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Imaginaires, représentations des déchets : un terrain inexploré à investir ?

Image d'une poubelle dans des nuages

Étude

En matière de comportements, les représentations sensibles que chacun porte en lui peuvent être déterminantes, au-delà de repères considérés comme plus rationnels.

Au niveau de la réduction ou du tri des déchets, les imaginaires jouent un rôle central, sur lesquels il est possible d’intervenir afin de sensibiliser les citoyens à l’impératif de certains changements de mode de vie.

Un déchet est-il associé à la « saleté », ou à l’opportunité d’un recyclage ? Est-il une menace ou une ressource ?
Est-il un problème en soi, comme le laisse entendre le mouvement « Zéro déchet », ou une conséquence acceptable de nos pratiques de consommation ?

Grâce aux enseignements tirés de travaux de sciences humaines et sociales, certaines pistes encore peu explorées se dégagent, qui peuvent contribuer à modifier nos perceptions et ainsi faciliter l’évolution de nos usages.

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Date : 14/01/2022

Représentations des déchets : un terrain inexploré à investir ?

Si la gestion des déchets n’est pas un fait nouveau, elle est réactivée dans le débat public sous l’effet d’une représentation largement partagée : celle d’une surabondance de déchets. Gérer cet impératif suscite discussion, adhésion, opposition… Pourquoi les déchets entraînent-ils de telles réactions ? Que disent-ils de nous et de notre rapport à l’objet ?

Les sciences humaines et sociales (sociologie, psychologie, anthropologie, philosophie…) ont exploré les représentations liées aux déchets.

Les connaître permet de mieux comprendre les controverses actuelles et d’adapter ses façons d’agir et de communiquer.

 

Les représentations sont des idées ancrées qui guident les réactions de tout un chacun quand on parle de déchet

 

Qu’est-ce qu’une représentation ?

Une représentation est une idée toute faite : une image ou une pensée qui nous vient à l’esprit à l’évocation d’un objet, d’un concept ou d’une situation. Elle est le fruit de notre culture, de notre éducation, de nos relations sociales, de notre formation, etc. Elle évolue en fonction de nos expériences et est influencée par les références collectives (faits d’actualité, fictions, histoire locale, etc.). Elle peut être perçue comme vraie ou fausse, selon la sensibilité, le vécu…

Tout le monde porte des représentations et nous pouvons en avoir plusieurs pour un même objet. Un bibelot peut être à la fois un souvenir précieux et/ou un nid à poussière ; un vélo un symbole de liberté et/ou un objet de plus à entretenir, préserver, ranger…

 

Pourquoi s’intéresser aux représentations ?

 

Dis-moi ce que tu jettes, je dirai qui tu es. – Baudrillard

 

Les représentations sont des évidences pour les personnes qui les portent. C’est pourquoi elles sont rarement questionnées. Or, elles entrent en jeu dans notre rapport à l’objet. Elles peuvent influencer notre jugement et nos pratiques.

Par exemple, un bien dont on n’a plus besoin peut être vu comme une nuisance dont il faut se débarrasser ou un objet auquel offrir une deuxième vie. Cela oriente nos comportements (ex. jeter, réparer, transformer, donner, vendre). Si pour moi, un meuble doit être un achat mûrement réfléchi, alliant praticité et esthétique, et devant m’accompagner longtemps, je l’achèterai probablement neuf et j’en prendrai certainement grand soin, quitte à le réparer, le repeindre si besoin. Si cet objet ne représente que peu de choses pour moi, je m’en débarrasserai plus facilement.

