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Art public et marketing territorial

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Portrait de GEORGES VERNEY-CARRON
Art / Entreprise et agence Communiquez.

Interview de Georges VERNEY-CARRON

<< La seule communication durable, c’est la créativité en matière d’architecture, d’art et de design >>.

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Date : 14/05/2011

Vous êtes connu pour avoir associé art et architecture dans les parcs de stationnement lyonnais. Comment est né ce projet ?

 

C’est le fruit d’une collaboration depuis 20 ans avec Lyon Parc Auto (LPA) et, à l’origine, Serge Guinchard, président du Lyon Parc Auto et François Gindre, directeur. Une collaboration cimentée par une même sensibilité, des mêmes ambitions qualitatives et des envies communes.

Il n’y a aucun équivalent dans l’association entre art, architecture et design. C’est le designer Yan Penor’s qui a créé l’identité graphique et la signalétique, et Jean-Michel Wilmotte la scénographie et la charte de l’architecture intérieure. Les artistes ont été invités à travailler avec les architectes en amont de la conception.

Au bout de 20 ans, nous arrivons à dire : « ceci n’est pas un parc mais un musée souterrain », ce à quoi personne ne croyait !
Les 16 parcs LPA constituent une vraie collection, avec la représentation de toutes les directions de l’art contemporain sur une vingtaine d’années, des années 70 aux années 2000. Une collection souterraine dans un vrai musée. Sa force, c’est d’être visible en permanence par tous et gratuitement.

 

Pourquoi vous intéressez-vous à l’art public depuis trente ans ?

 

Je trouve inadmissible de devoir payer ou avoir la volonté d’entrer dans une galerie pour rencontrer l’art. C’est aux artistes d’aller au devant des gens par la volonté des maîtres d’ouvrage. En intervenant sur des supports ou dans des lieux où l’on n’a pas l’habitude de rencontrer l’art. A LPA, nous avons même sollicité un artiste pour qu’il intervienne sur les tickets d’horodateur – Gérard Colin-Thibaut – qui sont de simples et vulgaires factures !

La ville est trop souvent uniquement utile et fonctionnelle. La question est : est-on capable de réenchanter la ville, avec le concours des concepteurs en équipe pluridisciplinaire ?

 

© Les allumeurs de rêves

 

Vous dirigez également une agence de communication. En quoi l’art public peut-il relever d’une démarche de communication, ou de marketing territorial ?

 

La seule communication durable capable de faire évoluer l’identité d’un territoire, c’est la créativité en matière d’architecture, d’art et de design.

C’est l’exemple du musée Guggenheim à Bilbao, après Franc Ghery, toute la vallée a été renouvelée par les plus grands architectes et artistes du monde : Daniel Buren a refait le pont, Yves Klein a réalisé la première fontaine d’eau et de feu… Toute une dynamique créative a été lancée et poursuivie.

Une autre force repose sur l’événementiel : à Lyon, les biennales de la danse et d’art contemporain, la Fête des lumières, les Nuits Sonores. Il faut poursuivre et renouveler les événements sur lesquels on est fort. Et à chaque édition, en renforcer la valeur créative.
Les trois éléments sur lesquels les villes peuvent s’appuyer pour exister sur le plan international sont donc : le patrimoine naturel, le patrimoine construit d’hier et d’aujourd’hui, et l’événementiel.

 

En terme de patrimoine construit, Lyon s’est peu appuyée sur de grandes signatures…

 

Il est vrai que Lyon, depuis 40 ans, n’a pas vraiment fait appel à de grands architectes. Elle ne s’inscrit donc pas dans le panorama de l’architecture mondiale. Il y a certes Môrice Leroux aux Gratte-Ciel, Tony Garnier, Gaudin à l’ENS ou Renzo Piano à la Cité internationale et Jean Nouvel à l’Opéra. Mais c’est peu.
Aujourd’hui, grâce à l’élan qui a été impulsé par Raymond Barre, la Confluence est en devenir. Cela a été une chance pour nous, de pouvoir travailler avec VNF (Voies navigables de France) et François Bordry, son président. Nous avons pu monter ensemble un concours d’architecture, en demandant dans le cahier des charges, une association artiste / architecte. L’œuvre d’art se construit en même temps que l’immeuble.

Ce n’est donc pas une question d’argent mais de volonté et d’envie, car si le projet est conçu en amont, il est intégré dans le coût initial.

 

Les premières œuvres d’art disséminées dans l’espace public lyonnais, à la fin des années 70 (à la Part-Dieu notamment) n’étaient pas des œuvres créées in situ. Pour vous, la dimension in situ est-elle essentielle à l’art public ?

 

Le vrai travail pour moi dans l’architecture et l’espace public, c’est effectivement la définition du travail in situ : une œuvre a du sens où elle est, mais si on la change de place, son sens disparaît. Le principe du 1% est bien, à condition de faire des œuvres intégrées dans leur site. Je ne crois pas au parc de sculptures.

Une œuvre in situ doit avoir du sens. L’art n’est jamais un emplâtre sur une jambe de bois ou un cache misère. A l’hôpital Saint-Joseph Saint-Luc l’artiste a habillé la façade de couleurs et de matériaux correspondants aux couleurs et matériaux alentours. Aux Terreaux, les appliques au sol reprennent les pilastres du palais Saint-Pierre. Aux Célestins, le parc est à l’italienne car au-dessus s’élève un théâtre à l’italienne. Au parc Berthelot, en face du CHRD, là où furent emprisonnés et torturés les résistants figurent les inscriptions « innommable, innombrable ».

 

© G.PERRET/LPA

 

Comment faire en sorte qu’art et territoire soient davantage liés ?

 

C’est le sens de la démarche d’Art / Entreprise. Nous faisons la médiation entre le monde de la culture d’aujourd’hui et les maîtres d’ouvrage. Le scénario est le suivant : on nous confie un morceau de ville, nous regardons comment nous pouvons monter une équipe pluridisciplinaire pour lui redonner un nouvel élan pour les 20 ans à venir, et donner aux habitants étonnement, culture, plaisir des sens.

Le mariage architectes / artistes n’est pas toujours évident. Car le drame en France provient du fait que les écoles des Beaux-Arts et architectures ont été séparées en 1967. Les architectes ne connaissent plus les artistes contemporains et donc n’ont plus le réflexe de travailler ensemble. C’est le sens du manifeste : « Des artistes pour faire la ville » que j’ai lancé, en 2002, avec Bruno Macé et François Barré. Ce texte affirme que « si les architectes et les urbanistes tentent de répondre à la demande et à la commande (publiques), ils expriment rarement ce qui aujourd’hui fait défaut : le lien et le lieu. (…). Pour retrouver dans les villes un sens et des espaces où nous rencontrer, il faut que les artistes y aient droit de cité. Redonnons une place aux artistes ».