L’art urbain dans la fabrique de la ville, entre convergences et divergences
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Comment l’art s’intègre-t-il dans la fabrique de la ville ?
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Interview de Xavier VEILHAN
<< Dans l’espace public, je cherche avant tout l’impact et la simplicité >>.
Quels sont les principes, les idées, qui guident vos interventions dans l’espace public ?
Ce qui m’intéresse, c’est de renouer, spécialement dans l’espace public, avec l’œuvre ouverte. Aucune référence ne doit être nécessaire à la compréhension d’une œuvre dans l’espace public. Il y a une espèce de fonction simple : celle de point de repère. Je recherche une universalité, une identification immédiate. Il s’agit d’identifier un endroit avec une image ou une œuvre, de permettre de donner un rendez-vous, un repère dans un espace un peu confus. Ces œuvres sont des marqueurs. A la Cité internationale à Lyon, les usagers au quotidien comme les gens qui viennent assister à une conférence sont un peu perdus. Le site créé par Renzo Piano est un lieu qui a besoin de repères. C’est un centre en lui même mais un peu décentré.
Comment avez-vous conçu les Habitants, ensemble d’œuvres qui se déploient le long de la Cité internationale ?
A la Cité internationale, les œuvres sont conçues pour instaurer un relais visuel de l’une à l’autre. Dans la courbe pour se situer dans la chronologie de la promenade.
J’ai donc conçu des œuvres qui ont une fonction très simple d’identification, reprise par un code couleur tout aussi simple : le monochrome.
Autre idée sous-jacente : je voulais que l’œuvre soit la préinscription d’une action qui va avoir lieu. Devant la statue de l’homme qui téléphone, il y a, de fait, souvent quelqu’un qui téléphone. Ça fonctionne un peu comme un leurre. C’est amusant de pré jouer des actions déjà vues. C’est comme une célébration par avance. Souvent la statuaire est là pour célébrer une personne, une personnalité ou une action passée. Ici, à rebours de la statuaire classique, il s’agit de représenter des actions avant qu’elles n’adviennent. L’œuvre est là pour signifier une action qui peut avoir lieu.
Pourquoi parmi les habitants se trouvent des animaux : ours et pingouins ?
J’aime bien avoir des principes, des règles, et ne pas les appliquer. J’ai donc travaillé sur des représentations animales, mais les animaux ont quelque chose d’anthropomorphe. L’ours est dressé sur ses pattes arrière. Il est tourné vers le centre ville avec la volonté de faire signe. L’idée est de pouvoir dire : je fais demi-tour au niveau du grand ours. Il y une sorte d’universalité de la représentation animale. J’ai délibérément utilisé des animaux inattendus sous nos tropiques : le but est aussi que l’on s’interroge sur leur présence, et d’instaurer ainsi une relation avec les passants.
Les habitants jouent aussi sur différents rapports d’échelle…
Vu la taille des bâtiments de Renzo Piano, 36 mètres de haut, il était important de gagner de l’espace en hauteur. L’Homme au téléphone mesure 8 mètres de haut ; il représente une sorte de palier intermédiaire entre les individus et la construction.
Vous travaillez principalement pour des commanditaires ou collectionneurs privés. Qu’est-ce que ça change de créer pour le public, l’espace public ?
Je suis un artiste qui vend bien ses œuvres mais je ne voudrais pas créer que pour les privés. Je suis intéressé par la dimension sociale, ouverte, de l’art. Ça passe par une modulation de mon travail qui doit tenir compte de différents paramètres, tout en gardant une part d’arbitraire. Je pense en effet qu’il y a une dimension un peu antidémocratique dans l’art.
Il y a toujours une articulation difficile. Entre le respect et la considération pour les usagers d’un lieu : il faut être à leur service. Et, à un moment, la décision artistique qu’il faut prendre, comme le choix d’une couleur.
Pour avoir un art de bonne qualité, il faut laisser une seule personne décider : l’artiste. Mais il faut que celui-ci soit à l’écoute de l’endroit et le prenne en compte de toutes les façons. Qu’il s’adapte à différents contextes.
Travaillez-vous aussi dans l’éphémère, le spectaculaire ?
J’ai fait des spectacles pour Seb Tellier de Air, mais aussi des films. Là, je travaille sur des projets liés à des grands bâtiments d’architecture. J’ai un intérêt pour le pérenne ou le provisoire, mais pas l’événementiel car il est trop connoté à l’idée de promotion. Mais l’idée d’événement visuel m’intéresse.
L’architecture semble se rapprocher de plus en plus de l’art. Où vous situez-vous sur ce curseur ?
Dans le métier d’architecte, il y a une immersion trop forte dans les contingences. Je ne dis pas que je n’en subis pas dans l’art, et je trouve très beau l’idée d’abriter des gens et de s’effacer devant les bâtiments. Mais on met plus l’artiste en avant que l’architecte. Moi, je m’intéresse à l’étape entre les deux : entre l’architecte star et celui qui s’efface.
Au-delà de la fonction de repère, l’art public n’a t’il pas aussi une fonction symbolique ?
Effectivement. A Bordeaux, je suis intervenu sur une place reliant le centre ville à la banlieue, grâce au tramway. Je voulais donner à cet espace une image forte de fierté, de respectabilité, de souveraineté. J’ai donc employé la forme générique du lion qui connote la royauté, le pouvoir.
Il faut que toute forme exprimée dans l’espace public ou ailleurs ait un sens, un impact. Je fais très attention à ne pas surestimer cet impact, que ce soit modeste. Il peut y avoir une dimension conceptuelle dans mon travail, mais dans l’espace public, je cherche avant tout l’impact et la simplicité.
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