Nous avons évoqué les représentations des déchets mais les représentations du grand public sur les grandes catégories d’acteurs impliqués de près ou de loin dans leur gestion (acteurs publics, acteurs économiques, associations engagées dans la réduction ou la valorisation des déchets, médias traitant ce sujet) contribuent à « filtrer » les informations communiquées régulièrement par ces acteurs. Ceci explique par exemple qu’une part de la population mette systématiquement en doute les discours des acteurs économiques qu’elle considère comme responsables de la croissance exponentielle des déchets et de la situation actuelle. La parole de l’acteur public n’est pas exempte de critique : telle mesure n’est pas assez contraignante pour le pollueur, ces consignes de tri sont incompréhensibles, etc. Les médias n’échappent pas davantage au soupçon, souvent considérés comme à la recherche du sensationnel, de l’information qui fera vendre quitte à trahir la vérité, même si certains s’efforcent de traquer les fausses informations et de rétablir la vérité. Les représentations des acteurs associatifs semblent globalement plus positives, les associations étant perçues comme au service de tous, mais leurs modes d’action peuvent diviser. Cet ensemble de remises en cause crée bien souvent des difficultés pour la population qui ne sait que croire et peut finalement trancher en faveur de ce qui va l’arranger (ex. céder au confort du statu quo).

Les représentations sont difficiles à faire évoluer et orientent beaucoup les comportements individuels. Ainsi, l’efficacité d’une campagne de communication qui donne une nouvelle information (ex. nouvelles consignes de tri) ou d’un nudge qui va inciter à agir (ex. poubelle émettant le bruit d’un caillou jeté dans un puits lorsqu’on y jette un déchet) dépendra en partie de leur compatibilité avec nos représentations. Par exemple, une partie de la population voit d’abord le compostage comme une pratique compliquée, source de nuisances, et sera réticente à la mettre en œuvre, et ce, quel que soit la communication ou le nudge associé.

L’action des collectivités pour réduire les déchets à la source et améliorer le tri doit ainsi prendre conscience des diverses représentations concernant l’univers des déchets et adapter les choix politiques et consignes en conséquence. L’enjeu est alors de prendre au sérieux ces représentations, les « faire parler», pour identifier celles à déconstruire et celles sur lesquelles s’appuyer pour prévenir, réparer, recycler.

 

Sale, dangereux, utile…Diverses représentations du déchet co-existent

 

Les sciences humaines et sociales témoignent et analysent majoritairement les représentations de la population et leur rôle important dans le rapport au déchet au sens large (déchets ménagers, hospitaliers, nucléaires, etc.), mais les travaux de recherche explorent rarement leurs effets sur les comportements.

 

Le déchet, « un monstre qui prolifère » dans l’espace et le temps

 

Avant, on pensait que le monde était tellement grand qu’il pouvait contenir tous nos déchets. – témoignage extrait de Lhuilier & Cochin

 

L’élimination d’un déchet suppose le franchissement de frontières : de l’espace privé à l’espace public (rues, lieux de dépôt ou d’abandon). Mais l’irruption de nos déchets dans des espaces naturels (ex. pollution des océans) et au-delà de nos frontières rebat les cartes : ce qui devait être caché, contrôlé, traité, éliminé, s’expose aux regards et ne peut être occulté. La quantité de déchets et leur mobilité ne permettent plus le dépôt et l’oubli (Lhuilier et Cochin). Cette exposition crée un rapport ambigu à notre propre consommation, et parfois un réflexe consistant à rejeter la faute sur autrui (« ce sont les autres qui jettent les déchets par terre et qui sont responsables de la pollution marine »). En 2019, 97 % des Français considèrent que la société dans son ensemble produit trop de déchets, mais ils ne sont plus que 76 % à penser que leur foyer pourrait produire moins de déchets (Ademe Ifop).

Le déchet bouleverse également les repères temporels traditionnels. Hier, les pratiques et la durée de vie de l’objet faisaient qu’il était évacué en fin de vie. L’augmentation des productions et du niveau de vie, conjuguées à une moindre durabilité (composés plastiques), à la non-réparabilité, à la multiplication des emballages, ont conduit à un raccourcissement de la vie active des objets et une longévité posthume accrue (Lhuilier et Cochin).

