Mon travail et nous
Étude
60 tendances pour questionner les exigences de l'organisation et le besoin d'harmonie au travail.
Interview de Eric BURDIER
<< Si l'on veut faire de l'innovation un vecteur de croissance, il faut savoir la vendre ! >>.
Créé à l’automne 2013, Axeleo est une structure qui accompagne plus d’une quinzaine de startups à Paris, Lyon, Grenoble, Toulouse et Montpellier dans le secteur du numérique business to business (B2B). Son directeur, Eric Burdier, détaille le principe et le positionnement de cet « accélérateur » dans l’écosystème local d’innovation.
Cet entretien met en exergue l’importance de l’approche de l’innovation sous l’angle du business model afin de l’inscrire dans une dynamique de croissance vertueuse.
L'approche incarnée par Axeleo se veut très pragmatique et vise à éprouver la solidité des innovations sur le marché en optimisant leur business model et leur mise à l’échelle (proposition de valeur, segments de clientèle, structure de coûts, partenaires et ressources-clés, etc.). Le territoire a besoin d’expertise dans ce domaine pour permettre aux innovateurs de faire atteindre à leur startup une masse critique et d’entrer dans un cycle rapide de développement. De ce point de vue, les accélérateurs du type Axeleo (d’initiative privée) constituent un maillon important dans la chaîne de soutien à l’innovation que propose le territoire.
Pouvez-vous nous dire ce qu’est un accélérateur ?
Accélérer, c’est pouvoir, dans un temps donné et dans le cadre d’un programme structuré et animé par des experts, mentors et entrepreneurs, donner la capacité à des fondateurs d’une startup de réunir l’ensemble des paramètres (contacts, méthodes, outils, conseils) pour atteindre l’hypercroissance. On va s’intéresser aux équipes, à l’innovation et comment faire évoluer la startup pour une commercialisation sur les marchés internationaux.
Qu’est-ce qui fait la spécificité du positionnement d’Axeleo dans l’écosystème d’innovation ?
Trois principes fondateurs président à l’activité d’Axeleo.
Son statut tout d’abord : c’est une initiative privée portée par un collectif d’entrepreneurs chevronnés qui connaissent le secteur du numérique en France et à l’international.
Ensuite, nous agissons uniquement dans le numérique business to business (B2B). Notre champ d’intervention est donc thématique car chaque secteur a ses propres mécanismes de marché, de financement et facteurs-clés de réussite. A l’image du phénomène de spécialisation qui a permis à certains fonds de capital risque de se spécialiser, nous pensons que les structures d'accompagnement verticales auront de meilleurs résultats.
Enfin, nous comblons un manque de l’écosystème lyonnais. Aujourd’hui, il y a énormément de dispositifs de soutien à la création d’entreprises, qui s’adressent aux primo-entrepreneurs sortis d’une école ou d’un laboratoire avec les SATT, les incubateurs, les pépinières, les accélérateurs de niveau 1 (par exemple Boostinlyon ou le Camping à Paris), etc. Ces dispositifs reflètent la qualité de notre recherche en France. Par contre, lorsqu’il s’agit de « marketer » et de vendre nos innovations au plan international, nous faisons partie des plus mauvais. Or si l’on veut faire de l’innovation un vecteur de croissance, il faut savoir la vendre ! Axeleo va éprouver la startup, ses fondateurs, l’innovation et leur plan de développement pour leur permettre d’avoir la crédibilité suffisante devant des investisseurs de référence et lever des fonds de manière significative. Ce n’est plus seulement l’utilisation de méthodes comme le business model design qui permettent de structurer l’innovation de business models. Plus encore, le défi est d’aligner toutes les ressources par rapport à la stratégie d’entreprise sur un marché concurrentiel et global. Il faut apporter plus de capacités à exécuter. C’est le service que nous proposons.
Comment expliquez-vous que l’on ait besoin de ce type d’accélérateur pour accompagner l’innovation en France ?
