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Eclosion, un incubateur de projets biotech à Genève

Interview de M. DUBUIS

<< Je dirais que c’est une logique de chaîne de valeur et de mise en réseau des acteurs de la région qui a prévalu. Cette logique se concrétise aujourd’hui par le réseau Bioalps >>.

Eclosion est un incubateur de projets biotech créé en 2004 et situé à Plan-les-Ouates, près de Genève. Il n’offre pas uniquement des locaux aux jeunes entrepreneurs, il met aussi à leur disposition des laboratoires équipés (précédemment utilisés par Serono, le leader européen des biotechnologies), leur propose un volume important de capital d’amorçage et un réel accompagnement sur le plan managérial et commercial. Depuis sa création, Eclosion a remporté un réel succès et il vient juste (le 3 octobre 2007) de doubler sa surface à 1 000 mètres carrés.
Rencontre avec Benoît Dubuis, ancien doyen de la Faculté des Sciences de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne et cofondateur de l’incubateur et fonds de capital d’amorçage Eclosion.

Réalisée par :

Date : 08/10/2007

Depuis la création d’Eclosion début 2004, combien d’entreprises biotech avez-vous accompagné ?

Nous avons investi dans 8 entreprises et actuellement il y en a 8 dans les tuyaux. Nous avons passé en revue plus de 200 projets depuis la création. Le fait que nous n’en ayons pas retenu plus ne relève pas simplement de leur qualité mais de leur état d’avancement. Certains de ces projets ne sont tout simplement pas suffisamment mûrs, sachant que nous nous destinons à héberger les sociétés pendant deux ans.

 

Avec le recul, comment évaluez-vous la pérennité des entreprises que vous accompagnez ?

Deux projets sont issus de l’incubateur : Epithelix et Mintaka. A ce jour, les deux sociétés les plus avancées sur lesquelles nous travaillons sont Geneuro et GenKyoTex. Geneuro est une spin-off de bioMérieux (basé à Lyon) qui regroupe aujourd’hui quatre personnes et un ensemble de collaborateurs dans différents centres de recherche pour notamment faire des études épidémiologiques et précliniques. Nous essayons en effet de nous appuyer sur des prestataires de service spécialisés. Quant à GenKyoTex, cette entreprise rassemble aujourd’hui quinze personnes. Pour les deux sociétés, nous cherchons 15 millions de francs suisses pour assurer la prochaine phase de croissance. Au total, nous sommes maintenant plus de trente personnes ici chez Eclosion.

 

D’où viennent les porteurs de projets qui frappent à votre porte ?

Environ trois quarts des projets qui nous sont soumis sont d’origine académique. Et d’ailleurs, un nombre important d’entre eux est en provenance de Lyon (Université, Centre Léon Bérard, hôpitaux) car nous travaillons de manière indifférente avec tous les porteurs de projets, quelle que soit leur provenance. Le quart restant vient soit de spin-off industrielles dont notamment Serono dont le siège se trouve à Genève, soit d’indépendants comme par exemple des médecins ayant développé des dispositifs médicaux dans le cadre de leurs pratiques médicales.

 

Quelle est la place des universités de Genève et de Lausanne et de l’EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne) dans cette dynamique de création d’entreprises ?

GenKyoTex sort de l’université de Genève, Raptapharm sort de l’EPFL, MelCure sort de l’université de Lausanne, témoignant du fait que les centres académiques sont des moteurs dans la dynamique de création d’entreprises. Lorsque j’étais doyen de la Faculté des Sciences de la Vie de l’EPFL, j’ai vu de nombreux bons projets qui végétaient par manque de financement. Notre région manque de capital d’amorçage et c’est pour pallier cette lacune qu’Eclosion a été créé.

 

Concrètement, qu’est-ce qui explique cette dynamique en matière de biotechnologies sur l’Arc Lémanique ?

Depuis longtemps, la région lémanique a promu une recherche interdisciplinaire intégrant les domaines biologiques, microtechniques, chimiques. Elle en récolte aujourd’hui les fruits avec l’émergence de projets s’appuyant sur des bases scientifiques solides. Ces projets doivent bénéficier d’un environnement adéquat et sortir des laboratoires. En matière de recherche, c’est la créativité qui prévaut ; en matière de développement, c’est la rigueur.

