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[Infographie] Outils numériques et conditions de travail : un progrès, vraiment ?

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Depuis la pandémie de Covid-19, l’impact du numérique au travail a dépassé le seul cadre des gains de productivité pour remodeler nos modes de vie.

Quel que soit le métier que l’on exerce ou le statut que l’on possède, c’est tout notre rapport au temps et à l’espace qui est réinterrogé.

Quand le télétravail devient une norme, que devient notre domicile ?

Quand les entreprises se dématérialisent, comment considérer un espace partagé ?

Quand le manager se transforme en algorithme, quelles relations cultiver ?

Quand le temps de travail n’est plus réglementé, à partir de quelle cadence « gagne-t-on sa vie » ?

Retrouver ci-dessous cinq archétypes de travailleurs d’aujourd’hui, de leur environnement matériel jusqu’au coût environnemental de leur modèle.

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Date : 14/12/2023
Outils numériques et conditions de travail : un progrès, vraiment ? L’expansion du numérique dans la sphère professionnelle contribue à transformer nos environnements de travail.   Cette digitalisation favorise l'émergence de nouvelles formes de collaboration, qui transcendent les frontières physiques et modifient les lieux comme les temporalités du travail.  Si ces technologies sont censées servir la productivité des professionnels qui les utilisent, elles peuvent aussi les déposséder de ce qui les lie à leur métier et altérer leurs conditions de travail.   À l’heure d’une transition écologique et sociale de nos modes de vie, le « tout-numérique » est-il déjà dépassé ?  Ou au contraire, constitue-t-il un progrès permettant à chacune et chacun de mieux concilier vies personnelle et professionnelle ?
Salarié. e en télétravail  Salarié, il exerce dans le secteur tertiaire, privé ou public, et passe plusieurs jours de la semaine en télétravail.   Convivialité  Moins de discussions informelles qui permettent de fluidifier la conduite de projets et renforcent le sentiment d’appartenance au collectif, mais équilibre possible du fait du retour en présentiel le reste de la semaine, à condition que ces enjeux soient pris en compte dans l’organisation du service.  Communication  Transmission de l’information ralentie et dépendante des technologies telles que les emails, les appels téléphoniques ou les visioconférences, qui rendent les échanges moins spontannés.   Confort  Temps de transport supprimé. L’environnement peut être plus rassurant, mais le matériel et l’espace de travail ne sont pas nécessairement plus ergonomiques.   Autonomie  Plus de liberté pour le salarié, possibilité de temporiser les échanges et de prendre plus de temps pour répondre. A priori, moins de stress, plus de souplesse.  Équilibre personnel  Frontières plus floues —> Peut induire des dépassements d’horaires et autres difficultés de « déconnexion ». Possibilité d’être parasité par la vie du foyer (famille, livreurs, animaux, colocataires, voisins, etc.).  Impact environnemental Le télétravail décongestionne les routes. L’Ademe constate une baisse de 271 kg eqCO₂/an par personne pour un jour de télétravail hebdomadaire. Pourtant, on observe des effets rebond : hausses des achats en ligne et des flux de streaming, consommations énergétiques plus importantes au domicile, nouvelles mobilités quotidiennes. Pour réaliser des économies d’énergie de 20 à 30 %, le télétravail doit s’accompagner d’une fermeture du site pendant au moins 1 j/s (Ademe).
Coworker  Salarié ou en free-lance, il travaille principalement dans des espaces de coworking, des lieux partagés favorisant les échanges et les coopérations.    Convivialité   Sociabilité plus ou moins poussée avec d’autres coworkers, pouvant aller jusqu’à la construction de projets communs. Pour les entreprises, il représente une alternative au télétravail à domicile qui ne convient pas à la situation de tous les collaborateurs.  Communication Transmission dépendante des échanges de mails, appels ou autres visioconférences, sauf dans le cas des échanges directs avec les autres coworkers.  Confort  Le confort du lieu dépend des moyens que l’entreprise ou l’indépendant peut consacrer à ce type de domiciliation. Peu d’intimité pour les appels et réunions. Parfois besoin d’une salle dédiée. Possibilité d’être parasité par le bruit et les allées et venues des autres.   Autonomie  Selon le statut : un salarié à distance sera amené à consacrer une grande part de son temps à du reporting. Pour les indépendants, autogestion du planning et des horaires, moins de stress lié au management subi ou exercé, mais plus grand isolement face aux problèmes rencontrés.  Équilibre personnel  Frontières plus floues, qui peuvent induire des dépassements d’horaires et des difficultés de « déconnexion ».  Impact environnemental Eau, énergie, déchets, équipements : le coworking mutualise pour limiter le gaspillage. Ce modèle, qui privilégie le « distanciel » (emails, téléphone, visioconférence), peut entraîner des déplacements quotidiens ou hebdomadaires. Pour les digital nomads, le travail à distance est couplé à des voyages. Pour exemple, un aller-retour Paris-Marseille représente 0,32 tonne eqCO2 (Lee & Al 2021).
