Vous êtes ici :

La labellisation est un gage d’excellence pour les laboratoires de recherche

Interview de Dominique PELLA et Virginie FARRE

<< Les laboratoires labellisés par les établissements publics scientifiques et technologiques (INSERM, CNRS, INRA…) sont tout simplement les meilleurs : la labellisation est un gage d’excellence >>.

Organisme public majeur dans le champ de la recherche médicale et en santé humaine, l’INSERM recense dans l’agglomération lyonnaise 29 laboratoires, 19 unités de recherche, 3 équipes de recherche et innovations technologiques ou méthodologiques, 1 centre d’investigation clinique, 3 instituts fédératifs de recherche, le Laboratoire P4-Jean Mérieux, 6 centres de ressources biologiques et 11 plateformes techniques et opérationnelles.
Ces laboratoires sont majoritairement mixtes ou partenaires d’universités, d’hôpitaux et de grandes écoles. Ils sont implantés sur plusieurs sites : facultés de médecine de Laënnec et de Rockfeller, hôpitaux Lyon Sud, Edouard Herriot, Neuro-cardiologie, Debrousse, Tour Inserm de Gerland, Bron, centre Léon Bérard, INSA et site de la faculté des sciences de la Doua… 

Après un tour d'horizon régional de l'Institut, Dominique Pella (Administrateur Délégué Régional Rhône-Alpes/Auvergne de l’INSERM) et Virginie Farré (Chargée de Valorisation) abordent les questions de labellisation, de choix des sujets de recherche, de la relation entretenue par l'Institut avec les laboratoires et l'industrie et de son financement.

Tag(s) :

Date : 31/05/2004

Pouvez-vous dresser une fiche d’identité de l’Institut National de la Santé et de la Recherche au niveau régional ?

Sur les 450 structures de recherche de l’INSERM en France, près d’une soixantaine sont implantées en région Rhône-Alpes et en Auvergne :
- unités mixtes de recherche avec le milieu hospitalo-universitaire et les grandes écoles,
- Instituts Fédératifs de Recherche composés de plusieurs laboratoires associant des partenaires scientifiques et hospitaliers autour d’une stratégie scientifique commune ou de mutualisation de moyens,
- Centres d’Investigation Clinique INSERM/CHU conçus pour la réalisation de projets de recherche clinique,
- Groupements d’Intérêt Public regroupant les forces d’équipes de recherche travaillant dans un domaine spécifique et engagés dans la recherche clinique avec l’industrie,
- Groupements d’Intérêt Economique et Centres de Ressources Biologiques.
Dans la région, quelques 700 personnes payées par l’INSERM travaillent pour la recherche à plein temps : chercheurs, ingénieurs, techniciens et administratifs… Près de 800 praticiens hospitaliers, professeurs d’université et thésards consacrent tout ou partie de leur temps à la recherche dans des laboratoires INSERM. En Rhône-Alpes, l’INSERM gère en moyenne 45 millions d’euros par an, dont 28 millions sont affectés aux salaires. Le budget des structures de recherche est cependant bien plus élevé. Des crédits complémentaires émanent d’autres financeurs en fonction du statut et des missions du laboratoire : université, écoles, partenaires industriels…

 

Comment s’obtient le label INSERM ?

A l’origine, un chercheur ou un enseignant chercheur se passionne pour un sujet de recherche porteur et innovant. Il monte, souvent avec peu de moyens, son propre laboratoire, généralement à l’université, et parvient peu à peu à acquérir une reconnaissance internationale via la publication de ses travaux de recherche. Il se fait ensuite reconnaître comme « équipe d’accueil » par le ministère. A un certain niveau de notoriété, le laboratoire se fait évaluer par l’INSERM en vue d’obtenir la labellisation. Il peut alors devenir une « unité mixte université/INSERM », dotée de crédits récurrents de l’INSERM, et bénéficier de davantage de reconnaissance de la part de ses pairs et des partenaires industriels ! Les laboratoires labellisés par les établissements publics scientifiques et technologiques (INSERM, CNRS, INRA…) sont tout simplement les meilleurs : la labellisation est un gage d’excellence. Nos laboratoires sont expertisés tous les quatre ans, et peuvent, suivant les résultats, perdre leur label. Les chercheurs eux-mêmes sont soumis à l’évaluation de leurs pairs au minimum tous les deux ans : une fois statutaires, ils font partie, à mon avis, des fonctionnaires les plus suivis de France.

 

Quelle est la latitude des laboratoires INSERM dans le choix de leurs sujets de recherche ?

Elle est importante, car le financement des laboratoires est de source multiple ! Les chercheurs peuvent répondre à des appels d’offres ciblés des ministères, de l’INSERM, d’autres établissements publics de recherche (CNRS, INRA…), de l’Union Européenne et de certaines collectivités territoriales… Ils peuvent également s’engager dans des programmes de collaboration avec des industriels qui, en contrepartie d’un apport de moyens conséquents (matériels, humains et financiers), vont accéder à un savoir-faire de haut niveau, des ressources biologiques uniques et une expertise scientifique reconnue leur permettant de faire avancer leurs problématiques de recherche. Tout le monde y trouve son compte, à partir du moment où il y a véritablement une avancée de la connaissance donnant lieu à des publications, à l’enrichissement du portefeuille de brevets et au développement d’outils diagnostiques ou de thérapeutiques innovantes. Le partenariat du laboratoire avec l’industriel peut aussi se limiter à la vente d’un savoir faire de haut niveau, mais cette activité doit rester marginale, car si l’intérêt financier est important, l’intérêt scientifique est discutable et ne cadre plus forcément avec les objectifs premiers d’un laboratoire de recherche académique. La création d’une entreprise peut alors constituer une alternative envisageable. Généralement, la plupart des chercheurs des organismes publics demandent une liberté dans leur recherche peu compatible avec la logique commerciale des industriels de la santé et de la pharmacie… Par exemple, si l’INSERM vient de reprendre l’exploitation du P4-Jean Mérieux, c’est parce que le type de recherche qui y est menée (étude des virus Ebola et Lhassa entraînant la mort de milliers de personnes en Afrique et en Asie) n’intéresse pas ou peu les industriels : les débouchés économiques ne sont pas évidents ! En revanche, des laboratoires travaillant sur l’hépatite ou le cancer, pathologies plus proches de nos préoccupations occidentales, vont avoir plus de chances d’obtenir des financements industriels…