 

On ne connaît pas les effets à long terme. L’infiltration dans la terre, c’est irrécupérable. On ne peut pas l’éliminer. Et les rejets dans l’atmosphère, c’est des effets lents et incertains. La restauration est longue aussi. – témoignage extrait de Lhuilier & Cochin

 

Le déchet, une menace pour la santé et l’environnement

Cette menace se retrouve dans l’idée de saleté, de désordre, d’envahissement, de contamination (« les ordures ménagères avec le vent, il y en a partout, ça attire les rats») ; d’emprise (« à force, les déchets, on ne sait plus quoi en faire, on n’y pourra plus rien ») ; d’effraction, de franchissement de barrières (« les déchets, on ne sait plus d’où ils viennent, ni à qui ils sont ») (Lhuilier et Cochin).

La médiatisation de scandales, de problèmes techniques et de défaillances réglementaires* renforce cette représentation et accrédite l’idée de menaces collectives : la perte de maîtrise de la gestion des déchets et les nuisances sur la santé et l’environnement. Ce sentiment de menace est aussi réactivé lors de catastrophes (ex. « nuage » de Tchernobyl en 1986, marées noires), de grèves des éboueurs ou par l’émergence de nouvelles pollutions (ex. masques et gants jetés par terre durant la crise de la Covid-19).

* « La révélation d’un trafic de "cargaisons pestilentielles de déchets hospitaliers" entre la France et l’Italie » (Le Figaro, 26.07.1989), « La découverte que la France est la "terre d’asile des déchets suisses" » (Le Quotidien, 17.01.1990) et qu’une « mafia des ordures » organise un trafic entre la France et l’Allemagne (l'Événement du jeudi, 20- 26.08.1992), provoquent incompréhension et indignation, quand dans le même temps on se rend compte que « les vide-ordures débordent » et que « la France croule sous les déchets » (l’Humanité, 06.01.1989), que certains équipements sont proches de la saturation et qu’il est de plus en plus difficile d’en construire en raison des oppositions locales » (Barbier).

 

Le déchet, objet à maîtriser, contrôler, dominer

Cette représentation s’oppose à la représentation précédente : ici, le déchet n’est pas une menace, mais un objet qui relève de notre responsabilité et qui doit être traité, notamment grâce à la technique. Cette représentation monte en puissance avec le développement de la gestion industrielle des déchets, l’implantation d’infrastructures techniques, puis trouve un second souffle plus récemment avec la promotion de l’économie circulaire, du recyclage… Elle est portée en particulier par les professionnels du déchet, industriels et acteurs publics.

 

Le tri et son pendant le recyclage sont une manière de parer à la honte que représente le gaspillage et à l’impureté des déchets. – Houdayer

 

D’où la présence de ce registre de représentations dans la communication visant à responsabiliser et à modifier les comportements de la population : réduire ses déchets, adhérer au tri, accepter des infrastructures dans son environnement, etc. Il y a l’idée de diminuer l’emprise du déchet grâce à la responsabilisation et au recours à l’action : devenir acteur pour ne plus subir.

 

Le déchet réhabilité : utile, propre, discret, inoffensif

Ces représentations, plus récentes, s’incarnent notamment dans les discours des professionnels de la gestion des déchets. Ceux-ci s’efforcent de déconstruire les représentations négatives de la population en rendant compte des améliorations apportées pour la gestion des déchets, la sécurité sanitaire, la protection de l’environnement…

L’évolution du vocabulaire utilisé ces dernières années illustre bien cette volonté de techniciser l’univers du déchet et d’en réduire sa charge affective : classification des différents types de déchets, abandon de termes connotés (ex. décharge) au profit d’expressions plus neutres, valorisantes ou techniques (ex. « installation de stockage de déchets non dangereux » ou ISDND).