Il suffit de comparer l’écosystème français à celui des Etats-Unis. Aux Etats-Unis, quand on a un concept très innovant, il peut y avoir une injection massive de capitaux dès la création d’entreprise et parfois même avant. En France, cela n’arrive jamais ou très rarement ! Il faut en effet que le modèle soit éprouvé sur le marché en allant beaucoup plus loin dans le développement commercial, et signer des premières références. Le problème, c’est que peu de structure d’accompagnement permettent de faire cela. C’est là-dessus que nous avons voulu nous concentrer. Cela explique le fait que l’on soit thématisé car les problématiques de mise en marché ne sont pas du tout les mêmes selon que l’on est dans les biotechnologies, les cleantech ou le numérique. Et même dans le numérique, les modèles BtoC et BtoB sont eux-mêmes très différents. Nous voulons combler ce vide et permettre aux startups à fort potentiel de passer plus rapidement l’«equity gap».
Concrètement que proposez-vous aux entrepreneurs que vous accompagnez ?
Nous proposons un accompagnement qui se fait dans la durée (18 mois), sans hébergement car les startups que l’on accompagne ont déjà un certain niveau de maturité et ont leurs propres locaux pour certaines. C’est donc un accompagnement hors les murs puisque certaines sont à Paris, Toulouse, Grenoble, etc. Notre programme est 100% orienté business et composé de sessions individuelles, un accompagnement terrain, du coaching, et un accès à notre large carnet d'adresses. Nous travaillons en particulier sur l’optimisation du business model et du « business developpement », la levée de fonds et l’accompagnement de l’équipe.
Quel est votre modèle économique ?
Nous avons un modèle économique en equity, c’est-à-dire que nous émettons des bons de souscriptions d’action pour à terme être actionnaires de ces startup et nous rémunérer sur une plus-value à horizon de 5 ans environ. Notre ambition est d’être un accélérateur de premier plan dans le numérique en Europe. L’avantage de ce modèle est qu’il aligne les intérêts de tout le monde : l’entrepreneur, l’investisseur et les pouvoirs publics.
Quel peut être le rôle de la collectivité locale dans ce processus d’accélération ?
Aujourd’hui la Région et le Grand Lyon sont déjà souscripteurs à des fonds régionaux et ont un rôle important vis-à-vis de la quasi-totalité des structures d’accompagnement !
A ce titre, ce qui a été fait avec le Fonds Régional de Co-investissement de la Région Ile de France est très intéressant : quand il y a 1 € de levé auprès de business angels ou sur du crowdfunding, le fonds régional, avec comme souscripteur la Région et les collectivités, agit par effet de levier à travers des mécanismes d’abondement. C’est quelque chose de très vertueux. Dans le cas d’Axeleo, il s’agit de s’engager vis-à-vis des fonds pour nous aider à fluidifier l’investissement dans nos startups et les cessions de nos participations à termes.
La collectivité peut aussi contribuer à notre visibilité. En effet, nous avons besoin de nous rendre visibles pour attirer les meilleurs dossiers et la collectivité peut contribuer à nous rendre plus visibles à travers des actions de communication. Cela passe aussi par des actions de networking quand des grands comptes viennent sur le territoire dans le cadre de délégations. La collectivité peut aussi jouer un rôle auprès des entreprises plus traditionnelles du tissu local pour les ouvrir aux technologies et solutions numériques des start-ups car c’est leur compétitivité de demain. Enfin, elle peut se positionner en tant qu’acheteuse auprès des start-ups locales en intégrant une clause de proximité dans les marchés publics.
La collectivité a besoin de certaines garanties en termes d’emplois pour engager une politique volontariste de soutien aux start-ups. Que répondez-vous à cela ?
C’est une évidence, néanmoins il faut aussi comprendre que peu de startups ont dans leur ADN une capacité à grossir fortement. La plupart développent une offre ou une technologie en rupture qui se fera racheter plus ou moins rapidement par un plus gros. Moins de 5% de toutes les start-ups qui voient le jour ont une capacité de croissance forte. 95% des start-ups dans les technologies qui se créent ont de toute manière velléité à se faire racheter. Il faut l’admettre !
