Ilaria Casillo : Cette tension caractérise bien notre époque : d’un côté, on a un abstentionnisme croissant, et de l’autre, des citoyens de plus en plus engagés. Mais il ne faut pas confondre la participation institutionnelle avec l’envie de peser sur les décisions. Celle-ci ne se traduit pas automatiquement par la volonté et la disponibilité à s’engager dans un processus de concertation. Cela pose en effet la question des conditions : la clarté et l’honnêteté du processus, en particulier la manière dont la parole des habitants va être prise en compte. Sans reddition des comptes, sans engagement clair à céder une partie de la décision, et non du pouvoir, les citoyens n’ont aucun intérêt à participer, car une manifestation peut obtenir davantage.
Tant que les responsables politiques n’auront pas compris que l’enjeu est de partager une partie de la décision, le gap ne sera pas comblé. Cela ne remet pas en cause leur légitimité électorale : il s’agit juste de partager la décision pour qu’elle soit de meilleure qualité. Certains élus et responsables de concertation ont encore du mal à fournir une reddition des comptes claire, intelligible et sincère. Sans cela, on risque de créer de la défiance vis-à-vis de la démocratie participative, et on serait perdant sur tous les plans.
David Chevallier : Discuter dans l’espace public est un exercice qui a trait aux émotions, positives et négatives. On constate un peu plus aujourd’hui effectivement cette défiance, à la fois à l’encontre des élus et des techniciens. C’est pour cela que les conditions du dialogue sont importantes : la nécessité d’élargir le public, le fait d’informer et de donner la possibilité de participer, même si tout le monde ne se sent pas concerné. Cela implique de ne pas se focaliser uniquement sur les riverains, mais d’aller au-delà et de porter une attention particulière aux publics les plus empêchés. Sur chaque concertation, il faut avoir cette réflexion. Pendant la pandémie, la CNDP a été très vigilante à l’égard des publics rencontrant des difficultés avec le numérique, soit 13 à 14 % de la population qui ne pouvaient participer à des démarches exclusivement numériques.
Il s’agit aussi de rapprocher les personnes de la décision, c’est-à-dire veiller à ce que les décideurs puissent s’exprimer le plus directement possible, qu’un dialogue s’instaure et que la chaîne de décision soit visible pour l’ensemble des participants. Ceux-ci doivent savoir à quoi leur parole sert. Cela implique d’avoir une information claire et honnête tout le long des dispositifs.