Les industries créatives
Étude
De nouvelles industries pour donner une identité aux territoires ? Tendances Prospectives.
Interview de Yves Evrard
<< Dans l’art, l’innovation, l’originalité sont, pour l’art occidental en tout cas, au cœur du modèle. Et c’est ce modèle qui se généralise, avec ce qu’on appelle les innovations de rupture >>.
Yves Evrard, docteur en science de gestion à l’université Paris-Dauphine, ancien doyen associé à la recherche à HEC. Ses activités actuelles d'enseignement et de recherche sont centrées sur le secteur des arts et des industries créatives.
Dans cet entretien il revient sur le modèle des industries créatives et culturelles, leur rôle dans l'innovation économique et ce que pourrait être la nature d'une politique publique dirigée elles.
Yves Evrard est co-auteur avec Alain Busson de 2 ouvrages : Les industries culturelles et créatives, économie et stratégie, Ed. Vuibert, 2013; et Management des industries culturelles et créatives, coord., Ed. Vuibert, 2015.
Quelles sont les principales caractéristiques des industries créatives ?
Les industries créatives et culturelles (ICC) se distinguent par le fait que la création est au centre de la formation de la valeur. Par création, on entend les différents processus et activités dont les résultats sont, de façon prédominante, immatériels. Dans les ICC, la valeur symbolique et la création de contenus tiennent une place centrale. Elles ont généralement des frontières juridiques (droit d’auteur ou copyright).
La création se distingue de l’innovation, qui potentiellement est présente dans tout le champ de l’économie. L’innovation peut être technologique et concerner le procès de fabrication. Par exemple, dans la mode, la création est prépondérante pour la formation de la valeur alors que dans l’industrie automobile, c’est la technologie et l’innovation qui demeurent prépondérantes (même si le design d’une voiture joue aussi un rôle dans la décision d’achat).
Les ICC produisent de la valeur immatérielle et symbolique. Pour poursuivre l’exemple de la mode, la matière première, c’est-à-dire le tissu, ne représente au final qu’une faible partie du coût. C’est la création, c’est-à-dire la manière dont le styliste dessine et assemble le tissu, qui va lui donner une valeur nouvelle. Ainsi, une robe assume davantage qu’une fonction utilitaire (vous couvrir, vous tenir chaud éventuellement), elle a une fonction esthétique, qui est plus complexe à analyser, mais néanmoins essentielle dans le choix du consommateur.
Il faut aussi préciser que, de même que la signature de l’artiste détermine la valeur d’un tableau, la mode capitalise de la valeur symbolique sur des marques. Ainsi, l’étiquette, le nom, est en lui même du capital symbolique accumulé. Il va permettre de vendre un produit à des prix variables, qui dépendent de la réputation de la marque, au delà du coût initial de la matière première et de celui de la fabrication. Par exemple, pour une paire de chaussure de marque Nike, la matière première représente à peine 10% du coût total. C’est l’investissement qui est fait sur la création qui va permettre à ces chaussures de se distinguer. Mais plus encore, ce sont aussi les investissements publicitaires qui vont contribuer à ce processus, en rendant désirable la chaussure. La création, le design, l’innovation esthétique sont donc accompagnés par un environnement créé par les publicitaires et le marketing. C’est pour cette raison que l’on considère que la publicité appartient aux ICC, parce qu’elle est capable de créer de la désirabilité en s’appuyant notamment sur de la créativité.
Quelle est aujourd’hui l’actualité, la pertinence de la notion d’industries créatives ?
Elles jouent un rôle central dans la nouvelle économie. Lorsque nous avons initié un programme pilote à HEC il y a une trentaine d’années, les ICC étaient considérées comme des activités marginales au sein de l’économie générale. Nous pensions au contraire qu’elles avaient les dispositions pour devenir un secteur clé de l’économie du futur. Aujourd’hui, il y a une forme de prédominance pour ce type de modèle. De très nombreux objets doivent leur succès à la créativité qu’ils contiennent et qui permet de les caractériser.
