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Innovation et protection industrielle

Interview de Patrick THIVILLIER

<< Dans les bassins stéphanois et lyonnais, de plus en plus de sous-traitants déposent des brevets. L’innovation est maintenant à tous les étages ! >>.

Entretien avec Monsieur Patrick Thivillier du Cabinet LAURENT & CHARRAS.

Le cabinet LAURENT & CHARRAS est un Cabinet de Conseils en Propriété Industrielle, né de la fusion, en 1990, du cabinet de Marc Charras (fondé en 1920) à Saint Etienne et celui de Michel Laurent à Ecully. Il emploie actuellement une quarantaine de personnes dont 5 associés. 
Monsieur Patrick Thivillier, l’un des associés, nous apporte un éclairage sur la dynamique d’invention et d’innovation sur le territoire à travers le prisme de la protection industrielle.

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Date : 02/06/2008

Est-ce que le métier de Conseil en Propriété Industrielle a connu de fortes évolutions ces dernières années, et si oui lesquelles ?
En 1920, on parlait de conseil en brevets d’invention et non pas en propriété industrielle. C’était une profession beaucoup moins réglementée. La grande profession de Conseil en Propriété Industrielle est née de la fusion, en 1990, des conseils en brevets d’invention avec des juristes spécialisés dans les marques et modèles. L’objet de la profession n’a pas changé : il s’agit toujours d’assurer au titulaire d’un brevet, d’une marque, d’un dessin ou d’un modèle, un droit exclusif opposable à tous afin d’interdire la copie de l’objet protégé. Les inventions à caractère technique sont protégées par des brevets, les créations ornementales par des modèles, et les signes distinctifs par des marques !  Par contre, ce sont les règles de droit qui ont changé, notamment avec la construction d’un droit communautaire, voire mondial. Aujourd’hui, il existe la marque et le modèle communautaires et le brevet européen, mais pas encore de brevet communautaire.

Pouvez-vous nous parler de quelques grandes innovations réalisées dans la région que vous avez accompagnées en tant que cabinet de Conseil en Propriété Industrielle ?
Sur Saint-Etienne, j’ai en tête une personne physique qui a inventé un distributeur de papier essuie-main selon des longueurs toujours égales quelle que soit la façon dont est tiré le papier. Avec ce brevet, la personne a négocié des licences en Europe et dans le monde entier et vit (très bien !...) de ses redevances de licence. Je pense aussi au Flashball qui est une arme non létale utilisée par les forces de l’ordre et qui a été créé à Saint-Etienne par une entreprise spécialisée dans les armes. La marque Flashball est une marque notoire, elle est dans le dictionnaire ! Regardez aussi le groupe HEF, spécialisé dans le traitement de surface, qui vit aujourd’hui au travers de ces brevets en négociant des licences dans le monde entier ou le groupe SNF, spécialisé dans les floculants, et qui dépose chaque année une dizaine de brevets par an, en faisant de lui l’un des leaders mondiaux !

Y a-t-il des secteurs économiques dans la région où vous sentez une effervescence particulière en matière de dépôt de brevets ?
Dans la chimie, on assiste à des dépôts de brevets en continu ! Dans le textile, les inventions ont été nombreuses et concernent aujourd’hui les textiles techniques, sans parler de la mécanique à Saint-Etienne. Tous ces secteurs industriels ont fait l’objet de dépôts de brevets en volumes très importants et encore aujourd’hui ! Rhône-Alpes est la première région en matière de dépôts de brevets après l’Ile-de-France. Aujourd’hui, les secteurs de l’électronique, de la chimie, de l’automobile et du médical sont dans des processus d’innovation très soutenus et en même temps soumis à un contexte concurrentiel très fort, d’où des demandes très nombreuses de protection.

Les PME sont souvent moins armées que les grands groupes en matière de protection industrielle et on connaît la richesse du tissu de PME de la région. Est-ce un handicap pour protéger nos innovations ?
En effet, les PME n’ont pas encore la culture de la propriété industrielle, particulièrement des brevets d’invention, par méconnaissance. Lorsque l’entreprise lance un produit, elle va penser à l’assurance, à son plan marketing, mais n’aura pas toujours le réflexe de protection de son innovation technique ou autre, ce qui sera ultérieurement perçu comme un surcoût. Au Japon et en Allemagne, les PME ont une culture de la propriété industrielle qui est beaucoup plus développée. C’est la raison pour laquelle nous faisons aussi de la sensibilisation. Pour autant, malgré la tendance à la disparition de grands groupes à Saint-Etienne, notre activité n’a cessé d’augmenter parce que beaucoup de PME se sont créées et font désormais appel à la propriété industrielle. On s’aperçoit que dans les bassins stéphanois et lyonnais, de plus en plus de sous-traitants déposent des brevets, bien qu’ils ne soient pas a priori les mieux placés pour créer de nouveaux produits et donc déposer des brevets. L’innovation est maintenant à tous les étages ! D’une manière générale, on assiste à une augmentation du nombre de brevets sur le territoire depuis plusieurs années. Quant aux marques, la France et Rhône-Alpes sont parmi les premiers déposants.

Les secteurs des biotechnologies ou des nanotechnologies, très dynamiques dans la région, ne soulèvent-ils pas de nouveaux enjeux en matière de protection industrielle ?
Une loi bioéthique autorise le clonage à but thérapeutique mais pas à but industriel. On voit bien que la frontière entre les deux est très ténue ! Aujourd’hui, on peut breveter le vivant dans un but thérapeutique. Nous sommes nous-mêmes sollicités par ce type de démarche par des acteurs régionaux. Un de nos associés, pharmacien de formation, est spécialisé dans les biotechnologies et travaille avec des entreprises rhône-alpines spécialement dans ce domaine. De même, dans les nanotechnologies, on voit bien l’effervescence qu’il y a en matière de brevets. Notre activité devrait se développer dans ces secteurs dans les années à venir.