Les acteurs publics et associatifs invitent aussi à adopter un regard plus neutre sur les déchets en valorisant leur réemploi, leur recyclage, le tri… Le recours fréquent à la notion de « geste civique » invite chacun à agir pour le collectif. Cela redonne un peu de valeur au déchet. Cette posture présente aussi des risques, notamment celui d’invisibiliser l’ampleur de la question, de concentrer l’attention sur des « petits gestes » susceptibles de nous éloigner des « grands choix » (Monsaingeon), ou encore d’entretenir une bonne conscience écologique qui n’est pas à la hauteur des enjeux. Ces représentations entérinent l’idée de s’adapter au lieu de remettre en cause la production des déchets.

 

Le déchet évité, non produit

Popularisée par le mouvement « Zéro déchet », cette représentation invite à changer de logique : il ne s’agit plus de gérer une nuisance mais de l’éviter et de préserver nos ressources. Elle évoque un idéal, un monde sans restes, mais aussi « sans mémoire, sans histoire » (Monsaingeon).

 

Le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas. – Zéro Waste France

 

Tendre vers plus de sobriété est une ambition qui progresse chez les Français. 55 % d’entre eux aspirent à « faire mieux avec moins ». Après le confinement de 2020, cette « utopie écologiste » a progressé chez les CSP+ et les jeunes, mais a reculé chez les CSP - et les 65-70 ans. En tête des activités qui ne semblent pas indispensables aux Français, on trouve notamment la production intensive et la consommation de masse (Observatoire des perspectives utopiques).

Mais, s’ils « recourent plus souvent à l’acquisition de produits d’occasion, c’est davantage dans une perspective de consommation et d’achat « malin » que de véritable changement de rapport aux objets et à la possession » (…) Pour les Français, la réduction du gaspillage d’objets se traduirait ainsi par la fabrication d’objets plus durables à travers des processus de production plus performants et mieux réglementés, et par une moindre incitation à l’achat « inédit » de la part des revendeurs. Leurs propres pratiques restent moins remises en cause (…) et viennent encore souvent nourrir une volonté de consommer plus plutôt que de consommer mieux ou moins » (Hoibian & Brice Mansencal).

 

Aller ou non sur le terrain des représentations ?

 

La collectivité doit faire avec plusieurs difficultés :

→ Les représentations évoluent mais restent contradictoires : dans les faits, les Français « conservent aujourd’hui, en grande majorité, des modes de vie où la consommation est majoritairement associée au plaisir » ((Hoibian & Brice Mansencal). 86 % des Français déclarent que la solidité et la durée de vie des produits sont des critères d’achat importants mais environ un tiers déclare aimer suivre la mode (36 %), céder facilement à la tentation (35 %), aimer avoir des équipements dernier cri (38 %), acheter souvent des produits à bas prix sans prendre en compte leur durée de vie (32 %) (Ademe-Ifop).

→ Les représentations des habitants ne sont pas forcément celles des acteurs du secteur. Si certaines représentations évoluent – surtout du côté des professionnels – on ne peut pas dire que ces changements de représentations soient suivis par la population. Les discours ne sont jamais totalement assimilés : ils sont relativisés, filtrés, interprétés à l’aune des savoirs et des représentations de chacun. Ils peuvent même être contre- productifs en complexifiant le réel, en entretenant la distance de la population avec le monde des déchets, en laissant croire que la gestion des déchets est une question purement technique ou encore en attisant les soupçons sur ces tentatives d’influence (« s’ils prennent tant de précautions, c’est que c’est dangereux »).

→ Même si les représentations évoluent, le passage à l’acte reste difficile : l’assimilation d’informations ne suffit généralement pas à faire évoluer les perceptions et les comportements (voir Fiche Action). Et même lorsque ces perceptions évoluent, les actes peuvent être dissonants : on peut faire des efforts pour réduire ses déchets à la maison tout en consommant des produits emballés de plastique au travail.

→ Enfin, le principe même de vouloir agir délibérément sur les représentations fait débat : est-ce un projet réaliste au regard de la complexité des représentations, qui reposent sur de nombreuses variables ? Comment s’y prendre ? Il existe peu d’études expérimentales, sur le terrain ou en laboratoire, directement ciblées sur les représentations. Cela s’apparente-t-il à de la manipulation ? Les auteurs se rejoignent en revanche sur l’importance de la connaissance et de la prise en compte des représentations pour comprendre la manière dont les individus appréhendent le réel.

