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Ollier, père de la chirurgie orthopédique

Portrait de L. Ollier

Étude

Professeur lyonnais de renommée internationale, Léopold Ollier (1830-1900) a été précurseur en chirurgie expérimentale : il testait sur les animaux les opérations qu’il pratiquait ensuite sur les patients.

En lieu et place de simples amputations, Ollier est le premier à avoir réussi des résections1 qui permettent le maintien et la mobilité des membres.

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Date : 23/08/2007

Premiers pas d’un chirurgien ambitieux

Fils et petit-fils de médecin, Ollier naît en Ardèche, en 1830. Durant son internat aux Hôpitaux de Lyon, il a pour maître de chirurgie osseuse Amédée Bonnet, l’un des deux grands noms à retenir en la matière au 19e siècle. Major du concours de l’Internat en 1851, Ollier passe sa thèse à Montpellier en 1856 : « Recherches anatomo-pathologiques sur la structure intime des tumeurs cancéreuses aux diverses périodes de leur développement ». Il échoue la même année au Concours de Chirurgien Major de l’Hôtel-Dieu de Lyon. Les lettres patentes de 1618 de Louis XIII accordant à ces chirurgiens d’importants privilèges, ce poste est le plus convoité parmi le corps médical.

Quelques mois plus tard, Ollier se présente au Concours de l’Agrégation à Paris, où il n’est pas retenu, mais remarqué pour la qualité de son intervention. Il revient à Lyon, et, dès 1857, travaille dans le Laboratoire de Chauveau à l’Ecole Vétérinaire. Il se lance dans ses expériences et consolide ses relations avec les sommités de la capitale. Ollier fait sien l’aphorisme de Claude Bernard : « La médecine scientifique ne peut se constituer que par voie expérimentale ». Dans la ferme de ses parents, il greffe sous la peau d’un lapin un lambeau de périoste4  tibial et obtient en trois semaines une belle régénération osseuse.

En 1859, il écrit un mémoire, Recherches expérimentales sur la production artificielle des os, au moyen de la transplantation du périoste et des greffes osseuses. A sa suite, il obtient le prix d’encouragement lors du concours pour le Grand Prix de Physiologie5 . En 1860, il publie Recherches expérimentales sur les greffes osseuses et fait un voyage en Angleterre. Durant la même année, Ollier se présente de nouveau au concours de chirurgien-major de l’Hôtel-Dieu, cette fois-ci pour l’emporter.

 

Le créateur de la chirurgie orthopédique

A peine nommé, Ollier reprend ses expérimentations animales, sans toutefois oser passer sur l’homme pour vérifier ses idées sur les résections dans les cas d’infections articulaires. A l’époque, le champ opératoire de la chirurgie orthopédique est plus large qu’aujourd’hui puisqu’il comprend le traitement de maladies infectieuses comme la tuberculose ostéoarticulaire, qui laisse des séquelles invalidantes. Ollier transforme le service de 120 lits qu’on lui confie à l’Hôtel-Dieu en premier service spécialisé de chirurgie osseuse de l’enfant et de l’adulte. En 1861, l’Académie des Sciences met en concours la question « de la conservation des membres par la conservation du périoste », pour un grand Prix de Chirurgie à remettre en 1866. Comprenant l’intérêt du sujet pour les blessures de guerre, Napoléon III double la valeur du Prix, le portant ainsi à 20 000 francs.

En 1867, Ollier produit Le Traité expérimental et clinique de la régénération des os et de la production artificielle du tissu osseux, opposé au Traité de l’évidement des os de Sedillot, chirurgien à Strasbourg. La Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur est décernée à Ollier et le Prix est partagé entre les 2 concurrents le 11 mars 1867. Ollier épouse Isabelle Joannon… Il met au point plusieurs appareils de mobilisation et de gymnastique dont Pravaz, un médecin privé lyonnais, se fait le champion. Il conçoit également de nouveaux instruments chirurgicaux et collectionne les os des animaux opérés, ainsi que ceux des malades opérés et décédés.

 

De la théorie à l’application

A l’annonce de la guerre franco-allemande de 1870, Ollier est chargé d’organiser le service des ambulances des médecins civils pour les blessés militaires. Suivant l’armée de l’Est de Bourbaki, il est fait prisonnier par les Prussiens. Mettant alors en pratique ses découvertes, Ollier abandonne l’amputation systématique pour tenter des résections sous-périostées. Des opérés conservent leur membre et leur mobilité. De retour de guerre en 1872, Ollier rapporte son expérience au Congrès Médical de France.

