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Les biotechnologies en Rhône-Alpes

Interview de Claudia CHAGNEAU

<< En matière de biotechnologies, environ 70% des entreprises sont établies dans le Rhône, et 20% en Isère >>.

Créée sur une initiative de la Région Rhône-Alpes en 1995, l’Arteb est une agence régionale dont la vocation est d’aider au développement de la dynamique régionale dans les domaines des technologies médicales et des biotechnologies appliquées à la santé, à l’agroalimentaire et à l’environnement. Elle s’adresse à l’ensemble des acteurs de ces secteurs : laboratoires de recherches, universités, entreprises….
Claudia Chagneau, chargée de Mission Biotechnologies au sein de l’Agence Rhône-Alpes pour le développement des Technologies Médicales et des Biotechnologies (ARTEB) répond à nos questions.

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Date : 23/10/2007

Pouvez-vous dresser un portrait du territoire en matière de biotechnologies ?

Chaque année, l’Arteb dresse un panorama régional des entreprises du secteur des technologies médicales et des biotechnologies. L’idée est de comprendre comment sont réparties ces entreprises, quelles sont leurs spécificités. En matière de biotechnologies, ce panorama est relativement exhaustif car on doit connaître plus de 95% des entreprises du territoire. Environ 70% des entreprises sont établies dans le Rhône, et 20% en Isère. Dans les autres départements, la proportion est très faible voire nulle. Aussi bien dans le Rhône que dans l’Isère, les entreprises travaillent essentiellement en santé humaine et bioservices . Quelques-unes en santé animale et, de façon très minoritaire, en environnement et agroalimentaire. Pour les dispositifs médicaux, la répartition est plus équitable : cette prédominance du Rhône et de l’Isère subsiste mais de nombreuses entreprises, sont installées dans les autres départements de la région, notamment dans la Loire et la Haute-Savoie

 

En-dehors de Lyon et Grenoble, est-il possible de distinguer d’autres zones ?

Axone est un parc d’activité dans les monts du lyonnais qui accueille des entrepreneurs et développe un axe biotechnologies. Il y a maintenant plusieurs entreprises en biotechnologies qui marchent bien. Dans l’Ain, le pôle de compétitivité Plastipolis, unique pôle français en plasturgie, essaye de faire émerger des projets sur les problématiques santé liées au plastique et d’accompagner les entreprises qui souhaiteraient se réorienter vers la santé. Archamps, en Haute-Savoie, bénéficie de la dynamique genevoise. En dehors de ça, il faut garder à l’esprit que les secteurs des biotechnologies s’appuient fortement sur des entreprises de services associés (prestations intellectuelles, prestations scientifiques ou techniques…). Les entreprises des dispositifs médicaux font appel également à de la sous-traitance qui comprend des entreprises traditionnelles réparties sur l’ensemble du territoire : la plasturgie dans l’Ain, le décolletage en Haute-Savoie, la métallurgie stéphanoise…

 

Comment expliquer cette concentration des entreprises en biotechnologies ?

Essentiellement par la proximité des centres de recherche sur Lyon et Grenoble. Une bonne partie des jeunes entreprises sont issues des laboratoires. Cette proximité facilite aussi les partenariats qui sont particulièrement importants pour ce secteur proche de la recherche fondamentale. La prédominance lyonnaise s’explique notamment par des raisons historiques avec la présence de la famille Mérieux dont sont issus les grands groupes, Sanofi-Pasteur, bioMérieux et Merial. Ces groupes fédèrent autour d’eux les petites entreprises et sont à l’origine de nombreuses entreprises, de spin-off créées par d’anciens salariés. Avec des effectifs nombreux, ces groupes peuvent par ailleurs masquer ce qui se passe dans les structures plus petites. C’est pourquoi, les PME sont plus révélatrices d’une dynamique d’innovation. Pour moi, même s’il y a une vraie prééminence de Lyon par les statistiques, en termes de potentiels existants, Lyon et Grenoble sont similaires. Grenoble communique plus sur les nanosciences et les entreprises vont être plus tournées vers ce secteur. Mais, si on regarde les créations d’entreprises en biotechnologies sur différentes années, il n’y pas de distinction forte depuis 2000. Grenoble a une bonne dynamique et a incubé de très jolis « biotechs » qui représentent au niveau régional des modèles : elles ont réussi à passer le stade des 20 salariés, ont un bon chiffre d’affaire, des partenariats, une reconnaissance internationale, et surtout elles continuent à se développer !