Mais il faut bien comprendre que c’est une nécessité pour les entrepreneurs. En effet, pour accéder à des marchés internationaux, soit ils doivent manger les autres (qui ont parfois une capitalisation de plusieurs milliards d’€), soit ils doivent élargir la gamme d’offre avec un effort en capital tellement important que c’est impossible. Le métier des start-upers consiste à développer leur technologie, vivre leur entrepreneuriat mais ils savent qu’ils vont vivre une aventure courte. Pour autant, je constate que chez ces entrepreneurs, il y a un attachement au territoire qui est extrêmement fort. Aider ces gens-là, c’est renforcer cet attachement qui, plus tard, peut se traduire par des choix d’investissement ou d’installation dans le territoire. Donc il faut considérer cela sur le long terme.
Vous avez récemment noué un partenariat avec la plateforme de crowdfunding Anaxago. Quelle place attribuez-vous à cette forme émergente de financement ?
Sur le papier, le crowdfunding est intéressant. Le principe de dire qu’il est possible de lever 300 k€ en 2 mois en mutualisant un certain nombre de souscripteurs qui ne s’inscrivent pas naturellement dans les réseaux de business angels ou de financements traditionnels pour des raisons de tickets est alléchant.
Mais j’ai des réserves. Il faut que les propositions de valeur soient intelligibles par le grand public. Donc le crowdfunding est réservé à une certaine frange de projets à savoir des projets de services ou des projets de technologie qui ont un retour direct sur les personnes (dans la santé par exemple). Ensuite, sur le volet crowdfunding equity (c’est-à-dire qui se traduit par la prise de participation du souscripteur), il s’agit de ne pas se retrouver avec 200 souscripteurs au capital pour ne pas rendre la gouvernance de l’entreprise trop compliquée. Il y a plusieurs points de vigilance à travailler.
Dans notre activité, le crowdfunding est intéressant sur certains types de projets mais pour les gros projets supérieurs à 1 M€, il nous faut un investisseur capable d’avoir un effet de levier pour un second ou un troisième tour. Or le crowdfunding ne le fera jamais.
Il vient par contre suppléer un réseau de business angels local très timide dans le numérique. A la différence de Paris, encore peu de business angels à Lyon sont issus du milieu du numérique, ce qui ne les encourage pas à y investir.
Selon vous, est-ce que la Frenchtech est une politique efficace pour soutenir l’innovation ?
Oui, c’est une initiative qui va vraiment dans le bon sens. Au plan local, j’observe une forte appropriation du sujet, avec des acteurs qui se parlent et apprennent à se connaître. C’est pour moi l’essence même d’un écosystème dynamique dont Lyon a besoin. S’il n’y avait pas la Frenchtech, nous ne nous serions pas rapprochés du Lyon Urban Data avec qui nous répondons à un appel à projet. Par ailleurs, c’est un levier de financement qui pourrait nous permettre d’atteindre le point d’équilibre dans notre modèle qui arrivera fin 2016. C’est donc un grand soutien pour nous.
Par contre, il faudra être vigilant sur certains points. Sur le plan des investissements, nous sommes attentifs à la cohérence de la politique. En effet, si les pouvoirs publics mettent des millions d’euros dans les accélérateurs avec des modèles en prise de participation, il faut que de l’autre côté, les fonds détenus par la BPI acceptent de racheter ces participations en bout de chaine, ce qui n’est absolument pas dans les mœurs aujourd’hui ! Donc il faut de la cohérence dans la politique de soutien.
La politique Frenchtech conduit aussi à l’émergence de beaucoup d’accélérateurs qui se créent de manières plus ou moins opportunistes. Il y a donc une concurrence qui s’accentue et qui va nécessairement déboucher sur un écrémage ! Enfin, la Frenchtech ne doit pas être parisiano-centrée comme c’est la coutume. A Lyon de démontrer que son écosytème est structuré, solide et efficace !
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