En 1877, lorsque la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Lyon est fondée, il devient titulaire de la Chaire de Clinique Chirurgicale. Adepte des découvertes de Pasteur et de Lister, Ollier organise, avec Antonin Poncet, la chirurgie antiseptique puis aseptique à Lyon. Il entre véritablement sur le terrain clinique et étudie les voies d’accès et la technique opératoire pour chaque articulation. Inventeur, en outre, des greffes de peau mince et des greffes osseuses, il entre dans une phase de notoriété internationale.

A l’origine de la Société de Chirurgie de Lyon, il est tour à tour Président de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Lyon, Président de la Société Nationale de Médecine et des Sciences de Lyon et Président de l’Académie de Lyon. Membre honoraire de la plupart des Académies d’Europe, il est invité à présider les plus grands congrès du monde entier. Il poursuit sa carrière jusqu’à son décès, survenant à l’âge de 70 ans, en 1900. 

 

Un héritage considérable

Ollier pratique exactement 827 résections au cours de sa carrière et recueille plus de 1000 dossiers admirablement détaillés. Tous les documents opératoires, expérimentaux, radiologiques et photographiques sont classés pour en faciliter l’exploitation. Dès 1896, Ollier collabore avec Etienne Destot8 , qui lance la radiologie à Lyon. Il estime que « la radio permet de faire une autopsie sur le vivant ! ».

Ollier apporte aussi une contribution majeure à la muséologie en conservant des pièces expérimentales et humaines sous forme de petits tableaux ou dans des bocaux. Il laisse à la postérité le Traité des Résections, œuvre en trois tomes rédigée pendant près de 20 ans. Ce traité  reprend l’ensemble de ses découvertes en chirurgie ostéo-articulaire conservatrice et mobilisatrice10 . Les règles de la croissance osseuse y sont clairement démontrées.

Ses successeurs sont nombreux : Michel Gandolphe poursuit la lutte contre les infections en étudiant les tuberculoses osseuses et les greffes osseuses. Gabriel Nové-Josserand s’intéresse au domaine des malformations congénitales et à la chirurgie pédiatrique. Mathieu Jaboulay fait de nouvelles découvertes sur les os. Et Etienne Destot développe les recherches en traumatologie osseuses…

 

Bibliographie

◼ « La chirurgie orthopédique », Louis-Paul Fischer et « La chirurgie pédiatrique et orthopédique infantile », Claude-Régis Michel In : La Médecine à Lyon, des origines à nos jours, Fondation Mérieux, Editions Hervas.

◼ L’esprit d’un siècle, Lyon 1800-1914, Fage éditions, Ville de lyon, 2007. 

◼ « Les VANS et Louis, Xavier, Léopold, Edouard Ollier, (1830-1900) », A. Morin et « Centenaire d’Ollier, créateur de la chirurgie orthopédique et de la chirurgie expérimentale », collectif. Cycle 1830-1900 in : Conférences de l’Institut d’Histoire de la Médecine, Université Claude Bernard Lyon 1, collection Fondation Marcel Mérieux.

◼ Ollier : le père de la chirurgie ostéo-articulaire et réparatrice (1830-1900), Fischer, Fessy, Bejui, Chavane, Papin, Chatelet, Eyraud.

 

Exposition

◼ Musée d’Histoire de la Médecine et de la Pharmacie de Lyon, Université Claude Bernard (8, avenue Rockfeller 69373 Lyon Cedex 08). 

 

Nota Bene

1 Opération chirurgicale qui consiste à couper, à retrancher.
2 Louis, Xavier, Léopold, Edouard. Ollier souhaitait n’être désigné que par son patronyme. Dont acte. 
3 Le second est le parisien Malgaigne (1806-1865).
4 Membrane conjonctive et fibreuse qui constitue l’enveloppe des os. 
5 Le premier prix étant décerné à Pasteur.
6 Qui empêche la putréfaction en détruisant les microbes (eau oxygénée, formol, permanganate…) 
7 L’asepsie empêche l’introduction de microbes dans l’organisme (stérilisation, pasteurisation…) 
8 Destot,  aussi sculpteur, réalise la célèbre statue d’ Oliier consolant une mère qui lui présente son enfant 
9 Au lieu des amputations 
10 En récupérant les mouvements articulaires