Le soutien aux cultures urbaines et au hip-hop fait de Lyon un laboratoire de danses urbaines
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Le croisement des cultures émergentes à Lyon devient-il un symbole du territoire ?
Interview de Yvon DESCHAMPS
<< 8e art : cette tentative d'art contemporain en milieu populaire est une expérience >>.
Yvon Deschamps. Président de Grand Lyon Habitat. Directeur des affaires culturelles de Villeurbanne de 1978 à 1986. Secrétaire général adjoint de la ville de Villeurbanne jusqu’en 2001. Ancien adjoint aux finances à Lyon (2001-2008) et conseiller régional Rhône-Alpes (de 1986 à 2010)
En tant qu’ancien responsable à Villeurbanne, vous avez participé à la mise en place d’une politique d’art publique dans l’agglomération. Quels en ont été les ressorts, et les limites ?
Dans les années 80, Villeurbanne a développé une politique d’art public en contre-point de la tristesse lyonnaise en la matière. A Lyon, on avait le sentiment que l’artiste était toléré, à défaut d’être accepté et reconnu. En 1983, on a fait un sit in pendant 2 ou 3 jours autour de la sculpture de René Roche (place Jean Macé, Lyon 7e) pour empêcher le démontage de la statue car les riverains devaient préférer une fontaine avec des poissons. Elle a finalement été réinstallée dans un parc industriel au fond du 7e arrondissement, avenue Debourg. C’était symptomatique d’un état d’esprit. Les cultureux n’ont pas pu résister face aux conservatismes locaux. Dans les palais dédiés à la culture, beaucoup de choses se faisaient, mais pas dans l’espace public.
Notre parti-pris était de dire : il faut sans doute des musées et des institutions (nous avons soutenu le Nouveau musée devenu Institut d’Art Contemporain) mais il faut aussi que l’art puisse aller à la rencontre des gens dans les lieux où ils sont. On avait truffé d’œuvres les bâtiments publics et développé une politique très forte d’expositions, avec Gisèle Godard, à l’Hôtel de ville de Villeurbanne et dans les maisons de quartier. L’idée était de sortir la culture des lieux qui par définition lui sont consacrés et faire en sorte que les gens puissent se télescoper avec l’art.
Pourquoi avoir décidé d’une série d’interventions plastiques autour des ronds points??
Le choix des carrefours et des ronds points, c’était simplement pour la rencontre : on est obligés d’aller à la rencontre des œuvres, de tourner autour.
Mais ce n’a pas été facile. Le totem de Rougemont, c’est un an de pétition contre ce projet ! Mais on a tenu bon. Jusqu’à ce qu’un jour, lors d’un concours de spécialités culinaires à Villeurbanne, un pâtissier réalise un totem. On a su que c’était gagné !
Quel regard portez-vous sur les politiques d’art public dans l’agglomération lyonnaise?
Avec Jacques Oudot à la Région Rhône-Alpes, on s’est attaché à baliser de façon culturelle la route des Jeux Olympiques de 1986 avec des œuvres monumentales qui jalonnaient le parcours. En tant que vice-président culture à la Région, j’ai fait en sorte que chaque fois que c’est possible, l’œuvre issue du 1% culturel soit dans l’espace public : au lycée Jacques Brel à Vénissieux, l’œuvre sera dans la rue, devant le lycée. Ce n’est pas toujours possible pour des problèmes de domanialité. Mais j’ai toujours fait en sorte que l’œuvre soit visible, soit un signal.
Avec l’arrivée de Jean-Paul Bret à la mairie de Villeurbanne, l’impulsion a été un peu différente. Ils sont plus partis dans le domaine de la recherche architecturale, avec le Rize, la place Lazare Goujon (avec des interventions de Philippe Favier). Une des dernières œuvres implantées dans l’espace public, c’était en 2000, pour le bimillénaire : l’œuvre de Felice Varini au parc du Centre.
A Vénissieux, il y a toujours eu une pratique des arts plastiques très forte sous l’impulsion de Mado Lambert, responsable des ateliers publics d’arts plastiques. Il faut dire que le monde des arts plastiques c’était les compagnons de route du PC. Le PC est l’un des rares partis à gauche à avoir eu une pratique culturelle.
Et à Lyon, qui semble en retrait ?
Je regrette la timidité lyonnaise en matière d’art plastique et d’art urbain. C’est pour cela que j’avais suggéré un paragraphe dédié au 1% dans le plan du mandat de Gérard Collomb en 2001 : je proposais un 1% universel. A chaque opération technique – lesquelles opérations pouvaient être mutualisées - il s’agissait de prévoir un pourcentage pour une intervention artistique. On m’avait opposé la cherté, or il reste toujours un reliquat sur les crédits prévus. Personne ne s’est jamais saisi de cette possibilité alors qu’il aurait suffi de faire appliquer ce texte pourtant adopté par le Conseil municipal !
Comment est né le projet d’art public 8e art ?
Quand Gérard Collomb a lancé la candidature de Lyon au titre de capitale européenne de la culture, j’ai reçu, pour Grand Lyon Habitat, une invitation afin de réfléchir à ce que nous pouvions faire. J’ai proposé de développer la pratique artistique dans les quartiers à forte densité d’habitat social. Et notamment le boulevard des Etats-Unis en saisissant le prétexte de la ligne de tramway. L’idée de 8e art, le boulevard des arts, est venue ainsi.
Cette tentative d’art contemporain en milieu populaire est une expérience. Tous les 200 mètres environ, il y a aura une œuvre d’art. Dans un espace urbain dédié au logement social, une telle concentration d’œuvres, c’est unique en Europe ! Les 4 premiers artistes ont été choisis pour des installations en 2011 et un appel à projets est lancé pour 6 autres projets pour 2012. La culture de l’OPAC est de construire des bâtiments, pas d’avoir un dialogue artistique ; j’ai associé le Sytral et les collectivités, et une communauté artistique présidée par Andrea Bellini. On va mettre en place une fondation 8e art sous l’égide de la fondation Bullukian. Nous avons un budget de 2,250 M€, dont 40% du ministère de la Culture. On a eu le feu vert de la commission nationale de commande publique.
Quel sera le « fil rouge » de ces interventions ?
Le boulevard des Etats-Unis a d’abord été conçu par Tony Garnier, puis dans les années 50 et 60 les bâtiments ont poussé sans dimension architecturale forte. Il y avait chauffage central et salle de bains donc c’était super… Les jeunes artistes européens ont tous été invités, chacun à sa façon, à réfléchir sur un désenchantement moderniste.
Comment allez-vous accompagner ces interventions plastiques ?
On prévoit des actions de médiation. On va ouvrir un lieu pour les ateliers et les expositions, un ancien commerce au pied d’un immeuble, et on va mener des actions avec les lycées Lumière et Lurçat, en lien avec le NTH8. Dix ateliers dont les artistes seront retenus par un jury et installés dans des locaux de Grand Lyon Habitat seront disposés sur le parcours. On a de bons retours de la population, et la tâche est facilitée par les fresques de Tony Garnier. Notre inspiration, ce sont les Ramblas de Barcelone. Je souhaiterais que Vénissieux s’inscrive dans ce parcours : une promenade plastique urbaine de l’avenue Berthelot jusqu’à la Darnaise, ce serait intéressant, non ?
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Le croisement des cultures émergentes à Lyon devient-il un symbole du territoire ?
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