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Claude MARTIN

Étude

Dit le major MARTIN (1735 -1800)

Né à Lyon le 4 janvier 1735, ce fils de maître vinaigrier et fabricant de tonneaux de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Saturnin, orphelin de mère à moins d’un an, va connaître une destinée peu ordinaire. Ayant appris à lire et à écrire à l’école de la paroisse, il devient apprenti en 1749 chez un chef d’atelier en soierie.

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Date : 02/01/2007

Un aventurier soldat
Il s’engage en septembre 1751, pour chercher fortune ou pour quitter un travail ne lui plaisant guère et n’offrant pas des perspectives très brillantes, voire pour quitter sa nouvelle famille, son père s’étant remarié. Il est alors soldat dans les troupes de la Compagnie française des Indes orientales. Après une formation militaire à Lorient, il s’embarque le 9 décembre 1751 pour Pondichéry. Il y arrive six mois après et sert sous les ordres de Duplex, puis devient membre de la garde personnelle du commandant en chef, en particulier du comte de Lally arrivé en 1758, dont la mission, en pleine Guerre de sept ans contre les Anglais, est de ramener l’ordre dans les troupes de la Compagnie. Pour cela, il utilise des méthodes brutales qui ne contribuent pas à remonter le moral des troupes.
On peut s’interroger sur les raisons qui poussent Claude Martin à passer du côté des Anglais. Est- il révolté par la sévérité de son commandant, ce qui l’aurait poussé à déserter, mais on ne retrouve pas son nom dans les listes de déserteurs ? Est- il fait prisonnier par les Anglais ? Pense-t- il, avec raison, que la fortune ne peut être acquise du côté français qui manque de moyens et d’ambition aux Indes ? Quelle que soit la raison, Claude Martin se retrouve, en 1760, dans le camp anglais où, là, malgré la suspicion au départ des Anglais, il devient, dans le cadre de l’East Indian Company, lieutenant, puis capitaine, lieutenant-colonel en 1782 et enfin major général en 1796.
Cet autodidacte, avide de connaissances, devenu officier, mais aussi architecte, géomètre, ingénieur, est, malgré son travail et son habileté, mal accepté par les hauts fonctionnaires anglais pour cause de roture. Est-ce pour cette raison ou bien parce qu’il est remarqué, pour ses qualités, par le nabab d’Awadh, que Claude Martin est détaché par la Compagnie anglaise des Indes pour passer à son service. Mais c’est surtout sous le règne de son fils, Asaf-ud- Daula, installé à Lucknow que Claude Martin va prospérer à partir du milieu des années 1770. Asaf-ud-Daula le fait inspecteur de son artillerie, mais aussi son confident. Ces liens avec le nabab de Lucknow ne l’empêchent pas d’aller combattre victorieusement en 1791, en tant qu’aide de camp du commandant en chef anglais, Tipu, le souverain de Mysore, ami de la France.

Un habile négociant polyvalent
Martin va devoir évoluer, lui l’étranger employé par la compagnie des Indes, mais travaillant à Lucknow au service du nabab, tout en étant surveillé par le résident anglais, dans un environnement des plus délicats sur le plan diplomatique. Il va y réussir parfaitement. Il acquiert, grâce aux largesses du nabab, à son travail et à ses différentes opérations commerciales, pas toujours des plus limpides, une immense fortune évaluée à près de 9 millions de francs au moment de sa mort. Cette richesse a été acquise par des commissions sur les achats effectués par l’arsenal, grâce aux loyers perçus sur diverses propriétés, mais surtout par des prêts d’argent à 12 % aux Indiens et aux Européens, par les ventes d’indigo, de lapislazuli et d’autres produits indiens vendus en Angleterre, via Calcutta, par l’intermédiaire de ses agents londoniens, les Raikes. Cette fortune, Martin la gère aussi de façon très prudente, voire même un peu avaricieuse, tout en achetant en Europe des livres et des oeuvres d’art. De plus, il se fait construire, après l’abandon de l’idée d’un retour en Europe, un palais
somptueux à Lucknow dans les années 1790.

Un donateur fondateur d’une institution scolaire à Lyon
Il meurt à Lucknow le 13 septembre 1800. Sur sa tombe est inscrit : «  Ici repose le Major général Claude Martin arrivé en Inde comme simple soldat ». Son testament, écrit en hindi et en anglais, prévoit de léguer à trois villes, Lucknow, Calcutta et Lyon, 700000 francs chacune, somme destinée à la fondation d’établissements d’enseignement pour enfants des deux sexes. Pour Lyon, l’établissement de cette institution scolaire doit être décidé par les académiciens lyonnais. Il donne également à la ville de Lyon une somme pour libérer les prisonniers pour dettes. Le conseil municipal de Lyon prend acte du testament le 28 mars 1803. Le début du legs n’arrive à Lyon qu’en 1826 et s’échelonne jusqu’en 1878. Ce retard peut s’expliquer par toute une série de facteurs, dont les guerres napoléoniennes, les réticences anglaises et la lenteur des autorités de la Restauration. En 1822, l’Académie des Sciences, belles Lettres et Arts de la ville de Lyon décide que cette école sera gratuite et portera sur les arts et métiers. En 1825, la ville de Lyon confie à Charles Tabareau, membre de l’Académie, le soin d’établir la future institution qui doit porter le nom de son donateur.

Le cas du major Martin est rare dans l’histoire lyonnaise, puisque les non Lyonnais venus s’installer à Lyon sont plus nombreux que les Lyonnais partis à l’étranger. Si son itinéraire est intéressant, ce qui l’est davantage c’est sa manière de témoigner à sa ville natale son attachement. Son legs est donc à l’origine d’une école, La Martinière, véritable pépinière de techniciens et d’ingénieurs pour l’industrie lyonnaise. La ville de Lyon a en effet bénéficié, de ses fils naturels et adoptifs, de nombreux legs qui lui ont permis d’enrichir ses collections ou d’oeuvrer pour le bien commun.

Bibliographie :
- Rosie Llewellyn-Jones, Claude Martin, Lyon, Lugd, 1995.