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Labellisation et création des standards

Mohamed El Mankibi, ENTPE

Texte de Mohamed EL MANKIBI

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Date : 01/06/2014

Texte écrit pour la revue M3 n°7
Afin d’accélérer l’amélioration énergétique des bâtiments, les autorités poussent à l’instauration de nouvelles règles et les filières multiplient les certifications. Ce recours massif aux normes entraîne de profondes ruptures bien au-delà d’une simple adaptation technique.

La filière bâtiment vit actuellement une période de grands changements caractérisée par une multitude de débats et un climat d’appréhension. Ces débats, provoqués par un contexte énergétique, environnemental et sociétal inquiétant, impliquent énergéticiens, économistes, statisticiens et autres sociologues. En effet, la forte dépendance des pays développés aux ressources fossiles qui se raréfient et l’impact environnemental sensible de leur utilisation ont conduit les grandes puissances mondiales à prendre plusieurs mesures, dont l’objectif est de réduire les consommations énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre.

Dans ce contexte, l’engagement de la France s’est également manifesté par la mise en place du Grenelle de l’Environnement en initiant six chantiers majeurs : bâtiment et urbanisme, transport, énergie, biodiversité, risques — santé - déchets et gouvernance. Avec près de 25 % des émissions de gaz à effet de serre et 46 % des consommations énergétiques, le secteur bâtiment est fortement responsable de la situation. Caractérisé par la diversité des acteurs impliqués depuis la programmation jusqu’à la fin de vie et par sa forte dépendance de la conjoncture économique, il offre un grand potentiel d’économies d’énergie et de préservation de l’environnement. Ce secteur est aussi facteur de problèmes d’ordre social. Les usagers subissent à la fois ses impacts énergétiques, environnementaux et sociétaux, obligés de passer de plus en plus de temps à l’intérieur des bâtiments. Ainsi, depuis l’apparition du syndrome du bâtiment malsain dans les années 1980, d’autres notions liées à la raréfactions des ressources naturelles sont apparues : habitat irrégulier, précarité énergétique.

BBC, BEPOS, HQE, NZEB…

L’exploitation du potentiel du secteur bâtiment s’est également manifestée sous forme de réglementations thermiques, labels énergétiques et environnementaux, comme d’actions de labellisation bouleversant les habitudes de construction et favorisant l’apparition de nouveaux concepts. Différents concepts, labels et certifications du bâtiment performant ont alors été avancés : BBC (Bâtiment basse consommation), HQE (Haute qualité environnementale), Bepos (Bâtiment à énergie positive), NZEB (Nearly Zero-Energy Building), Bâtiment vert, Bâtiment à faibles impacts, etc. Dans le cadre d’une approche globale de la construction durable, un bâtiment à faibles impacts doit être un ouvrage énergétiquement efficace et présentant des empreintes écologique et sociétale minimales tout au long de son cycle de vie (conception, réalisation, usage et traitement de fin de vie). Les champs d’action induits par ces labels et certifications sont donc liés au développement du mix énergétique, à la gestion globale des systèmes et des ambiances intérieures des bâtiments (confort thermique, qualité de l’air intérieur, accessibilité, etc.) ainsi qu’à la prise en compte du comportement de l’occupant. L’adoption d’une démarche globale lors de la conception et la réaliréalisation de tels bâtiments exige un raisonnement à l’échelle de la ville et, a minima, du quartier ou de l’îlot de chaleur. Ainsi, d’autres problématiques intrinsèques aux bâtiments à faibles impacts sont à traiter : l’impact environnemental (CO2 et énergie grise), la performance effectivité globale (prise en compte du transport domicile-travail, par exemple) et la garantie de performance.

Nouvelles méthodologies

Ces nouvelles orientations réglementaires vont certainement entrainer un changement de paradigme. Évoluant d’une situation d’obligation de moyens à une situation d’obligation de résultats, nous devrons développer des méthodes de conception et de réalisation des bâtiments permettant la garantie de performance. Le raisonnement à l’échelle de l’îlot de chaleur contribuera à réduire les risques d’échecs de garantie de performance en mutualisant les techniques et les énergies renouvelables, par exemple. Trois aspects seront fortement ciblés. Le premier concerne le  d’une méthodologie de vérification en temps réel (de la conception à l’usage du bâtiment) de la performance. Son objectif est de minimiser les risques d’échecs lors de l’annonce d’une performance donnée. Ce développement se basera sur une démarche systémique et nécessitera de faire évoluer des techniques d’évaluations adaptées. Le second implique le développement d’une méthodologie d’intégration de prototypes innovants et de ressources mutualisées avec d’autres bâtiments. Il s’inspirera des principes de la cogénération et de la smart grid, en mutualisant l’excédent d’énergie provoqué ou produit ailleurs. Le troisième aspect ciblé,enfin, concerne l’exploration du potentiel d’usage de technologies nouvelles (smart devices : iPhone, iPad, etc.) pour une prise en compte de l’occupant et l’amélioration de la boucle de régulation. Ceci ne relève pas uniquement du domaine de la recherche scientifique. Elle est fortement conditionnée par de futures ruptures technologiques qui impliquent le monde industriel comme acteur inévitable. Enfin, la transmission du savoir développé par la recherche à tous les acteurs, en adaptant les processus de formation et d’enseignement, est l’un des éléments du succès. Il permet l’adoption et l’intégration du concept de bâtiment à faibles impacts.