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Identité urbaines et communauté urbaine - 1 - Millénaire 3

Texte de Jean-Marie Auzias

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Date : 01/01/2001

La Courly s'est dotée d'une structure fort intéressante : les journalistes y sont d'une discrétion telle qu'il me semble utile d'en parler.

Ce fut d'abord l'expérience dite Millénaire 3. Des travailleurs sociaux, des animateurs culturels, des élus (rares), des intellectuels, des enseignants, des responsables économiques et administratifs, j'en oublie et des meilleurs, furent conviés plusieurs années avant la fin du mandat de Raymond Barre, à une rencontre relativement informelle pour réfléchir à l'identité de la communauté urbaine et à ses projets. Un bureau d'études non lyonnais, non engagé dans nos problèmes, fut chargé de fournir des synthèses et de coordonner les différents groupes de travail, en même temps qu'il assurait le déroulement des réunions.

Un site internet et des Cahiers tirés à trois mille exemplaires furent mis à la disposition des présents et de tous ceux qui en firent la demande. Un vice-président de la Courly, Jacques Moulinier, suivit régulièrement les débats et les travaux au nom du président Barre. Quelques politiques se montrèrent, certains furent chargés d'interventions pas toujours réussies (si vous me pressez, je ne donnerais pas de noms pour une fois). L'intérêt de leur présence résidait surtout dans le fait que les participants se savaient entendus.

Du premier jour jusqu'aux dernières réunions du mandat de Raymond Barre et de la majorité communautaire, l'on vit se poser en permanence la question de
l'identité urbaine dans ses rapports avec le ou les projets urbains. Les dialectiques de la métropole et des communes hors Lyon, celle des liaisons centre-périphérie jouèrent constamment.. On ne se pose qu'en s'opposant : c'est un postulat, une idée fort répandue et qui se vérifia par les tensions, non conflictuelles, qui régissaient le va-et-vient entre "les officiels" et la salle, aussi bien que les interventions des notables et des militants ou des travailleurs sociaux.

À ma grande surprise, la parole y fut toujours libre et les tensions ou les réactions aux différents discours témoignèrent de ce que toute ville - a fortiori toute communauté de ville - repose, non peut-être sur un consensus, mais sûrement sur un projet commun de vivre ensemble. Un article d'Alain Touraine dans la publication de Millénaire 3 rendit compte de ce projet de vie urbaine. On a vu, ce qui ne se produit pas souvent, un ancien président d'université, réputé pour être en réaction contre bien des courants actuels, recevoir sans les contredire des interventions fort musclées. On a vu un économiste (distingué, ils le sont tous) de la CGT se faire entendre d'un ensemble visiblement peu syndiqué. On a pu entendre à la tribune un historien notoirement communiste et s'apercevoir que bien des faits qu'il rapportait faisaient mouche. On a vu le public se régaler de l'intervention de Bruno Benoit qui, au cours de la première rencontre, retraçait sa vision de l'identité politique lyonnaise.

L'autorité de la parole était liée à la sincérité de l'engagement de l'intervenant, et pas seulement à la place qu'il occupait dans les décisions urbaines. Des techniciens, ingénieurs, architectes, qui savaient s'élever de l'expérience à la philosophie de l'expérience, étaient écoutés avec bien plus de sympathie que tel élu majoritaire venu de Villeurbanne à Lyon et qui se révélait comme un ardent manipulateur de la langue de bois. En prêtant bien l'oreille, on eût entendu quelquefois ronfler. Point n'était besoin en revanche de prêter l'oreille, quand tel directeur d'école de Vaulx-en-Velin racontait des réussites, non seulement pédagogiques, mais citoyennes. De même quand la présidente de l'Aralys posait les problèmes des travailleurs étrangers. Le plus impressionnant, ce fut la discipline dans la prise de parole. Souvent, un intervenant se sentait frustré, ayant encore quelque chose à dire, mais il fallait que tout le monde puisse apporter sa contribution. Bien sûr, l'impression que produisaient les prises de parole, dans les premiers moments, était que bien des participants étaient venus pour obtenir quelque chose - crédits ou crédit - pour sa boutique. Qu'il était relativement rare que telle représentante ou tel représentant d'une activité particulière accédât à une vision de la généralité des problèmes. Cette impression se corrigeait lorsque l'on passait, de la réunion plénière à la réunion de groupe. Cinq groupes se formèrent et l'on vit, curieusement, la culture devenir une priorité alors qu'on se serait attendu à ce que ce fût l'économie.

Surprise majeure. (À suivre)