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Quelle place pour la nature, le long des fleuves lyonnais ?

Photographie de deux hérons cendrés
Hérons cendrés

Texte de Jean-Louis Michelot

Jean-Louis Michelot, consultant en environnement explique comment, grâce au fleuve, la nature continue d’être présente à Lyon même si elle subit de lourdes pressions urbaines surtout à l’aval.

Plutôt que gérer l’espace naturel de façon sectorielle, il s’agit aujourd’hui de mener une action globale permettant d’accueillir sur un même site des fonctions complémentaires.
Date : 01/01/2001

Les vallées, pénétrantes de nature dans la ville

 

Les cours d’eau ont favorisé l’implantation des villes, en offrant aux hommes une ressource et des voies de communication importantes. Pourtant, dans la plupart des agglomérations, l’urbanisation a largement évité les abords immédiats des rivières, à cause de la contrainte des inondations ou du relief des vallées.

L’agglomération lyonnaise entre dans ce schéma général. Dans l’ouest lyonnais, les petits affluents du Rhône (Yzeron, ruisseaux de Serre ou de Charbonnières…) font pénétrer en zone urbaine des corridors boisés continus et parfois sauvages. La Saône, rivière calme dans sa traversée de Lyon, a peu freiné l’urbanisation, mais elle a apporté la nature sous la forme d’îles et de rives boisées. Le Rhône, pour sa part, a entravé les activités humaines, jusqu’au siècle dernier à cause de ses divagations et, jusqu’à aujourd’hui, de ses inondations. Mais l’aménagement du Rhône au XXe siècle a largement modifié cette situation dans le centre ville ; le fleuve a été transformé en un plan d’eau régulé, en contact direct avec les quais. À ce titre, le paysage fluvial lyonnais est dans une situation bien moins naturelle que celui de la Loire à Orléans, du Rhône à Genève ou du Saint-Laurent à Montréal.

Pourtant, la nature continue d’être présente à Lyon grâce à la présence du fleuve. Dans le centre ville, les mouettes et les fleurs des renoncules aquatiques participent au paysage urbain ; des castors (animaux symboles du Rhône) ont établi leur gîte contre les piles d’un pont, et cherchent leur nourriture le long des rives boisées de la Cité internationale.

Mais la nature fluviale peut surtout s’exprimer en zone périurbaine. À l’amont de Lyon, la vallée du Rhône pénètre comme un coin dans la ville : 1 ha non urbanisé face à la Cité internationale, 50 à la Feyssine, 400 dans les champs de captage de Crépieux-Chamy, et plus de 2000 dans le parc de Miribel-Jonage. À l’aval, la pression de la ville sur le milieu est plus forte, avec le couloir de la chimie, l’autoroute Lyon-Marseille ou la voie navigable ; le fleuve reste toutefois bordé d’une forêt de belle tenue à partir de Pierre-Bénite.

Cette nature, même soumise à la pression urbaine, constitue un patrimoine intéressant. Elle possède des communautés végétales et animales typiques des vallées fluviales, espaces sensibles de plus en plus rares en France ou en Europe. Ainsi, l’agglomération lyonnaise abrite encore aujourd’hui - parmi d’autres richesses - une colonie de hérons, l’apron, poisson endémique du bassin du Rhône ou l’helléborine du Rhône, orchidée inféodée à la vallée du Rhône dans la région lyonnaise.

 

Mouette rieuse

 

Quelle place laisser à la nature ?

 

Après beaucoup de gaspillage, l’heure est aujourd’hui à l’utilisation durable du territoire, visant à valoriser ses diverses fonctions. Plutôt que de gérer l’espace naturel de façon sectorielle, pour tel ou tel usage, il s’agit de mener une action globale, permettant d’accueillir sur un même site des fonctions complémentaires. La richesse des milieux naturels ne repose pas seulement sur leur biodiversité, mais sur l’ensemble des services qu’ils rendent à la collectivité, et qui expliquent que l’on puisse les considérer comme des « infrastructures naturelles » aussi utiles que des voies de communication ou des barrages (Mermet, 1993).

Les milieux naturels de la vallée du Rhône assurent ainsi la totalité de l’alimentation en eau potable de l’agglomération. Les champs de captage principaux (Crépieux-Charmy) sont aujourd’hui protégés par une réserve naturelle volontaire.

Les plaines alluviales participent à la régulation des crues, par le stockage des eaux et leur ralentissement par la végétation. Plus l’espace est naturel, mieux il assure cette fonction. Les fonctions sociales de l’espace naturel urbain ne sont pas les moindres. Ces vastes zones vertes jouent en effet un rôle considérable dans l’équilibre de la ville. Le Parc de Miribel Jonage, avec plus de 3 millions de visiteurs par an, en est une formidable illustration. L’espace fluvial est enfin un lieu de production : agriculture, sylviculture, hydroélectricité, extraction de granulats… Ces activités peuvent selon les cas, porter atteinte ou contribuer à la valeur du patrimoine naturel.

Les collectivités locales et l’Etat ont pris conscience depuis quelques années de la richesse que représentent ces espaces naturels. Ils ont engagé des mesures de préservation de ce patrimoine (arrêté de protection de biotope au sud de Lyon, site Natura 2000 et réserve naturelle à l’amont). Ils ont mené des travaux importants de restauration de ces milieux : remise en eau d’anciens bras du Rhône à l’aval de Lyon, renaturation de gravières et gestion des espaces naturels à Miribel-Jonage…

La nature urbaine et périurbaine représente un véritable défi en matière de gestion, tant il existe une apparente contradiction entre la définition de la Nature (ce qui, dans l’Univers, se produit spontanément, sans l’action de l’homme, pour le Petit Robert) et l’essence même de la ville. Il est impossible de laisser ces espaces sans gestion, sous peine de les voir dégradés irréversiblement par des activités non voulues. À l’inverse, il serait regrettable de vouloir les contrôler totalement, à l’image des parcs urbains ; cela serait absurde sur le plan écologique (on détruirait la nature que l’on a voulu conserver) et l’on priverait la ville de l’un de ses espaces de liberté.

La solution ne peut reposer que sur une approche fine, laissant s’exprimer au maximum la dynamique naturelle comme la dynamique sociale, mais en prévenant les dérives par des actions de gestion des écosystèmes et d’accompagnement de la fréquentation.

Ces espaces naturels, particulièrement riches sur le plan de la biodiversité, et très attractifs pour le public en raison de la présence de l’eau et de  paysages remarquables, constituent des lieux de rencontre privilégiés entre l’Homme et la Nature. Pour être préservés, ils méritent d’être pleinement appropriés par la population.

 

Bibliographie
● GRANGE (A.), MICHELOT (J.L.), BALANDRAS (F.), 2001.- Les espaces naturels périurbains : typologie et prise en compte
dans les politiques métropolitaines. Séminaire Fédénatur, Barcelone.
● MERMET (L.), 1993.- Innover pour une gestion plus écologique des fleuves. AscA, Ministère de l’Environnement, 107p.