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Rôle proactif de la collectivité dans l’orientation des recherche

Interview de Gilles GODARD

<< Nous devons sortir de l’artisanat pour instaurer une relation plus continue et durable avec le monde de l’industrie et de la recherche >>.

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Date : 24/09/2007

Propos recueillis le 25 septembre 2007 par Geoffroy Bing, Nova7

Une collectivité, qui est aussi un prestataire de services et donc à ce titre un acteur économique, ne peut-elle pas aller au-delà d'un rôle d’animateur et de financeur ? Ce témoignage illustre le rôle plus proactif de la collectivité dans l’orientation des recherches et souligne la mise en place progressive de relations plus structurées entre collectivités locales, industriels et laboratoires de recherche sur un territoire comme le Grand Lyon.

Peut-on dire que le Sytral, en tant qu’autorité organisatrice d’un service de transport public, exerce une activité de recherche et développement ?

Bien sûr, le Sytral est engagé depuis longtemps dans le développement d’innovations avec par exemple le génie civil et l’automatisme de la ligne D. Nous avons ainsi été l’une des premières villes à proposer un métro à grand gabarit automatique et surtout sans porte palière, ce qui était une innovation majeure à l’époque et aujourd’hui encore d’ailleurs ! Les industriels qui avaient été choisis par le Sytral ont fortement été soutenus dans leurs efforts de R&D. Aujourd’hui encore, nous accompagnons des projets d’innovation en partenariat avec le LET ou l’INRETS. Pour cela, nous avons la chance à Lyon d’être entourés d’un tissu de recherche très dynamique et qui se renforce d’ailleurs avec l’arrivée du siège de l’INRETS à Bron.

Concrètement, comment vous organisez-vous pour cela ?

Justement, nous sommes en train d’améliorer notre organisation et nous recrutons une personne qui aura une fonction transversale au sein du Sytral pour promouvoir l’innovation et la recherche. Elle travaillera à la fois en lien avec le pôle, mais également avec, sur un certain nombre de programmes européens auxquels nous n’avons pas encore participé faute de coordination. Nous sommes en train de passer à un stade où nous devons sortir de l’artisanat pour instaurer une relation plus continue et durable avec le monde de l’industrie et de la recherche. Nous devons nous inscrire sur la durée dans ces réseaux et mieux maîtriser notre participation pour plus d’efficacité.

Et qu’est-ce qui a conduit le Sytral à adhérer au pôle de compétitivité Lyon Urban Truck&Bus ?

Nous avons été associés dès l’origine à la création du pôle, sollicités par les deux principaux fondateurs du pôle que sont Renault Trucks et Irisbus, pour qui nous sommes d’importants clients. Ce sont deux partenaires industriels que nous connaissons bien et avec lesquels nous avions déjà eu l’occasion de travailler par le passé notamment sur le programme Cristalis de Trolley-bus du futur. Et ils sont tout naturellement venus nous voir au moment de la création du pôle pour participer en tant que client ou « utilisateur » du pôle.
Et en quoi consiste ce rôle d’utilisateur au sein du pôle ?

Ce qui intéresse les chercheurs chez nous, c’est qu’ils peuvent tester leurs idées sur notre réseau. D’autant que ce réseau est étendu géographiquement et offre une large gamme de modes de transport différents. Nous sommes prêts à tester toutes sortes d’innovations en permanence ! En outre, en tant qu’utilisateur, nous pouvons exprimer nos besoins et nos problèmes. A l’origine, Lyon Urban Truck&Bus était un pôle essentiellement tourné sur le transport routier mais nous avons contribué à élargir le champ de recherche à des problématiques plus spécifiques au transport urbain. Cela a fait émerger deux nouveaux axes de recherche : sur la performance des véhicules en termes de consommation et d’accessibilité ; et sur les questions d’exploitation et de maintenance. Nous avons ainsi mis en place progressivement une gestion de télémaintenance et nous pensons même qu’à terme nous n’aurons pas de raison d’être propriétaire des bus. Nous voudrions pouvoir transformer nos contrats d’acquisition de bus en contrats de prestations de service comme le font les grands logisticiens
Depuis la création, comment votre rôle au sein de Lyon Urban Truck&Bus a-t-il évolué ?