Ainsi, l’iPhone a fait un triomphe commercial notamment grâce à son design, à son ergonomie, à sa facilité d’utilisation et à un marketing très bien pensé. Design, ergonomie, marketing reposent sur la créativité. Apple a essentiellement innové sur ces aspects d’usage, car en termes de technologies, beaucoup de ce qui est mis en œuvre dans un iPhone existait ailleurs. C’est la manière dont l’innovation a été mise en scène qui a permis la réussite. On voit là très clairement comment la création peut être l’élément central de la diffusion d’une innovation technologique. Aujourd’hui, la création est au cœur des ICC et elle est devenue un modèle de constitution de la valeur pour l’économie du futur (économie post-industrielle ou société de la connaissance selon les appellations choisies). Alors qu’il y a 30 ans, très peu de gens considéraient que la création, la créativité seraient une des clés pour le renouvellement de l’économie et de la consommation. On ne pensait pas que cela pouvait faire modèle, on estimait au contraire que très vite, tout cela serait normalisé par un management traditionnel.
Comment expliquer le succès du modèle des ICC ?
Je vais faire un détour par le monde de l’art. Dans ce domaine, c’est l’entrée en résonance d’une œuvre avec le public qui explique la réussite. C’est vrai pour toutes les œuvres, bien que cela puisse venir selon des temporalités variables : immédiatement ou au contraire plus tard, comme pour les peintres impressionnistes. Le cas le plus emblématique d’un succès tardif étant sans doute celui de Vincent van Gogh. Certains artistes vont avoir un succès immédiat et être oubliés assez rapidement après leur mort, pour connaître ou pas, à nouveau le succès après une période de purgatoire. Plus rarement, on observe le cas d’artistes qui connaissent un succès de leur vivant et qui perdure au-delà, comme c’est le cas par exemple pour Pablo Picasso, ou plus près de nous pour Andy Warhol.
A mes yeux, l’art a en quelque sorte montré le chemin. On s’est aperçu que la création pouvait être à l’origine de la constitution de la valeur. Que l’originalité et le risque pouvaient être formidablement payants, même si le succès était aléatoire. Dans l’art, l’innovation, l’originalité sont, pour l’art occidental en tout cas, au cœur du modèle. Et c’est ce modèle qui se généralise, avec ce qu’on appelle les innovations de rupture. Dans une certaine mesure, les courants artistiques fonctionnent sur ce principe : une nouvelle esthétique émerge, elle perturbe les codes établis, elle peut être rejetée par certains, considérée comme l’avant garde par d’autres, jusqu’à ce qu’elle s’impose. Pendant près d’un siècle, les mouvements esthétiques se succèdent les uns aux autres en proposant une rupture, parfois très radicale, comme lorsqu’on passe de la figuration à l’abstraction. Et ce phénomène va en s’accélérant, jusqu’à peut-être connaître aujourd’hui une forme d’essoufflement.
Pour ce qui concerne les services et l’industrie, on n’en est pas encore à l’essoufflement et à de nombreux égards, on est en plein dans ce cycle d’innovations de rupture. Ce phénomène s’est aussi formidablement accéléré avec l’avènement du numérique, qui permet des innovations de rupture dans de très nombreux domaines de l’économie. Il me semble par exemple que le secteur automobile, qui demeure relativement traditionnel jusqu’à présent, peut changer très fortement dans les prochaines années. On va avoir des voitures sans conducteurs, mais aussi des systèmes qui permettent d’optimiser leur l’utilisation. On va pouvoir les partager, les louer pour des laps de temps très courts. Cela aura aussi un impact en termes de circulation, toute l’informatique embarquée permettant d’optimiser la circulation et les temps de trajets. Cela jouera évidemment aussi sur l’énergie consommée, l’environnement etc. Cette optimisation du temps de parcours est déjà une réalité avec des applications comme Waze, qui propose au conducteur un parcours optimum en termes de temps, en fonction de l’état du trafic.
Avec la digitalisation de l’économie, les changements sont très rapides et les positions acquises ne le sont jamais pour longtemps. L’économie connaît depuis longtemps des innovations de rupture, comme par exemple lorsque l’industrie horlogère passe de la montre qui se remonte à la main au mouvement à quartz. Cependant, le passage de l’un à l’autre a été très progressif, alors qu’avec le numérique, les choses changent très vite. Ainsi, l’apparition de la photo numérique a été fatale à l’argentique, et une entreprise comme Kodak, qui paraissait intouchable, a été marginalisée en quelques années, faute d’avoir su prendre ce virage technologique.
En quoi ces innovations modifient elles le comportement des consommateurs de culture ?