 

Cela ouvre plusieurs espaces de choix :

↪ La Métropole est-elle légitime à agir sur le terrain des représentations, les normes sociales qui les influencent et les choix de consommation ? Pas directement, mais elle est à même - a minima - de rendre visible sa politique déchets, les actions privilégiées, etc.

↪ Agir sur les représentations est très compliqué (on ne rend pas propre le déchet en un jour) mais cela peut avoir un effet potentiel considérable : des actions de sensibilisation avec la société civile existent déjà, mais dans quelle mesure faut-il aller plus loin ?

↪ Est-il efficace pour une collectivité de faire coexister des consignes relevant de représentations contradictoires : d’un côté, des discours visant à réhabiliter le déchet (pour encourager son réemploi, son tri…) et de l’autre, ceux incitant à limiter sa production (le meilleur déchet est celui qui n’est pas produit) ?

 

Comment tendre vers des représentations favorisant la responsabilisation et le passage à l’action ?

↪ En rendant visibles et crédibles les suites données aux efforts de la population, comme le tri ?

↪ En communiquant les résultats, en termes d’économie d’argent, de CO2... ?

↪ En récompensant très concrètement les efforts de la population et des acteurs économiques ?

↪ En faisant comprendre aux habitants que leurs déchets ménagers sont des ressources pour d’autres acteurs ?

 

Comment faire évoluer le regard de la population sur les acteurs économiques, en particulier le monde industriel ?

↪ En valorisant leurs actions en faveur d’une meilleure gestion des déchets (au risque d’alimenter le greenwashing) ? Si oui, comment avoir une communication honnête sur les déchets qui auront plus de valeur que d’autres ?

↪ En mettant des conditions (objectifs écologiques) au soutien que la Métropole apporte au secteur ?

↪ En s’appuyant sur des collaborations avec le monde associatif (au risque de décrédibiliser les associations) ?

 

Annexe : Brève histoire des déchets

 

« L’histoire du déchet s’inscrit dans l’histoire sociale. Envers de la production et de la consommation, les déchets ont toujours existé : aux temps préhistoriques, les hommes entassaient déjà leurs ordures mais les petites unités de vie commune comme le nomadisme ont limité les problèmes relatifs à la cohabitation  avec ces restes. Un premier tournant apparait avec la sédentarisation et l’édification des premières cités : le déchet naît sur la scène de l’agglomération urbaine ». (Lhuilier et Cochin).

 