Maintenant nous sommes de plus en plus associés aux programmes de recherche, nous sommes co-décisionnaires et l’on vient nous chercher pour notre compétence, parce que nous travaillons sur le réel et sommes détenteurs d’information ou de données sur les comportements d’usagers, les niveaux de service, etc. Nous avons testé par exemple les mini-bus électriques développés par des industriels. Au départ, ils voulaient juste nous vendre des bus électriques mais nous leur avons dit que nous voulions des bus électriques qui ont une large autonomie. Donc nous avons fait un cahier des charges imposant une autonomie des véhicules de 120 km par jour pour ne pas perdre de temps en recharge.
C’est un projet qui a duré trois ans, cela a été dur. Et on fait aussi appel à nous, il ne faut se le cacher, parce que nous apportons des financements. Finalement, nous n’avons pas le même statut que les entreprises dans ce pôle : nous sommes là pour soutenir leurs recherches et nous sommes avant tout leur client !

Pouvez-vous nous parler des programmes de recherche de ce pôle auxquels vous participez ?

Dans le cadre de Lyon Urban Truck&Bus, nous travaillons sur le projet Mobiville qui est l’équivalent du GPS en voiture pour les usagers des TC et de Vélo’v. L’idée est que sur un terminal portable vous indiquiez l’endroit où vous voulez aller. Le terminal transmet alors l’information à un moteur de recherche d’itinéraires qui calcule en temps réel (en prenant en compte les perturbations du réseau) et renvoie l’itinéraire avec les cartographies associées. Pour les utilisateurs de Vélo’v, ce service leur permettrait de connaître à l’avance (terminal situé sur le guidon) la disponibilité des bornes et le meilleur itinéraire. Nous travaillons aussi sur le projet Mosar avec le LET. Cette technologie permettra de calculer le territoire accessible, en transports en commun ou en voiture, en un temps donné à partir d’un point donné. Et voici par exemple une application grand public : quand une personne veut déménager, une carte pourrait lui indiquer une zone de recherche en fonction de son lieu de travail et du temps qu’elle souhaite consacrer au transport. Cette technologie pourra aussi nous servir directement et nous permettre de faire des cartes d’accessibilité du territoire afin de limiter les trop fortes disparités. Dans le cadre d’une restructuration de ligne, par exemple, nous pourrons mieux voir les territoires qui en bénéficient et ceux
qui sont pénalisés.

Quelles sont les autres démarches d’innovation que vous soutenezen dehors de Lyon Urban Truck&Bus ?
Nous répondons aussi à des programmes européens. Actuellement, nous avons une candidature importante avec l’Union Internationale des Transports Publics dans un programme sur le bus du futur. Nous voulons mettre au point un couplage entre le système de guidage du bus et son mécanisme d’agenouillement (pour changer de hauteur en arrivant au quai et faciliter l’entrée et la sortie des usagers).Aujourd’hui, les systèmes de bus guidés existent déjà (le conducteur ne tient plus le volant et la conduite est semi automatique) mais ne fonctionnent que dans un environnement spécifique et aseptisé. Dans un environnement urbain classique le guidage ne marche pas, donc nous devons déjà chercher à assouplir le système pour qu’il fonctionne dans un environnement plus complexe et changeant. En ce qui concerne l’agenouillement, pour gagner en fluidité nous réfléchissons à une technologie qui amène le bus à s’agenouiller dès son approche du quai grâce à un système communiquant qui l’informe de la hauteur du quai. Un deuxième projet, le projet Samouraï, porte sur la vidéosurveillance dans le métro. Grâce à des algorithmes de détection des comportements dangereux, les caméras peuvent alerter les équipes d’intervention au sol. C’est beaucoup plus efficace car si vous allez dans un centre de contrôle vidéo, vous verrez que ça ne marche pas bien : les agents s’ennuient 90% de leur temps et leur vigilance décline...
Est-ce que les questions environnementales font aussi partie de vos préoccupations en matière de recherche et d’innovation ?

Pour nous, les questions d’environnement sont avant tout des questions relatives à la consommation d’énergie. Le développement de l’énergie électrique est un axe de recherche important pour nous même si on ne peut pas mettre des véhicules électriques partout : c’est très coûteux et cela génère d’autres problèmes d’environnement, notamment pour le recyclage des batteries et la pollution visuelle des câbles électriques. D’ailleurs, c’est avec Iris bus que nous travaillons sur un trolleybus sans fil. Nous sommes plusieurs à croire au trolleybus à Lyon ! Pourtant, il faut savoir qu’aujourd’hui les pouvoirs publics mettent beaucoup plus d’argent dans des programmes de recherche automobile que dans les transports publics. Au regard de la part modale de la voiture dans les transports urbains ce n’est pas forcément surprenant mais c’est à nous, opérateurs de transports publics, de nous mobiliser pour faire progresser la qualité de service et la performance de nos réseaux. D’où l’importance de la recherche, de l’innovation et des partenariats avec les industriels concernés.