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Agir sur les modes de vie : une nouvelle grille d’analyse

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Étude

Depuis quelques années, la notion de « modes de vie » émerge comme une entrée pertinente pour appréhender autrement l’ampleur des changements à opérer pour réussir la transition écologique.
Mais quel est son apport par rapport à une approche centrée sur les « changements de comportement » ? Existe-t-il des outils pour objectiver l’action des pouvoirs publics en faveur de modes de vie soutenables ?

S’il importe de continuer à agir à l’échelle de comportements individuels pour accélérer la transition écologique, la notion de modes de vie permet de prendre de la hauteur sur l’imbrication des comportements au quotidien, qui explique la difficulté à changer certaines pratiques sociales. Elle met aussi en lumière l’intérêt de penser la diversité des parcours de vie et des pratiques du quotidien, pour mieux accompagner le changement.

En ce sens, quatre catégories d’action sont mises en avant comme des leviers potentiels pour agir sur les modes de vie, ou du moins les influencer : l’organisation de la société, l’environnement physique et matériel, les normes culturelles et sociales et l’échelle individuelle.

Chacune de ces catégories est illustrée par des actions engagées par la Métropole de Lyon, avant de conclure sur des pistes de travail que les collectivités pourraient engager si elles entendent agir sur les modes de vie.
Date : 15/03/2023

À retenir

 

Les modes de vie renvoient à la structure de notre société et à un ensemble de styles de vie

 

À partir des travaux de Bruno Maresca, ce document propose deux définitions des « modes de vie ».

Au singulier, le mode de vie caractérise un ensemble de normes et de règles intériorisées par l’ensemble d’une société qui s’y conforme : c’est le « mode de vie occidental », qui demeure stable dans le temps et difficile à changer, même s’il laisse de la place à des évolutions.

Au pluriel, les modes de vie sont synonymes de styles de vie et désignent un éventail de manières de vivre au quotidien, en fonction de critères fonctionnels, sociaux et sensibles, au niveau du groupe ou même de l’individu : c’est le mode de vie urbain ou péri-urbain, nomade ou sédentaire, etc. Ils sont par définition pluriels et peuvent être plus facilement influencés.

Ces deux catégories sont évidemment reliées : le mode de vie occidental influence les styles de vie (ex. la société de consommation), mais ces styles évolutifs peuvent changer dans le temps long la structure des sociétés.

 

Les modes de vie sont incarnés par un ensemble de pratiques sociales reliées entre elles

 

Les modes de vie concernent l’ensemble des pratiques de la vie quotidienne (manger, consommer, se déplacer, se loger, etc.) commun à des groupes dans une société donnée ou à des groupes à l’intérieur de cette société.

Ces pratiques sont reliées entre elles, ce qui fait qu’un mode de vie est bien plus qu’une somme de pratiques : faire ses courses implique de se déplacer via un mode (à pied, à vélo, en voiture, etc.) et ce que l’on achète (pratiques d’achat) génère des déchets (plus ou moins selon ses choix, l’offre de vrac, etc.) qu’il faudra ensuite gérer (pratique de tri, compost…). Ces imbrications sont facteurs d’inertie… mais elles peuvent aussi être un levier de changement (effet spillover).

En regardant les modes de vie plutôt que le changement de comportements, on élargit la focale à quatre catégories d’action :

  • L'organisation sociétale, incluant la réglementation (Zone à Faibles Émissions), les rythmes de vie (horaires de travail), les mesures économiques (tarification des transports en commun), etc. Elle relève principalement de l’État, même si la Métropole dispose de leviers d’action. Cette catégorie permet d’orienter la société dans son ensemble et peut contribuer à diffuser de nouvelles normes sociales (ex. de l’interdiction du tabac dans les lieux clos, aujourd’hui vu comme une évidence).
  • L'environnement physique, incluant les dimensions matérielles (Vélo'V, bornes à compost), technologiques (Ecolyo) et infrastructurelles (Voies Lyonnaises, Ecorénov’). Cette catégorie permet d’offrir les conditions du changement en offrant des solutions et des alternatives.
  • L'environnement culturel et social, incluant les actions sur les valeurs, les imaginaires et les normes sociales (PATR, Défis Déclic, Règlement local de publicité, etc.). Cette catégorie travaille sur la toile de fond culturelle qui oriente les choix de styles de vie au quotidien (ex. désirabilité de la voiture individuelle, rapport à la « saleté » des déchets, etc.).
  • L'individu, incluant les actions visant l’attitude et les comportements (essentiellement détaillées dans le 1er rapport : actions de communication, de sensibilisation, d’empowerment, etc.). Cette catégorie donne les leviers de compétence et de connaissance à l’échelle de l’individu pour changer les modes de vie.

