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La mondialisation du droit : vers une communauté de valeurs ?

Article

Conférence de Mireille Delmas-Marty.

Synthèse de la conférence de Mireille Delmas-Marty, juriste, titulaire de la Chaire d'Etudes juridiques comparatives et internationalisation du droit (2003-2011).
Date : 07/02/2008

 L’individualisme et l’autonomie, ces conquêtes de l’homme moderne ont déjà une très longue histoire. A travers ce cycle de conférences-débats, le Conseil de développement du Grand Lyon et l’ENS LSH vous invitent à réfléchir sur les modalités du vivre ensemble dans une société d’individus.

Le parcours proposé combine 3 questions :
● Quelles sont les formes actuelles de l’individualisme ?
● Les ressources mobilisées par les individus pour agir sur la société doivent-elles confortées ?
● Comment l’acteur public peut-il se saisir de ces évolutions pour concevoir le tissage du collectif aujourd’hui ?
Nous avons souhaité vous offrir, à la suite de chaque conférence, une synthèse sous forme de vade-mecum où vous retrouverez la teneur de l’exposé, afin de tisser avec vous un lien tout au long du cycle.

LA CONFÉRENCE

La mondialisation du droit renvoie-t-elle uniquement à la globalisation économique (création de l’OMC) ou à l’universalisation des Droits de l’Homme (Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948), et donc à une communauté mondiale de valeurs ?
Si la réponse n’appartient pas aux seuls juristes, les pratiques juridiques ont une place nécessaire pour consolider les choix de valeurs, voire pour anticiper et former des valeurs. La notion de « crime contre l’humanité » (Nuremberg) a créé une interdiction pénale à vocation universelle, alors même que l’« humanité  » n’était pas conçue et définie comme une valeur à protéger. Si logiquement, l’éthique précède le droit, le chemin se parcourt parfois du droit à l’éthique. Henri Atlan a montré qu’il est plus facile de s’entendre sur une solution commune que sur les raisons qui la fondent. Liste d’objectifs communs, la Déclaration universelle correspond à des processus transformateurs plus qu’à des concepts fondateurs. Selon les cultures, les fondements varient : tensions entre les grandes valeurs (vie/mort, humain/inhumain) et entre les droits (sécurité contre liberté, droits économiques contre droits sociaux). Comment comprendre ces contradictions, entre valeurs marchandes et non marchandes, entre valeurs individuelles et valeurs collectives ? Le droit hiérarchise les valeurs (principe de cohérence) et de sanctionne leur transgression (principe de responsabilité). Une convention de l’Unesco de 2005 tente de conjurer ce danger : « La protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles implique la reconnaissance de l’égalité et du respect de toutes les cultures » (article 2).
 

Comment concilier l’universalisme de la Déclaration universelle et le relativisme de cette convention de l’Unesco, afin de permettre l’émergence d’une véritable « communauté de valeurs » ?  Quelle « communauté  » ?
Quelles « valeurs » ?

ÉCHO DES DÉBATS
La Chine est très ambiguë sur l’universalisme des Droits de l’Homme. Elle a participé à la Convention de Bangkok affirmant les droits des Asiatiques, alors qu’en 2004, les mots « droits de l’homme » ont été introduits dans la Constitution chinoise. Ils finiront par produire des effets réels.
L’idée révolutionnaire des Droits de l’Homme était de créer des droits opposables aux Etats : une Déclaration des devoirs de l’homme ne permet pas de   raisonner la raison d’Etat », de s’opposer aux puissants.
On parle volontiers de « normes » mais on hésite à parler de « valeurs » alors que la norme exprime les valeurs. Le mot « valeur » permet de concevoir un ordre mondial pas seulement procédural mais plus « substantiel ».
L’« homme », c'est l’homo-, c'est l’« être humain ». Parler de «Droits de l’Homme  » ne renvoie pas au genre (sexe) mais au genre humain.