Livreur.euse au service d’une plateforme digitale  Le plus souvent autoentrepreneur, il module son planning selon les opportunités offertes par l’application mobile.   Convivialité  Rassemblements entre livreurs sur la voie publique, autour des lieux de réception des commandes, mais pas de collectif de travail.  Communication  Optimisée, rationalisée, mais déshumanisée.  Confort  Varie selon la météo, la géographie du territoire (plat/vallonné), le téléphone et le véhicule du livreur.  Autonomie  À la carte ? Le livreur « décide » des missions qu’il accepte et de ses plages horaires, influencées par l’algorithme.   Équilibre personnel  Le management algorithmique et l’évaluation permanente sont source de stress, et le statut d’auto-entrepreneur reste précaire : faible protection sociale, rémunérations (de 5 à 6 €/livraison) imposant des cadences épuisantes, droit du travail souvent contourné au profit de l’exploitation des plus vulnérables, comme de nombreux sans-papiers partageant leurs comptes.  Impact environnemental Pour 5 km, alors que l’usage du vélo est décarboné, vélo et trottinette à assistance électrique émettront 0,05 kg eqCO₂, un scooter 0,4 kg eqCO₂, une voiture électrique 0,5 kg eqCO₂ et une voiture thermique 1,1 kg eqCO₂ (Ademe). C’est donc la « petite reine » qui serait à privilégier, malgré sa pénibilité potentielle.
Préparateur. trice de commandes  Ouvrier salarié ou intérimaire, il travaille dans les entrepôts de logistique du e-commerce. Sa cadence de travail est (télé) guidée par un logiciel.   Convivialité  Collectif peu structuré, avec un turnover important. Difficultés à développer des relations, peu de discussions pendant le temps de travail.  Communication  Optimisée, rationalisée et même automatisée.   Confort  Profession pénible, cadence de travail élevée, tâches répétitives. Matériel ergonomique, mais pathologies professionnelles fréquentes.   Autonomie  Aucune.  Équilibre personnel  Stable, mais perturbé le plus souvent par un roulement des horaires de travail (« trois 8 »).  Impact environnemental Le e-commerce génère environ 1 million de tonnes de CO₂ chaque année. Il implique de nombreux flux polluants pour acheminer les marchandises entre les entrepôts, mais aussi lorsque les consommateurs vont récupérer leurs colis en point relais. La quantité d’emballages produite est elle aussi néfaste pour l’environnement.
Salarié. e en flex office  Sans bureau attitré, cet employé travaille en open space aux côtés de ses collègues.   Convivialité  Sentiment de dévoiler sur la place publique les arrangements quotidiens du métier. Peu d’intimité.   Communication  Transmission facilitée par la proximité.  Confort  Plus de place attitrée donc pas de personnalisation de l’espace possible. Peu d’intimité pour les appels et réunions. Besoin d’une salle dédiée. Possibilité d’être parasité par le bruit et les allées et venues des autres.   Autonomie  Sentiment de liberté affecté par le travail à la vue de tous. Recours aux salles de réunion pour certains échanges.   Équilibre personnel  Stable en matière d’horaires, mais parfois compliqué à gérer quand la vie intime et privée vient s’en mêler (appels, sms, emails) et que les émotions n’ont pas de cadre sécurisé pour s’exprimer.  Impact environnemental Supprimer les postes de travail attitrés pour optimiser l’espace au sein des immeubles permet des économies d’énergie. L’Ademe démontre que lorsque le télétravail est couplé au flex office, cela peut entraîner une baisse de 234 kg eqCO₂/an pour chaque jour télétravaillé supplémentaire (en considérant une surface moyenne de 15 m² par collaborateur) par jour de la semaine.
Nous sommes donc je suis ?  La généralisation du numérique dans la sphère professionnelle engendre une redéfinition des contours de chaque collectif de travail, voire de chaque métier. Elle demande aux acteurs de s’adapter à de nouvelles pratiques paradoxalement plus collaboratives, mais moins conviviales.    Quels que soient les outils utilisés, la qualité de vie au travail reste avant tout liée aux interactions sociales quotidiennes et à la possibilité d’insuffler une part de soi dans ses missions.
© Métropole de Lyon – Illustrations : Lison Bernet – Textes : Dann Mettidji