 

A quel moment doivent-ils sortir ?

Cela dépend de plusieurs facteurs. Le premier tient à la capacité de gestion de projets : il y a des projets qui peuvent très bien s’intégrer dans une continuité de recherche académique, d’autres, en revanche, ont besoin de s’appuyer sur des compétences qui ne sont pas présentes à l’université et qui doivent être trouvées ailleurs. Un deuxième facteur est financier. Certains groupes de recherche mieux dotés pourront porter le projet beaucoup plus longtemps au sein de la communauté académique alors que d’autres sont forcés de sortir le plus rapidement possible, faute de moyens. De façon générale, les universités sont un vivier essentiel d’idées et d’innovations mais à une certaine étape, pour éclore, ils doivent bénéficier d’une dynamique industrielle.

 

On sent aussi dans la région que beaucoup d’efforts sont déployés dans le domaine des sciences du vivant. Qu’en est-il exactement ?

Il y a eu en effet un premier effort, essentiellement de recherche, dont le projet « Sciences, Vie et Société » qui lie l’Université de Genève, de Lausanne, l’Ecole Polytechnique de Lausanne et les hôpitaux cantonaux. Mais les efforts se sont également portés sur la formation avec la mise en place de masters et de programmes doctoraux dans le domaine des sciences du vivant. Et pour finir, ayant atteint une masse critique sur le plan académique et de la recherche, il fallait renforcer les outils de valorisation afin de générer de l’activité économique. Donc je dirais que c’est une logique de chaîne de valeur et de mise en réseau des acteurs de la région qui a prévalu. Cette logique se concrétise aujourd’hui par le réseau Bioalps pour ce qui est de la promotion régionale et Eclosion dans le domaine de la valorisation.

 

A Genève, quels sont les domaines thérapeutiques d’excellence ?

Genève excelle dans plusieurs domaines, je pense en particulier à la protéomique, à la bioinformatique, à la biologie du développement : dans le domaine thérapeutique, citons la cardiologie (le père du stent y pratiquait), la neurologie et l’infectiologie bien sûr. Pour ce qui est de l’oncologie, Lausanne joue un rôle central notamment du fait de la présence de l’ISREC (Institut Suisse de Recherche Expérimentale sur le Cancer) et de l’Institut Ludwig (laboratoire de recherche contre le Cancer situé à Lausanne) avec lesquels nous travaillons également.

 

Quels sont, selon vous, les éléments essentiels d’un environnement favorable à la création d’entreprises biotech ?

L’accompagnement par des professionnels de ce domaine joue un rôle essentiel. L’accès à du capital de démarrage permet aux porteurs de projet de travailler et de s’offrir les services de spécialistes. Enfin, l’accès à des infrastructures car, contrairement aux clichés, une entreprise biotech ne se créé pas au fond d’un garage mais dans un laboratoire. Ces trois éléments constituent l’offre d’Eclosion et explique en grande partie notre réussite.

 

Eclosion a-t-il d’autres particularités ?

Nous avons levé 15 MCHF auprès d’acteurs parfaitement privés. Ceci est essentiel et permet aux chercheurs de consacrer leur temps au développement de leur projet et de ne pas se soucier de survivre financièrement à la fin du mois. L’originalité de notre modèle vient essentiellement du fait de pouvoir nous appuyer sur des fonds privés consacrés directement aux projets alors que les subventions publiques nous permettent de financer nos infrastructures et l’évaluation des projets. Aussi, même si nous apportons des fonds d’amorçage, nous ne nous considérons pas comme des financiers mais comme des entrepreneurs en ce sens que nous nous impliquons, sur le plan managérial et commercial, dans chacun des projets.

 

Quelles sont vos relations avec l’incubateur lyonnais Créalys ?

Nous avons des relations très amicales avec Créalys et mon collègue Jesus Martin-Garcia fait d’ailleurs partie de leur comité. Plus généralement, nous profitons d’une véritable dynamique régionale. Les nombreuses collaborations se construisent peu à peu. Je vous parlais précédemment de Geneuro, spin-off de Biomérieux qui témoigne de cette communauté d’intérêts et me réjouis du fait que de nombreux projets en provenance de la région lyonnaise puissent trouver ici des conditions favorables à leur éclosion.