Précisément non. Chaque pays est confronté aux mêmes évolutions mais, pour le moment, il n’y a pas de droit mondial pour les réguler. Le même fait peut recevoir des solutions juridiques très différentes d’un pays à l’autre (ou d’une zone à l’autre comme la zone européenne). Nous sommes confrontés à deux types de problèmes : d’une part la manière d’analyser le fait lui-même appelé à être appréhendé par le droit et, d’autre part, le fait que ces faits, ces phénomènes, sont vraiment internationaux et ne connaissent pas les frontières. Le premier point relève plutôt d’une question d’interprétation ou de réinterprétation qui se feront dans chaque pays. Des rapprochements s’opéreront sans doute car le défi est le même partout. Le second point, et notamment la question du statut des créations, est plus complexe à réguler, car il n’y a pas d’instruments internationaux ni même de contrats créateurs de normes sur lesquels s’appuyer comme en matière commerciale. Prenons le droit d’auteur et l’exception dite de courte citation. Certains pays acceptent les citations d’image, ce qui peut sembler normal dans une société de l’image. Mais en France, même si certains tribunaux vont dans ce sens, la Cour de cassation s’y oppose. Imaginons que j’imprime aux Pays-Bas une œuvre critique de l’œuvre d’Hergé illustrée avec des bandes de Tintin sans avoir obtenu l’autorisation des titulaires de droits. C’est tout à fait licite. En France, ce livre serait illicite et pourrait faire l’objet d’une saisie à la frontière. Mais, si je fais un site à la place du livre, le problème est tout autre alors que le contenu est le même. Le site est, en effet, parfaitement consultable dans les deux pays. Or s’il est consulté aux Pays-Bas, il sera jugé licite, mais s’il est consulté en France, il sera jugé illicite ! C’est un vrai problème pour construire un vrai marché unique européen… Cela dit, il faudrait déjà réussir à avoir des dispositifs cohérents au niveau national. La loi française prévoit une « exception pédagogique » qui permet aux enseignants d’utiliser des œuvres protégées à des fins d'illustration des activités d'enseignement et de recherche. En réalité, le texte a été rédigé de telle manière qu’il est inutilisable et que tout enseignant est de fait contrefacteur quand il illustre ses cours avec des œuvres protégées. Est-ce bien satisfaisant ? Une telle situation purement franco-française semble plutôt facile à régler mais en réalité, même là, c’est très compliqué. Trop d’intérêts sont en jeu. Pour le moment, l’Europe essaie, au mieux, de donner une réponse régionale, par exemple en proposant un régime uniformisé pour les marques européennes. Mais celui-ci sera différent du régime chinois ou russe... Le seul cas de mise en place réussie d’un droit vraiment international concerne le cybersquatting des noms de domaine avec l’instauration de mécanismes transnationaux pour régler les cas d’utilisation de reprise sans droit par des noms de domaine de marques protégées.