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En compétition, oui. Mais avec qui ?

Interview de Vincent GOLLAIN

© DR
Directeur de l'attractivité durable des territoires à l'Agence régionale de développement de Paris - Île-de-France

<< La compétitivité est la capacité d'un territoire à créer de la richesse à long terme et à la redistribuer au bénéfice de tous >>.

Propos recueillis par Boris Chabanel pour la revue M3 n°4

La compétition mondiale entre les villes est devenue une donnée de leur existence et de leur développement. Mais si la concurrence se généralise, elle n’est pas la jungle que certains imaginent, en particulier parce que toutes les villes ne jouent pas dans la même catégorie.
Eclairage de Vincent Gollain, marketeur territorial.

Date : 20/01/2013

Quel regard portez-vous sur l’état de la concurrence entre métropoles aujourd’hui ?

La concurrence existe et se développe. Les villes ne sont pas simplement en concurrence pour l’accueil des entreprises, des habitants, des touristes. Aujourd’hui, avec la mobilité accélérée des idées, des individus, des marchandises, des capitaux, la compétition se généralise. Des facteurs productifs que l’on considérait comme relativement captifs deviennent mobiles et peuvent ainsi être intégrés au jeu de la compétition mondiale. L’internationalisation du marché des études supérieures en est un bon exemple. De plus en plus d’étudiants regardent au-delà du pôle universitaire le plus proche pour
choisir les campus qui leur offriront les meilleures perspectives. D’où la nécessité pour les territoires de prendre en compte ces nouvelles facettes de la concurrence et de se poser la question de leur positionnement sur ces différents marchés.

 

L’enjeu de compétitivité économique s’adresse-t-il seulement au sommet de la hiérarchie urbaine mondiale et nationale  ?

La compétitivité est la capacité d’un territoire à créer de la richesse à long terme et à la redistribuer au bénéfice de tous. Cette approche conduit à s’intéresser dans le même temps au développement endogène (l’économie résidentielle) et au développement exogène (l’économie concurrentielle). De ce point de vue, tous les territoires sont concernés : aucune ville ne peut dire qu’elle n’est pas intéressée par la création de richesse ! En revanche, les territoires se distinguent sur les leviers de cette création. Selon l’aire de concurrence retenue (locale, nationale ou encore mondiale), des stratégies différentes seront pertinentes. On se focalisera ici sur l’accueil d’une nouvelle enseigne pour compléter l’offre commerciale d’un centre-ville, on s’intéressera ailleurs à la promotion d’une filière économique dans le jeu européen, voire mondial. Une erreur fréquente en matière de compétition territoriale est de penser que tous les territoires se concurrencent. Ce raisonnement est faux dans la mesure où les aires de concurrence varient selon les territoires. Et le marketing territorial commence justement par définir précisément l’aire de concurrence. Cela permet de relativiser : la plupart des villes ne sont pas en compétition avec Shanghai, Dubaï ou Chicago ! Une fois un espace de concurrence défini et les compétiteurs identifiés, la stratégie marketing consiste à définir un positionnement, ce qui revient à expliquer aux clients potentiels les avantages comparatifs du territoire. Ainsi, plutôt que d’envisager une concurrence frontale avec les autres territoires, il est plus pertinent de choisir des segments spécifiques du marché et d’y construire une position différenciante. Cette grille de lecture permet d’analyser de façon plus fine l’évolution de l’attractivité du territoire et de conduire des stratégies de marketing opérationnel.

 

Quelle place occupe aujourd’hui la compétitivité dans la vision stratégique de la région Île-de-France ?

Les acteurs portant la problématique économique sont nombreux en Île-de-France : l’État, le conseil régional, les collectivités territoriales, les chambres de commerce, les établissements d’aménagement, etc. Chacun est engagé d’une manière ou d’une autre dans le renforcement des avantages comparatifs de la région. Plusieurs démarches stratégiques de développement économique et d’aménagement permettent de faire converger les initiatives des acteurs économiques au bénéfice de tous. Une toute nouvelle stratégie régionale de développement économique et d’innovation (SRDEI) a été adoptée en juin 2011 avec l’ensemble des partenaires. Celle-ci s’est fixé trois priorités : renforcement des PME et PMI, valorisation du potentiel d’innovation et développement solidaire des territoires. La SRDEI comme l’ancien SRDE (schéma régional de développement économique 2006-2010) ont un horizon de moyen terme. La politique d’aménagement du territoire joue aussi un rôle important, afin de renforcer la compétitivité structurelle de la région Île-de-France. Les acteurs publics ont ainsi prévu d’investir, à travers le Grand Paris et le schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), plusieurs dizaines de milliards d’euros dans les vingt prochaines années pour restructurer en profondeur la région capitale. Des chantiers colossaux et nettement supérieurs à ceux investis dans les JO de Londres. Ils sont essentiels pour améliorer la mobilité en Île-de-France, mais aussi le logement et l’accueil d’activités économiques. Les proche et grande banlieues vont bénéficier fortement de ces nouveaux investissements structurants. Cela permettra de renforcer la compétitivité internationale de territoires stratégiques, comme le Grand Roissy, la cité Descartes – Val d’Europe ou Paris – Saclay. Les lieux de vie des Franciliens ne seront pas oubliés, permettant ainsi d’améliorer nettement la qualité de vie dans la région.