 

Est-ce que l’INSERM a un droit de regard sur les relations de ses laboratoires avec l’industrie ?

Oui. Si les premiers contacts et le début des négociations s’opèrent souvent au niveau local, les contrats industriels des laboratoires INSERM sont ensuite négociés, rédigés, instruits et signés au niveau national. Pour deux raisons : d’une part, les ressources et l’expertise font encore défaut dans les régions et d’autre part, cela permet d’avoir une vision globale des thématiques de recherche INSERM engagées avec les industriels. C’est également le niveau pertinent pour décider de l’opportunité du dépôt et du maintien en vigueur d’un brevet (compte tenu des coûts élevés engendrés) et de la négociation des licences d’exploitation de ces brevets à des industriels. Le contrat initial passé entre le laboratoire et l’industriel définit habituellement la future copropriété des résultats en fonction des apports et de la contribution inventive de chacun. Si un brevet est déposé et qu’il est exploité par un industriel, il donne lieu au versement de redevances selon une clé de répartition : tant pour l’inventeur, tant pour l’organisme universitaire, tant pour l’INSERM, tant pour l’établissement valorisateur, tant pour le laboratoire… L’exploitation de l’invention reste souvent du ressort de l’industriel : les chercheurs confirmés sont rarement des entrepreneurs, ils souhaitent généralement poursuivre leur recherche ! Ils peuvent néanmoins apporter leur concours scientifique à l’entreprise créée qui valorise leurs travaux. Parfois, il arrive qu’un jeune chercheur fasse le pas et monte sa propre entreprise…

 

Vulgarisation, mise en débat du choix des sujets de recherche des laboratoires… Quels types de dialogues l’INSERM engage-t-il avec le reste de la société civile ?

Notre communication a principalement trois cibles : les industriels, précédemment évoqués, les institutionnels et le grand public. Nous cherchons à faire prendre conscience aux institutionnels (Parlement, Régions, collectivités territoriales…) de la nécessité de renforcer certains champs de la recherche. Cela peut se traduire localement par l’organisation de conférences sur des thèmes que nous voudrions voir émerger et prendre en compte dans le futur Contrat de Plan Etat/Région. Nous avons, par exemple, récemment tenu une conférence au Conseil Régional sur « les maladies infectieuses, une menace mondiale et un défi pour la région Rhône-Alpes ». Elle avait pour but de souligner le rôle que pourrait jouer la région en matière d’infectiologie, en s’appuyant notamment sur le P4-Jean Mérieux. Concernant le grand public, nous participons depuis des années au Forum des Métiers, à la Fête de la Science et à la Semaine du Cerveau… La vulgarisation scientifique en tant que telle reste cependant marginale dans notre activité. Ce rôle est plutôt confié aux Centres de Culture Scientifique, Technique et Industrielle (CCSTI) qui sont coordonnateurs d’actions de vulgarisation scientifique. Les chercheurs de l’INSERM peuvent également intervenir à titre personnel dans des conférences ou des manifestations du type « Cafés des Sciences ».

 

Néanmoins, l’INSERM est un organisme public, financé par l’Etat… Les orientations de la recherche nous concernent tous directement. Il devrait y avoir moyen d’organiser le débat ?

Sur les domaines de recherche, oui, mais ce n’est pas aux chercheurs en tant que représentants de l’INSERM de prendre position dans des débats de société. Ce n’est pas notre rôle. L’INSERM est chargée d’établir, par exemple les indicateurs de surmortalité liés à la canicule de l’été dernier, mais n’a pas à critiquer le fonctionnement de l’Etat ou des services de météorologie. De même, ce n’est pas au chercheur de défendre ou de critiquer les OGM. Il peut, en revanche, produire des données permettant de prendre une décision en matière d’introduction des OGM comme alternative aux pesticides.

 

On parle depuis longtemps de la désaffection des étudiants pour les filières scientifiques. Est-ce que l’INSERM connaît ce type de difficulté pour le recrutement des chercheurs ?

Globalement, nous n’avons pas de difficultés, si ce n’est pour les médecins et les vétérinaires. Le principal problème pour nous se situe au niveau des salaires, qui ne sont pas assez attractifs par rapport à ceux du privé. L’INSERM a mis en place plusieurs dispositifs pour remédier au moins partiellement à ce handicap. Deux exemples :
- les « contrats d’interface » qui permettent au chercheur, fonctionnaire de l’INSERM, de percevoir une rémunération complémentaire fondée sur des contrats temporaires évaluables et renouvelables, signés avec des partenaires académiques, institutionnels ou industriels de l’INSERM,
- les « contrats Avenir » qui offrent à de jeunes chercheurs soumettant un projet innovant de haut niveau un soutien financier et logistique. Les lauréats disposent d’une surface de recherche, d’un accès aux plateformes technologiques du site d’accueil et reçoivent une dotation pouvant aller jusqu’à 60 K euros par an durant trois ans.