La combinaison de ces quatre axes est propice à une évolution des modes de vie.

 

Représentations de 4 cercles se croisant autour des modes de vie : l'individu, l'environnement physique, l'organisation sociétale, l'environnement culturel et social

 

Dix pistes d’action émergent de cette analyse par les modes de vie

 

Pour les politiques publiques qui ambitionnent d’agir sur les modes de vie, dix pistes d’action paraissent utile à explorer à l’issue de l’utilisation de cette grille de lecture. Les voici (sans ordre de priorité) :

  1. Avoir une vue d’ensemble de la place des mesures de transition engagées au sein de la grille des modes de vie, de façon à proposer une vision cohérente, porteuse de sens, qui puisse faire le récit d’un changement systémique et dans la durée.
  2. Mobiliser les quatre piliers de la grille des modes de vie dans la conception des politiques publiques afin de faciliter les liens entre actions.
  3. Relier les actions lancées à court terme à une temporalité plus longue pour incarner le changement par rapport à des ambitions à long terme bien explicitées, ce qui permet de ne pas décourager face à l’ampleur des mutations à opérer (effet « quick win »).
  4. Définir une posture vis-à-vis des modes de vie souhaitables et non désirables. Si la collectivité n’est pas légitime pour imposer « un » mode de vie, elle peut définir une posture offensive ou défensive sur les modes de vie actuels qui s’inscrivent ou non dans le sens de la transition écologique.
  5. Sortir d’un ciblage « grand public » pour se recentrer sur des cibles plus fines en fonction de l’efficacité de l’articulation entre les quatre catégories de la grille.
  6. Cibler des moments de vie propices au changement de mode de vie en se coordonnant avec des acteurs de proximité.
  7. Adopter une logique écosystémique et territorialisée, qui part des logiques propres aux groupes et individus.
  8. Travailler sur des pratiques sociales, en intégrant que celles-ci sont intrinsèquement collectives, interdépendantes et qu’elles articulent différentes dimensions qui dépassent leurs manifestations observables (les imaginaires, les capacités et les infrastructures).
  9. Décloisonner les actions thématiques, pour jouer sur l’effet de diffusion d’une thématique sur une autre (spillover comportemental).
  10. Remettre du sensible, de l’affect, quitte à entrer dans le quotidien voire l’intime, pour faciliter une prise de conscience de nos liens à l’ensemble de notre environnement et au vivant.

 

Sommaire

 

Introduction : relire les politiques métropolitaines à travers le prisme des modes de vie

Contexte : l’accélération du changement implique d’agir sur les modes de vie
Deux études pour apporter des outils de diagnostic et des repères stratégiques
Agir sur les modes de vie : une nouvelle grille de lecture

Pourquoi s'intéresser aux modes de vie ?
1. L’entrée par les « modes de vie » permet d’objectiver les freins et marges d’évolution
2. Au coeur des modes de vie, des pratiques entremêlées à rendre soutenables

Changer les modes de vie, un élargissement nécessaire de la focale
La grille de lecture des modes de vie
1. L’organisation sociétale (réglementation, rythmes de vie, économie)
2. L’environnement physique : matériel, technologique et infrastructurel
3. L’environnement culturel et social : valeurs, imaginaires et normes
4. L’individu : attitude et comportements

Retour des services sur les apports de cette grille de lecture pour l’action au quotidien

Conclusion : dix pistes d'action émergent d'une analyse par les modes de vie

Principales sources bibliographiques