direction à prendre. Celui qui porte davantage la vision stratégique ne doit pas se sentir isolé.
Au final, le choix de la personne avec qui l’on s’associe est éminemment central, plus encore que la qualité du projet. C’est quelque chose que regarde l’investisseur.
Enfin, le dernier constat notable est la frilosité des jeunes entrepreneurs. Les primo entrepreneurs en particulier n’osent pas marketer et vendre un produit qu’ils n’ont pas encore stabilisé, alors que c’est ce qu’il faudrait faire. Cette prise de risque est essentielle pour tester son marché. L’existence d’un volet hardware et de contraintes techniques liées à l’activité de production brident sans doute les entrepreneurs dans l’adoption de cette stratégie.
Pour quelles raisons les entrepreneurs se tournent-ils vers un programme de mentorat ? Quels types de problématiques rencontrent-ils ?
Au départ, les entrepreneurs que l’on accompagne demandent souvent un appui technique, mais au final ce qu’on leur apporte s’en éloigne largement et touche à l’accès au marché : stratégie marketing et de commercialisation, au financement, etc. Ils croient voire sont parfois aveuglés par leur idée et se focalisent sur la réalisation technique alors qu’il y a encore d’autres enjeux sur lesquels se concentrer. S’ils ont globalement déjà bien réfléchi au sens de leur projet et une approche usager, ils ont souvent besoin d’affiner la proposition de valeur en validant leur idée du point du vue du marché. Les projets qui nous parviennent ont généralement moins d’un an ou deux. L’entreprise a été créée récemment et un premier prototype existe.
Par ailleurs, la question du financement est centrale. Les projets en IoT ont en commun d’être tous sous financés : quand les ressources de départ des entrepreneurs sont régulièrement insuffisantes (ce qui est très souvent le cas), il est difficile d’accéder à du financement de type BPI pour faire un effet de levier, pourtant nécessaire. Les entrepreneurs ont souvent des capitaux personnels de l’ordre de 30 à 40 000€, ce qui n’est pas suffisant. L’IoT reste un secteur où l’on peut développer des objets sans trop dépenser, mais il faut alors des compétences techniques solides au départ. Or, le but de l’entrepreneur est de survivre. Car il est souvent assis au début sur un petit tas de capital financier qui fond progressivement. Son objectif est de tenir le plus longtemps possible le temps de trouver les bons leviers de croissance.
Quelle complémentarité analysez-vous entre l’activité du réseau et celles d’autres acteurs de l’accompagnement ?
Les incubateurs fournissent aux startupers une base de connaissances théoriques, aident à pointer les formes de financement, forment à différentes techniques et orientent.
Le partage d’expérience qui est le propre du réseau est un aspect très différenciant : l’échange avec un autre entrepreneur permet une approche pragmatique, un retour d’expérience, et une façon de hiérarchiser les problèmes qui sont précieux pour le startuper. Ce dernier a en effet besoin qu’on lui dise par quoi commencer.
Les professionnels de l’accompagnement dans les incubateurs ont en revanche rarement une expérience entrepreneuriale. On sait que les entrepreneurs ont besoin d’un certain nombre de sparring-partner (partenaire d’entrainement) avec qui se renvoyer la balle pour les aider à avancer. Les mentors jouent ce rôle-là.
Quelles sont d’après vous les forces et faiblesses de l’écosystème lyonnais pour favoriser le développement des start-up de l’IoT ?
Il y a désormais des lieux pour prototyper : Axandus, Bel Air Camp, Lyon Factory, etc. En revanche, l’enjeu principal reste pour les start-up reste celui de trouver des premiers clients qui feront référence. Une start-up a surtout besoin d’une première commande et d’un retour d’expérience. Quand il y a des commandes, les problèmes de production et même de financement se règlent finalement assez facilement.
On trouve à Lyon de nombreuses entreprises de taille intermédiaire, dans l’industrie notamment, mais elles restent frileuses quand il s’agit de passer commande à des start-up. Il faudrait pousser à un plus fort engagement de ces acteurs vis-à-vis de l’écosystème de start-up du territoire. On peut imaginer une communauté plus soudée d’entreprises qui soutiennent et stimulent le développement de jeunes pousses locales. C’est valable pour des acteurs industriels mais aussi pour des entreprises de la distribution. Pourquoi pas ouvrir un coin "start-up locales" dans les FNAC par exemple ?
Enfin, une autre fragilité du territoire est l’absence de figure de proue. Dans l’IoT il n’y a pas d’entreprise phare sur le territoire, comme Sigfox à Toulouse par exemple, qui servirait de catalyseur pour l’ensemble des acteurs.
Étude
Après 3 ans d’analyse d’une cohorte de 200 entreprises du territoire grandlyonnais, qui dessine les grandes caractéristiques de l’entrepreneuriat innovant, découvrez notre synthèse.
Ce dernier dossier questionne certaines idées reçues sur les start-up et analyse la manière dont l’écosystème local accompagne les entrepreneurs.
Un deuxième dossier dans lequel est étudié l’impact des start-up sur les filières de l’alimentation, de l’énergie et de l’assurance.
Ce premier dossier sur le phénomène start-up donne la parole à des entrepreneurs qui racontent le parcours de leur projet innovant.
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Une infographie racontant le parcours des jeunes pousses métropolitaines au travers de grandes étapes de développement d’un projet.
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Cette étude présente neuf récits de parcours et portraits d’entreprises, et propose une analyse transversale des premiers enseignements qui ressortent de ces fiches.
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Secrétaire Général de la CPME (Confédération des Petites et Moyennes Entreprises)