 

Est-ce que les entreprises de biotechnologies des domaines agroalimentaire et environnement sont plus présents dans les départements qui développent des technopôles dans ces domaines comme Technolac sur le solaire en Savoie ou Alimentec à Bourg en Bresse ?

Non, rien de significatif n’apparaît en-dehors de Lyon ou de Grenoble. Ce sont des domaines un peu méconnus. Pour l’environnement, il y a bien une ou deux entreprises dans la Loire ou en Savoie et un certain nombre d’entreprises qui font du retraitement de déchet mais est-ce que cela peut signifier quelque chose sur le potentiel éventuel d’un territoire ? Pour l’agroalimentaire, les entreprises sont dans la région lyonnaise ou dans le plaine de l’Ain qui est classée « Grand Lyon ». C’est effectivement étonnant de trouver si peu de choses et qu’il n’y ait pas d’impulsion pour faire émerger des biotechnologies dans ces domaines. D’autres grands pays, ont décidé de jouer la carte biotechnologies vertes (celles qui utilisent du végétal) surtout pour l’agriculture et l’environnement et de développer par exemple les biotechnologies qui transforment ce végétal en biocarburant. En Rhône-Alpes, cette volonté n’est pas affichée. C’est la santé qui est l’axe essentiel de développement.

 

Quel est l’intérêt pour une zone rurale de développer un axe biotechnologies ?

De plus en plus, l’innovation est perçue comme pouvant générer autant d’emplois que des métiers traditionnels. A plus long terme, elle semble aussi plus à même de les conserver localement et d’éviter des délocalisations. Dans le cas de Plastipolis, la santé apparaît comme un secteur où la concurrence est moins forte qu’en plasturgie traditionnelle, où les produits sont plus innovants et les marges relativement élevées même si les coûts sont importants. Pour les entreprises qui s’installent, l’immobilier est une charge importante et dans les petites villes ou les zones rurales, le coût de l’immobilier peut être très attractif.

 

Avec le développement des NTIC, l’éloignement des métropoles est-il un réel obstacle au développement de l’entreprise ou est-ce plutôt une « habitude » renforcée par le manque de recul et d’expériences concrètes sur la question ?

Il est vrai que la vision classique pour une entreprise en biotechnologies, c’est la proximité physique avec le réseau d’acteurs. Si une zone rurale qui se développe a la volonté d’accueillir des laboratoires, des institutions et organismes publics, des entreprises…le réseau sera là. Si c’est une entreprise qui s’implante là où il n’y a rien, cela me paraît plus problématique mais n’empêche pas de réussir. Je connais une entreprise de biotechnologie sur Valence qui marche bien mais elle ne fait pas de recherche et ses clients sont internationaux. Sa localisation ne semble pas être un problème. Par contre, elle ne connaît pas forcément les acteurs de la région. Peut-être que  si cette entreprise avait été sur Lyon ou Grenoble, elle aurait connu ces réseaux et son développement aurait été différent.

 

A l’heure actuelle, est-il possible pour une métropole régionale d’émerger seule en matière de biotechnologies ou faut-il obligatoirement penser Rhône-Alpes ?

C’est dans l’intérêt de chacun de travailler ensemble et de regrouper les forces. Lyon et Grenoble sont très différentes mais complémentaires. Leurs secteurs d’excellence se rejoignent dans l’innovation et toutes les technologies mises à disposition sont nécessaires. Les chercheurs et les entreprises collaborent bien et de plus en plus. Bien sûr, certains réseaux restent cloisonnés,  par habitude, parce qu’ils existent depuis longtemps et ne se sont pas encore ouvert à tous. Mais les entreprises et les chercheurs ne sont pas dans cette problématique de marque territoriale, c’est plus une préoccupation des institutions publiques et politiques. Cependant, on peut se poser la question : Grenoble se positionne aussi sur l’axe alpin, à terme le rapprochement se fera-t-il plutôt avec Lyon, ou la Suisse et l’Italie ?