La diffusion reste assez faible. La simulation multi-agents a longtemps intéressé principalement les biologistes, les mathématiciens, les informaticiens et les physiciens. Puis, il y a eu la démarche d’archéologie rétrospective sur les populations amérindiennes Anasazis aux Etats-Unis qui a suscité beaucoup d’intérêt suite à ses résultats spectaculaires. Cette population a disparu au début du 15ème siècle pour des raisons inconnues et seules subsistaient des données sur leur organisation spatiale.
Un modèle a été élaboré pour rendre compte du développement des populations dans la vallée en modélisant d’un côté leur environnement, et de l’autre, en simulant les populations et les comportements ayant pu conduire à l’organisation spatiale retrouvée.Rapidement, l’intérêt est un peu retombé car toutes les simulations n’aboutissent pas à de tels résultats. L’outil reste intéressant mais comment, ou à quelles fins, l’utiliser n’est plus une évidence. En France, par exemple, les économistes s’en sont rapidement emparés. Ils ont vu dans cet outil un moyen supplémentaire pour rapprocher leur discipline des sciences dures. Mais les SHS n’ont pas toutes le même rapport aux modèles des sciences dures, l’économie fait plutôt figure d’exception, et pour de mauvaises raisons. Sociologie et informatique n’ont jamais vraiment été en contact et, entre elles, le dialogue interdisciplinaire n’est pas au point. La sociologie se méfie particulièrement de ce genre de méthode qui prétend prendre à contre-pied les résultats bien établis et en obtenir de nouveaux, complètement « contre-intuitifs » et « spectaculaires », qui veulent « révolutionner » la discipline, mais sans l’avoir étudiée. Et bien souvent, ces fameux résultats viennent d’une mauvaise analyse des mécanismes du réel et/ou d’un détournement du modèle lui faisant dire quelque chose qu’il ne dit pas, ou pas complètement... Je pense que la simulation sociale ne pourra pas aller contre ce qu’a fait la sociologie en tant que science et qui obtient des résultats, nonobstant son soi-disant défaut de rigueur scientifique. Très clairement, c’est une version contemporaine de l’éternel débat sur une sociologie trop empirique, voire subjective, qui ferait bien de s’inspirer des « vraies » sciences ! Grâce à ces outils de simulation, certains scientifiques « durs » prétendent même refonder entièrement la sociologie ! Or, les mêmes prendraient très mal qu’un sociologue vienne leur expliquer leur domaine. C’est une tension très forte actuellement.