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Taichung : une ville de culture ?

Fulfillment amphitheater - TaIchung

Texte de Gilles GUILLOT

La ville de Taichung à Taïwan mise sur la culture et l’innovation pour asseoir son développement et lui permettre d’accéder au statut envié de ville internationale.
Certains choix politiques semblent privilégier des projets architecturaux très audacieux. Malgré des résultats fulgurants et prometteurs, ils pourraient, sur le long terme, se révéler n’être que d’onéreuses coquilles vides.

Texte écrit pour la revue M3 n°1.
Date : 30/07/2011

Taichung, troisième ville de Taïwan, trouve l’origine de son nom dans sa situation géographique, sur la côte occidentale et au centre de l’île. Entre Taipei, capitale politique et économique du nord, et Kaohsiung, grande cité portuaire méridionale à fort développement industriel, Taichung semble s’être longtemps cherché un destin à la hauteur de sa position géostratégique et de son rôle historique. Une réforme territoriale lui a permis de devenir en janvier 2011 l’une des cinq municipalités spéciales que compte Taïwan. Ce statut permet à la ville et au comté de fusionner, constituant une nouvelle collectivité de 2200 km2 et de 2,6 millions d’habitants. Taichung n’est plus seulement une grande préfecture, elle se rêve désormais en ville mondiale. C’est surtout depuis l’élection du maire Jason Hu en 2001 que l’image de la ville s’est radicalement transformée. L’ambitieux projet du maire est de faire de Taichung une capitale de la culture et de l’innovation, non seulement à l’échelle nationale, mais également au niveau régional de l’Asie orientale ainsi qu’au niveau mondial. La mondialisation de la société de l’information, le mythe de la « classe créative » et « l’effet  » ne sont pas étrangers aux choix arrêtés par l’édile taïwanais pour redorer le blason de sa ville.

Remodeler la skyline pour rayonner
Le désir d’ouverture sur le monde et la quête d’une reconnaissance internationale comptent parmi les principaux axes stratégiques autour desquels s’articule la politique de développement de la ville.
Cela implique une grande et performante capacité d’accueil d’événements internationaux, aussi bien dans le domaine des expositions artistiques, scientifiques et commerciales que dans celui des arts vivants. Ne disposant pas de structures qui répondent à ces exigences, la municipalité s’est lancée dans un vaste programme d’aménagement urbain afin de se doter de lieux culturels de premier plan. L’architecture novatrice des nouveaux bâtiments pourra refléter, par sa dimension emblématique, la modernité et le dynamisme de la ville. Mais en 2004, le maire a essuyé un échec cuisant avec l’abandon de son projet phare d’implantation d’une antenne du musée Guggenheim, autant pour des raisons économiques que symboliques.
De nombreux détracteurs y voyaient en effet le signe d’une standardisation (hégémonie ?) culturelle, dans un contexte politique national fortement marqué par des débats centrés sur l’identité taïwanaise. D’autres projets remarquables sont néanmoins sortis de terre ou sont actuellement en cours de réalisation, comme le musée national des Beaux-Arts de Taïwan en 2004, le Taichung City Wen-Hsin Forest Park Fulfillment Amphitheater en 2006, l’Hôtel One en 2006, le Taichung Metropolitan Opera House en 2013, relié par un vaste parc au nouveau Centre civique incluant l’hôtel de ville et l’assemblée municipale, ou encore le Taichung
Gateway Park en 2015.

Des choix politiques contestables
L’alliance entre innovation technologique, excellence culturelle et respect environnemental semble bien être le dénominateur commun de la majorité de ces projets. Ils suivent et servent ainsi les ambitions de la mairie, désireuse d’ériger Taichung en modèle de ville verte et durable. Mais lorsque se posent, entre autres, les questions de la place laissée aux populations et aux artistes locaux, de la programmation culturelle qui viendra animer ces lieux aux procédés architectoniques spectaculaires, alors que la ville ne possède, par exemple, aucun orchestre, ballet ou compagnie de renommée (inter)nationale, le modèle de ville durable, soutenable ou désirable évoqué pourra-t-il véritablement prendre forme, ou bien sert-il d’alibi à une unique et forcément désastreuse logique de marketing territorial ?
Une politique de l’équipement, quel que soit l’impact médiatique des réalisations architecturales, ne peut fonder à elle seule une politique de développement, et encore moins de développement culturel. Si le rayonnement international d’une ville passe par son ouverture aux influences des cultures du monde et sa capacité à accueillir des créations internationales, il n’en demeure pas moins que l’exportation d’un savoir-faire et d’artistes locaux compte autant dans l’accroissement de sa notoriété.
L’activité culturelle d’une ville se distingue aussi par la créativité de ses artistes et de ses acteurs culturels. Cela est possible grâce à une politique efficace et pérenne d’aide à la création, or il est patent que dans ce domaine la municipalité n’a pas encore pris de dispositions satisfaisantes. La construction de bâtiments-phares peut permettre à Taichung d’acquérir à court terme une nouvelle et plus large visibilité. Mais la ville devra également s’appuyer sur d’autres éléments pour éclairer son développement à venir. Promouvoir davantage la créativité, l’innovation et les ressources locales, qui ne manquent pas, figure sans conteste parmi les plus importants.