  • XVIe et XVIIe siècles : émergence d’une organisation publique du traitement des déchets. Le déchet n’est toutefois pas véritablement considéré comme une source d’insalubrité, mais davantage comme une nuisance.
  • Fin du XVIIIe siècle : éclosion du mouvement hygiéniste. Le déchet et en particulier les odeurs qu’il dégage sont soupçonnés de véhiculer des miasmes menaçant notre santé. Le déchet devient danger. Il est aussi jugé responsable de favoriser le développement d’agents de contamination (rats, insectes…) et « d’être le terrain d’élection et de multiplication de ces « monstres invisibles » capables de franchir toutes les barrières corporelles ». La découverte des microorganismes renforce la représentation liant l’infiniment petit et l’invasion.
  • 1882 : Jules Ferry remplace dans les écoles le cours de catéchisme par le cours d’hygiène.
  • 1883 : naissance de la poubelle. « Le préfet Poubelle fait paraître un arrêté obligeant tous les propriétaires d’immeubles [à Paris] à acheter et procurer aux locataires des boîtes à ordures. Ces récipients, à dimensions et contenances imposées devaient être portés sur la chaussée 15 minutes avant le passage des tombereaux. Ce préfet avant-gardiste imposait en même temps le tri puisque trois boîtes étaient obligatoires : l’une pour les matières putrescibles, l’une pour le papier et les chiffons, l’une pour le verre et la faïence ». (Lhuilier et Cochin).
  • Jusqu’aux années 1950-60 : la recherche d’assainissement se poursuit avec diverses mesures visant à éviter le contact (vue, toucher, odorat) avec les déchets. Le traitement de déchets s’amplifie et se complexifie en raison de leur diversification. Cette croissance est de plus en plus vue comme une menace. Parallèlement, quelques voix soulignent les « vertus » du déchet pour l’enrichissement des sols ou l’émergence d’une nouvelle industrie qui s’organise et se « technicise ».
  • Années 1960-70 : le rapport au déchet se « désinhibe » : le jetable, le plastique, l’objet à usage unique sont des symboles de propreté et de modernité. Parallèlement, l’écologie devient politique avec les premiers ouvragescritiquant les sociétés industrielles.
  • Depuis les années 1990 : coexistent des représentations diverses : des déchets encombrants, voire envahissants, reflets de la société de consommation et de ses dérives (ex. obsolescence programmée), des ordures intolérables dès lors qu’elles passent du domaine privé à l’espace public (ex. plaintes au Greco, opinion publique lors des grèves des éboueurs), mais aussi des déchets à trier/recycler, des « ressources » pour l’économie circulaire, du compost, un marché de seconde main en croissance (donneries appréciées/surchargées, sites en ligne, brocantes…).
  • Demain : vers un déchet largement réhabilité, voire non produit ?

* « Silent Spring » de Rachel Carson sur les dangers des pesticides en 1962 ;« The Waste Makers » de Vance Packard sur l’obsolescence programmée en 1960 ; The « Closing Circle » de Barry Commoner sur la finitude de notre écosystème en 1971.

 

à retenir

Représentations des déchets : un terrain inexploré à investir ?

« Les déchets sont sales », « les déchets menacent l’environnement », « les déchets se recyclent à présent »... Les déchets font l’objet de nombreuses représentations.

Apparaissant comme des évidences et rarement questionnées, ces idées toutes faites qui nous viennent à l’esprit à l’évocation du sujet influencent pourtant nos jugements et nos pratiques. Les représentations contribuent aussi à « filtrer » les informations communiquées par les acteurs impliqués de près ou de loin dans leur gestion (acteurs publics, économiques, associations, médias).

Cette fiche fait le point sur les représentations à l’œuvre et identifie celles à déconstruire et celles sur lesquelles s’appuyer pour améliorer la gestion des déchets.

 

Sources

  • Ademe-Ifop, 2019, « Réduction des déchets et du gaspillage : opinions et pratiques des Français en 2019 », www.ademe.fr
  • Barbier Rémi, 2002, « La fabrique de l’usager. Le cas de la collecte sélective des déchets», Flux n°48/49 p.35-46.
  • Baudrillard Jean, 1970, « La société de consommation », Folio
  • Harpet Cyrille, 2016, « Avec les déchets, notre réflexion, c’est "débarrassez-moi de ce que je ne veux pas voir et sentir" ». Interview par Noémie Rousseau. Libération, 14 juin 2016.
  • Hoibian Sandra et Brice Mansencal Lucie, 2019, « La sobriété, une ambition encore lointaine ? » In : Guillard Valérie. Coord. « Du gaspillage à la sobriété. Avoir moins et vivre mieux ». Éditions De Boeck
  • Houdayer Hélène, 2013, « Les déchets, métamorphoses et arts de déchoir». Sociétés 2013/1 n°119 p.63-70.
  • Lhuilier Dominique et Cochin Yann, 1999, « Des déchets et des hommes». Éditions Desclée de Brouwer.
  • Monsaingeon Baptiste, 2017, « Homo Detritus ». Éditions du Seuil.
  • Observatoire des perspectives utopiques (2020) « Les perspectives utopiques des Français ».
  • Zéro Waste France, 2019, «Territoires Zéro Waste. Guide pratique pour révolutionner la gestion locale des déchets ». Éditions Rue de l’échiquier.