On a d’autres exemples qui concernent plus spécifiquement les ICC et qui sont bien connus maintenant. La vente de la musique a été l’un des premiers secteurs profondément bouleversés par la digitalisation. Dans un premier temps, il y a eu le partage de pair à pair de fichiers MP3, qui a provoqué un effondrement des ventes de CD. L’industrie du disque a cherché à contrôler ce phénomène de partage sans y parvenir. C’est Apple qui a été l’opérateur capable de faire face à ce changement. Ce ne sont donc pas les majors du disque, pourtant spécialistes de leur secteur, qui sont intervenus efficacement, mais un acteur venu d’un autre secteur, qui a conçu un nouveau type de magasin, entièrement virtuel. Il était inimaginable que les majors perdent le contrôle de la vente de la musique, et c’est pourtant ce qui s’est passé. Apple a réussi à passer des accords avec l’industrie du disque, en proposant de leur reverser 70% du prix de vente.
Mais surtout, le tour de force d’Apple aura été de développer des appareils, sa gamme d’iPod notamment, qui captent l’essentiel de la valeur du marché du disque. En effet, ils génèrent des revenus énormes qui échappent aux majors, puisqu’ils sont indispensables pour écouter la musique et pour la stocker. L’Apple Store a aussi changé les habitudes des consommateurs, qui au lieu d’acheter un album, achètent maintenant 1 ou 2 chansons, et picorent en fonction de leurs goûts dans les albums.
Cependant, ici aussi, les choses bougent très vite. Il semble que le modèle de la vente de fichiers numériques via un magasin en ligne, va à son tour être dépossédé de sa position dominante avec le développement du streaming. Spotify et Deezer, les 2 leaders actuels du marché, proposent des formules d’abonnements qui permettent une consommation illimitée de musique. Le consommateur, pour une somme modique, a maintenant accès à une bibliothèque détenant quasi toutes les références de la musique enregistrée.
Là encore, cela provoque un changement du comportement des consommateurs. Ils écoutent d’autres choses, notamment aussi parce que ces entreprises ont des compétences nouvelles en matière de repérage du comportement des consommateurs. Avec le streaming, vous savez ce que les gens écoutent le matin par exemple, et à partir de là, vous pouvez leur proposer des playlists qui rejoignent leurs goûts. Et naturellement, vous pouvez leur proposer d’autres playlists adaptées à d’autres moments de leur journée…
Quelle pourrait être la nature d’une politique publique dirigée sur les industries créatives ?
Il me semble qu’il faut distinguer dans votre question le secteur culturel du secteur créatif. S’agissant du secteur culturel, il y a en France une très forte intervention publique, ce qui n’est pas vrai dans d’autres pays. Le rôle de l’Etat, mais aussi des autres collectivités publiques (puisque plus de 50% des dépenses culturelles sont assumées par les collectivités locales) demeure prépondérant. Ce système s’avère de moins en moins adapté à une économie qui se mondialise. De plus, les politiques publiques soutiennent généralement davantage le passé, et ont du mal à saisir l’existant et encore plus à être prospectives. L’Etat est davantage tourné vers le patrimoine que vers la création, à l’exception sans doute du spectacle vivant. Cependant, certains secteurs émergents et considérés comme ne relevant pas du champ artistique ont connu une belle progression. C’est le cas en particulier du jeu vidéo. L’intervention publique s’y est faite différemment. Ça n’est pas la subvention qui a aidé, mais le crédit d’impôt. Le crédit d'impôt étant une somme qui est soustraite du montant de l'impôt qu'une entreprise ou qu'un particulier doit payer, selon un ratio entre l’argent investi et celui gagné ou perdu. Le même système a été utilisé pour favoriser le retour en France de tournages audiovisuels.
Ainsi, si l’on y regarde de plus près, il existe d’autres dispositifs que la subvention dans les politiques destinées à soutenir le champ culturel. Les pouvoirs publics agissent avec des outils variés. Par exemple, le fait d’avoir exclu les œuvres d’art de l’évaluation du patrimoine soumis à l’ISF était une manière de soutenir le marché de l’art. Cela provoque certes une baisse des rentrées fiscales liées à l’impôt, mais cela contribue à la santé d’un secteur, qui demeure taxé par ailleurs comme tout autre secteur commercial, par le biais de la TVA. La loi sur le mécénat, qui vous permet de déduire de votre impôt 66% de votre don (lorsque vous donnez 100 E, vous ne payez effectivement que 33 E, à condition bien sur d’être assujetti à l’impôt sur le revenu), a été une manière efficace d’encourager les particuliers et les entreprises à soutenir des activités culturelles. Et comme je le disais, la possibilité d’obtenir un crédit d’impôt a été très utile pour le dynamisme du cinéma et du jeu vidéo.
