Vous êtes ici :

La dynamique propre à Lyon en matière de solidarité internationale

Interview de Benoît SILVE

<< Ce qui va faire la visibilité de Lyon en tant que ville de solidarité, c'est sa capacité à créer un réseau régional >>.

Entretien avec Benoît Silve, directeur de Bioforce.

Réalisée par :

Tag(s) :

Date : 14/03/2006

Y a-t-il une dynamique propre à Lyon en matière de solidarité internationale ?

Paris accueille un grand nombre d’organisations de solidarité internationale et possède bien sûr une toute autre dimension que Lyon dans ce domaine. En même temps, ça ne fera jamais l’identité de Paris d’être axé sur la solidarité internationale. Par contre, vous pouvez regarder Marseille, Bordeaux ou d’autres villes dynamiques sur le plan de la solidarité internationale, vous ne trouverez pas la spécificité de Lyon et sa région qui tient à la présence d’organismes performants et efficaces. Pour être très concret, avoir comme à Lyon une organisation comme Handicap International, c’est un enjeu stratégique. C’est ce qui nous permet d’atteindre, à Lyon, une certaine masse critique. Mais en dehors d’Handicap, d’autres acteurs importants ont montré leur efficacité avec, en toute modestie, Bioforce, qui est un acteur unique de dimension européenne et qui valorise Lyon de manière évidente. Et puis il y a des réseaux comme Resacoop, le Kiosque de la Solidarité qui est en projet, des collectifs comme le SCD, le CADR, etc, donc un ensemble d’acteurs qui ont déjà l’habitude de travailler ensemble.

 

Vous semblez inclure Lyon dans un espace régional aussi très dynamique sur le plan de la solidarité internationale…

En effet, j’ai une vision régionale de la solidarité internationale. On voit malheureusement que la tendance est plutôt de créer des pôles multiples en Haute-Savoie, Savoie et Ardèche mais qui sont la marque de volontés trop individualistes. Il manque un ensemble qui réunirait les Conseils Généraux de la région dans une dynamique de coordination. On voit bien la volonté individuelle d’être en tête de file sur certains sujets, et ce n’est pas un gage d’efficacité à mon sens. Ce qui va faire la visibilité de Lyon en tant que ville de solidarité, c’est sa capacité à créer un réseau régional. Tout ce qui va rendre la région plus visible va rendre Lyon plus visible car Lyon est la capitale régionale.

 

Qu’est-ce que signifie « travailler ensemble » pour des organisations de solidarité internationale ?

C’est porter un projet collectif et opérationnel et le faire dans la durée. Il faut identifier des projets qui puissent mobiliser des énergies complémentaires. Tout commence par l’opérationnel ! On a l’habitude, trop souvent, de se réunir pour des réflexions philosophiques, des échanges d’expériences mais pas assez sur des projets concrets ! Et de réfléchir à la structure la mieux placée pour pérenniser la dynamique au delà du projet et d’en identifier d’autres pour la suite. La collectivité publique a un potentiel de rayonnement à l’international important, elle a également des financements qu’il ne faut pas négliger, elle pourrait piloter un appui auprès de l’Union Européenne pour développer ces financements, ce qui est une capacité nécessaire que peu d’organisations à part Handicap International possède véritablement. Inversement, certaines ONG ont une légitimité auprès de l’opinion publique en tant qu’acteur indépendant, elles ont également un domaine d’expertise propre. Et pourquoi pas insérer également des organismes comme la CCI, la CGPME sur un projet donné. Le Collectif solidarité Asie-GL est un concept très intéressant !

 

Vous raisonnez en terme d’efficacité, est-ce que cela peut inclure les petites associations pourtant nombreuses à Lyon ?

En effet, pour être légitime, une action de solidarité internationale doit être efficace ! Je suis à la recherche de l’efficacité de l’action humanitaire et je forme les gens dans ce but. Pour moi, le fractionnement du tissu associatif est plutôt un frein. Il faut consolider les organismes qui font des choses voisines. Je crois beaucoup à la notion de masse critique.

 

Qu’est-ce qui fait la spécificité d’une école comme Bioforce dans le milieu de la solidarité internationale ?

Bioforce est une école de l’engagement humanitaire et en même temps une école tout à fait unique par sa capacité à structurer des parcours qui ne sont pas faciles à structurer au travers, entre autres, d’un thème central qui est celui de la solidarité. Ce potentiel est encore insuffisamment exploité. Opérationnellement, Bioforce est structuré en deux pôles : un pôle de formation et un pôle dit d’orientation professionnelle qui construit des parcours de vie avec deux idées fortes : professionnaliser l’action humanitaire et offrir aux individus un parcours cohérent et construit. Pour moi, il ne faut surtout pas former les gens pour les enfermer dans un cursus monolithique, il faut leur offrir un certain nombre de savoir-faire et en même temps du savoir-être à travers la solidarité internationale, ce qui leur permet d’acquérir in fine des compétences exceptionnelles qu’ils pourront valoriser ailleurs par la suite. Autrement dit, je ne porte absolument aucun jugement de valeur sur la solidarité par rapport à un autre milieu, c’est un choix personnel. Ma volonté, c’est de former des gens au travers de l’efficacité qu’exige la solidarité internationale, à travers un parcours complexe. Et c’est quelque chose que l’on va développer.

 

Que deviennent les étudiants qui passent par Bioforce ?

Les études que l’on fait montrent qu’environ la moitié des gens qui sont passés par Bioforce sont encore dans la solidarité internationale dix ans après ; le reste a réussi en grande majorité à valoriser son expérience dans d’autres filières (logistique, les organismes internationaux, etc.)

 

Comment se traduit le positionnement original de Bioforce dans le milieu local de la solidarité internationale ?

Il se traduit par des partenariats nombreux et variés. En effet, on ne veut pas être militants, on joue plutôt un rôle de passerelles entre la  solidarité locale et la solidarité internationale, entre les entreprises et la solidarité internationale, entre les institutions et les OSI. Nous avons donc clairement un positionnement spécifique par rapport à tous ces acteurs. Nous travaillons également avec l’action civilo-militaire qui encadre certains stages de terrain. Par ailleurs, on travaille avec les plus grosses OSI comme Handicap, Triangle, avec le CADR, Resacoop mais aussi avec les petites associations dans le cadre de ce que l’on appelle les Applications de Solidarité Locale qui mobilisent nos stagiaires vers l’agglomération lyonnaise. On leur fournit des stagiaires et un encadrement. Bioforce constitue pour les acteurs de l’agglomération une ressource humaine potentiel largement sous-exploitée ! De part notre neutralité, notre mission de former les gens, nous sommes naturellement au point de rencontres d’intérêts d’un nombre important d’acteurs investis dans des actions de solidarité internationale.