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Biotechnologies : collaboration entre Lyon et Genève

Interview de Hervé PERRON

<< Favoriser les synergies permettrait de faire basculer toute la Suisse francophone vers la France alors qu’actuellement les Genevois sont obligés de se tourner vers les industriels pharmaceutiques situés en Suisse Allemande >>.

GeNeuro a été créée en mars 2006 chez l’incubateur Eclosion situé à Plan-les-Ouates, près de Genève. Hervé Perron, directeur et fondateur, était auparavant chercheur chez bioMérieux. Il nous apporte son point de vue sur le secteur de la biotech à Genève et souligne le potentiel de collaborations qui existe entre Lyon et Genève.

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Date : 24/10/2007

Pouvez-vous rapidement nous décrire votre parcours ?

Après avoir intégré l’unité mixte CNRS-bioMérieux à l’ENS Lyon, j’ai travaillé au siège de bioMérieux à Marcy l’Etoile. Grâce à une collaboration avec l’INSERM de Grenoble et bioMérieux, mes travaux ont abouti à un brevet qui mettait en évidence un produit thérapeutique. Bien que bioMérieux ne fasse pas du thérapeutique mais du diagnostic, ils ont quand même décidé d’exploiter ce brevet en « externalisant » sa valorisation.

 

GeNeuro est aujourd’hui incubée à Eclosion, près de Genève. Quel est aujourd’hui votre réseau de relations professionnelles ?

Je travaille en relation avec l’hôpital de Genève, l’université de Genève et de Lausanne, avec des chercheurs, médecins, cliniciens et des ingénieurs mais je continue à travailler avec un réseau sur Lyon très conséquent et très efficace. Il ne s’agit pas de faire ici ce qu’ils font déjà très bien là-bas. J’ai des relations de travail avec l’IMAG (Institut d’Informatique et Mathématiques Appliquées de Grenoble), l’INSERM, et différents laboratoires notamment pour tout un tas d’études sur les modèles animaux. A Grenoble avec l’INSERM par exemple, je travaille sur la mise au point de souris transgéniques.

 

Qu’est-ce qui vous frappe en travaillant à Genève ?

Ce qui me frappe, c’est de voir à quel point les acteurs publics suisses locaux sont réellement parties prenantes dans tous ces projets technologiques et scientifiques. En France, c’est l’Etat jacobin qui reste le principal initiateur de ces projets et la dynamique se perd au fur et à mesure que l’on descend les échelons ! En Suisse, ça se décline à tous les niveaux, de l’Etat Fédéral à la municipalité. Et le partenariat public-privé fonctionne très bien. Il y a une cohésion sociale qui va jusqu’à la définition d’un intérêt économique commun. On voit moins cela en France. Il faut ajouter la puissance de leurs universités et de la recherche. Le transfert technologique et la continuité entre recherche et industrie sont très prégnants en Suisse. En France, il y a une cassure totale ! Même dans les entreprises françaises, les services de recherche sont globalement très peu informés des études et recherches publiques existantes. Bien que la recherche française soit excellente, les relais pour la valorisation de brevet sont encore insuffisants.

 

L’ouverture internationale de Genève a-t-elle un impact sur le secteur des biotechnologies ?

C’est évident ! Vous avez tous les capitaux du monde entier qui sont là-bas et toutes les biotech en suisses sont suivis par les investisseurs du monde entier. Le secteur bancaire suisse est très international et très ouvert. Même des banques françaises nous repèrent en Suisse alors qu’elles ne nous repéreraient pas en France ! Il y une visibilité sur les opportunités d’investissement à Genève qu’il n’y a pas en France. Et Eclosion, parmi ses atouts, a toutes ces connections et un réseau business phénoménal. Il y a dans son Conseil d’Administration de gros industriels pharmaceutiques. Avec un réseau bancaire puissant, des industriels pharmaceutiques et des acteurs publics réunis autour de la même table, ils mettent toutes les chances de leur côté !

Quels sont les freins selon vous à des coopérations plus approfondies entre Lyon et Genève ?
Il faudrait des liaisons ferroviaires et routières plus performantes entre les deux villes. Pour l’instant, les infrastructures en place restent trop dissuasives. Des horaires « affaires » et plus fréquents entre Lyon et Genève seraient utiles. Il y a de réelles opportunités de ce côté-là, d’autant plus que les obstacles juridiques entre la France et la Suisse sont peu à peu levés grâce aux accords bilatéraux. Maintenant, toute personne habitant en France et travaillant en Suisse peut avoir le statut de transfrontalier. Moi qui habite Lyon, je suis considéré comme transfrontalier !

 

Quel est l’intérêt des deux métropoles à lever ses barrières logistiques et administratives ?

Je pense qu’entre la technopole grenobloise, l’énorme bassin scientifique et industriel lyonnais et Genève qui a une forte capacité de transfert technologique et de valorisation, il y une complémentarité énorme à faire jouer ! Et je dirais même que cela va beaucoup plus loin : favoriser les synergies permettrait de faire basculer toute la Suisse francophone vers la France alors qu’actuellement ils sont obligés de se tourner vers les industriels pharmaceutiques situés en Suisse Allemande (Bâle notamment). Au niveau pharma, il n’y a pas grand-chose à Genève, donc ils sont obligés de s’appuyer sur Bâle, Lucerne et culturellement, on voit bien qu’on devrait leur tendre un peu plus la main côté français  pour contrebalancer ce pôle germanique par un pôle francophone grâce aux entreprises situées sur le bassin lyonnais, ce serait très bien venu. Cette complémentarité pourrait tout à fait être défendue au sommet des institutions réunissant le Grand Lyon, la Région et l’Etat de Genève. Pour l’instant, les Genevois s’autosuffisent parce qu’à chaque fois qu’il y a eu des tentatives de travail en commun, nous n’avons pas su répondre de manière collective côté français. Il faut mobiliser les poids lourds de l’industrie lyonnaise comme Sanofi Pasteur, Merial et bioMérieux ! Les Genevois préfèreraient largement échanger de ce côté-ci qu’avec les Etats germanophones de la Suisse ! Il y a tout un fond culturel commun avec la France qui est évident et qui devrait être le socle de coopérations plus fructueuses. Le Grand Lyon et les poids lourds industriels lyonnais constituent un acteur collectif pertinent pour enclencher les choses et peser à poids égal avec l’Etat de Genève. Pourquoi, lorsqu’il y a Biodata à Genève, n’y a-t-il pas d’entreprises françaises ?

 

Où en est votre entreprise aujourd’hui et quel avenir peut-on lui souhaiter ?

Nous avons abouti à un modèle préclinique, et nous sommes en phase de développement d’un anticorps thérapeutique humanisé avec des contacts avec plusieurs partenaires. Comme la plupart des biotech, nous risquons d’être repris par un gros groupe pharmaceutique qui n’a pas forcément une vision régionale. L’idéal serait que ce projet soit repris par la suite par une entreprise de la région. Et Lyon a plus de ressources que Genève sur ce point !