De quand date selon vous ce virage de l’économie dans la culture ?
Cela fait plusieurs décennies que les mentalités ont évolué. Jack Lang dans les années 80 est vraiment à l’origine de ce tournant, c’est lui qui légitime la dimension économique de la culture. On passe d’une conception de la culture exclusivement centrée sur le contenu des œuvres, à la prise en considération de leur dimension économique, même si perdure longtemps l’idée qu’elles ne sont pas une activité comme une autre. Il y a eu des résistances, le mouvement a été lent, mais je crois qu’aujourd’hui, cette idée est relativement bien partagée. D’ailleurs, les professionnels eux mêmes s’appuient sur cela pour justifier les aides qu’ils reçoivent, en essayant d’avancer des ratios du type 1 E investi dans un événement culturel entraine 1, 2 ou 3 euros dépensés ailleurs (c’est ce qu’on appelle le « multiplicateur keynésien »).
Le second mouvement après Jack Lang, c’est Jean-Jacques Aillagon et sa loi sur le mécénat. Cela a déclenché une appétence chez de très nombreux acteurs, à des niveaux très différents évidemment, du simple particulier qui contribue en apportant son écot à l’achat d’un tableau pour un musée, à des entreprises qui créent des fondations, se dotent de bâtiments et de professionnels pour les animer. La fondation Vuitton en est l’exemple le plus flagrant aujourd’hui, avec son bâtiment construit par Franck Gehry, un architecte prestigieux, et des expositions ambitieuses. Ainsi, la récente exposition de la collection Chtchoukine a battu des records en termes de nombre d’entrées : elle a dépassé les scores obtenus par des expositions de même nature au Grand Palais ! C’est une mutation considérable dans le paysage, puisque cette exposition est organisée sur des fonds privés. Et d’ici un an, il y aura la fondation Pinault qui va, à n’en pas douter, transformer elle aussi l’offre de niveau muséal.
Ceci peut-il valoir dans d’autres secteurs que celui des arts plastiques ?
Sans doute pas de la même façon. La capacité à valoriser le spectacle vivant demeure embryonnaire et il n’y a pas eu, à ma connaissance, d’investissements de même nature que ceux dont je viens de parler dans ce secteur. Les directeurs de lieux demeurent encore attentistes, sinon frileux. C’est un secteur où les chapelles et les conflits sont souvent prégnants. Prenez simplement l’arrivée de la danse au festival d’Avignon, cela a suscité des résistances très fortes, et il ne s’agissait finalement que d’associer une autre discipline du spectacle vivant à un festival de théâtre, pas de privatiser ou de faire appel à un partenaire privé qui se suppléerait aux financements publics. Si des conflits de type corporatiste sont encore présents, il faut noter que malgré tout, le pluridisciplinaire s’est imposé à Avignon. Ce que j’interprète, peut être parce que je suis optimiste, comme un indicateur positif de la capacité du secteur culturel à accepter le changement. Mais il le fait à l’instar des autres domaines économiques, sur un mode très français : c’est souvent conflictuel, plein de débats et d’invectives parfois, et puis, finalement, les choses bougent.
Ainsi, plusieurs institutions ont commencé à changer pour élargir leurs ressources. Je prendrais à titre d’exemple le cas de l’Opéra de Paris, qui est dans une posture très dynamique, avec un cercle de mécènes actif, qui propose des soirées dédiées à ses soutiens, le développement de produits dérivés, ainsi que la retransmission au cinéma de certains spectacles (exemple suivi par la Comédie Française). C’est un moyen d’élargir le public, de faire connaître l’institution et de générer des ressources nouvelles.
Dans ce contexte, quel peut être l’impact du numérique ?
En réalité, la numérisation est partout, cela ne concerne pas seulement certains secteurs. Cela a un impact sur la diffusion comme je l’ai dit plus haut et sur la création. Au cinéma, on ne travaille plus sur pellicule, les tournages sont entièrement numériques. Et les cinémas ne reçoivent plus des bobines, mais des fichiers numériques. Pour la mode, cela joue aussi, et notamment s’agissant de la diffusion. Les grandes marques de luxe ont toutes développé des sites, qui sont à la fois des galeries virtuelles, et des espaces qui contribuent à leur image, parce que leurs sites sont toujours soignés, créatifs. De plus, elles vendent aujourd’hui beaucoup via Internet. Il y a aussi un marché sur le net pour les œuvres d’art.
Ce qui manque cependant en France et même en Europe, ce sont de grandes entreprises du numérique. Les géants du web type Google, Apple, Facebook, Amazon (GAFA), sont des entreprises américaines. Google est présent partout et est très actif dans le champ de l’art avec le Google art projet, Google books, Youtube… Il n’y a pas d’entreprise française équivalente. Les politiques publiques ont du mal à prendre en compte l’international. Les lois qui restreignent la concentration, c’est intéressant pour protéger la diversité de la production, mais quand vous avez à faire à un secteur mondialisé, c’est pénalisant. Cela empêche le développement de grands groupes multimédias. Si la loi fixe qu’un groupe ne doit pas détenir plus de 10% d’un secteur en France, alors il aura du mal à s’imposer au niveau mondial, parce que sa base de départ est trop faible.
En d’autres termes, alors que l’on a réussi à développer dans le domaine industriel des entreprises européennes compétitives au niveau mondial, et je pense notamment à Airbus qui est au coude à coude avec Boeing, on n’a pas d’opérateur dans les ICC de taille comparable à Netflix. Dans un même ordre d’idée, les chaines de télévision ne sont généralement pas propriétaires des droits d’exploitation des programmes qu’elles diffusent, alors que les networks américains qui produisent des séries, les diffusent partout dans le monde.
Cela vaut-il pour tous les secteurs ? N’y a-t-il pas des exemples encourageants ?
En effet, dans le domaine de la mode, de grands conglomérats ont réussi à se développer et à atteindre une dimension mondiale. LVMH et Kering ont acquis une taille critique, en rassemblant des marques très variées. La mode a réussi à se mondialiser avec des savoirs faire très pointus. Mais une fois encore, on voit bien que le champ de l’art et celui des ICC ne sont pas traités de la même façon. Pour la mode, on n’a pas de mesures qui protègent ou qui entravent, et on a de belles réussites au niveau international. Pour l’art, on a un raisonnement différent, ce qui a son intérêt, puisqu’on préserve la diversité des productions, mais aussi un revers, puisque ces productions s’exportent difficilement. Clairement, on n’a pas cherché à protéger les créateurs de mode comme on a protégé les réalisateurs ou les auteurs, ce qui traduit aussi la place que nous leur donnons dans le champ des arts et des ICC.
Quoiqu’il en soit, il est difficile de généraliser. Si l’on regarde plus en détail, on constate que certaines institutions culturelles font des choses remarquables. Les maisons d’opéra en sont souvent un bon exemple. Elles ont su s’internationaliser tout en gardant leurs valeurs artistiques fondamentales. Peut être aussi est-ce dû au fait que la musique voyage plus aisément, que l’opéra est d’emblée international, qu’on y chante en italien, en allemand. La globalisation y est effective depuis longtemps. Le Festival d’Aix a acquis un rayonnement international fort, tout en développant un ancrage local important. Il se tourne aussi vers une aire géographique nouvelle recouvrant les deux côtés de la Méditerranée. Cela fait sens, car un fort pourcentage de la population locale vient des pays du pourtour méditerranéen.
Les industries créatives semblent être promues par tous les territoires, comment dans ces conditions peuvent-ils se distinguer ?
Tout dépend des domaines sur lesquels vous travaillez. Je constate que plusieurs territoires se sont spécialisés. C’est par exemple le cas pour Angoulême, qui a innové en imaginant un festival de la bande dessiné, qui lui permet ensuite d’associer de nombreuses activités connexes autour de l’image, puis de l’image animée. A Lyon, il y a la gastronomie sur laquelle la Métropole s’est imposée. Bordeaux a capitalisé fort logiquement sur le vin en créant la Cité des Vins. On peut donc avoir des industries créatives qui reflètent une histoire et d’autres qui sont des implantations plus récentes. Mais paradoxalement, alors qu’en France, la richesse patrimoniale est incroyable, les villes qui ont fait la démarche de mettre en valeur ce patrimoine, en s’appuyant sur des industries créatives sont relativement peu nombreuses.
Cela s’explique en partie par une forme de conservatisme, de résistance au changement, qui caractérise la France mais peut être aussi l’Europe. C’est dommage, mais là aussi, c’est en train de changer. Peu à peu, la prise de conscience que la dimension patrimoniale est fortement corrélée au tourisme, se fait. C’est pour cela que les collectivités territoriales cherchent à articuler les deux, parce que cela participe de leur attractivité.
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