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Collaborations & partenariats : quelle place pour le secteur privé ?

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Étude

Depuis plusieurs décennies, la politique en matière d’enseignement supérieur et de recherche vise à redessiner le paysage universitaire français à l’aune notamment de deux grands enjeux : comment faire face aux vagues successives de massification des étudiants (1968, années 1990 puis 2000) ?
Comment être visible et attractif en termes de formation, de recherche et de financements sur des scènes nationale et internationale de plus en plus compétitives et dont les divers classements internationaux ne distinguent pas particulièrement la France ?

Faire ensemble semble avoir été l’option plébiscitée tant par les pouvoirs publics que par les établissements privés, et la Métropole de Lyon souhaite comprendre ce phénomène, qui lui donnerait des clés d’analyse, d’anticipation de postures antagonistes ou complémentaires des stratégies publiques, et viendrait étayer des décisions d’en soutenir ou d’en initier certaines.

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Date : 11/03/2021

L’essentiel

 

La dynamique collaborative est l’outil fondamental de la réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche français (ESR). Faire ensemble doit permettre de répondre à la fois aux enjeux d’attractivité et de compétitivité de l’offre académique sur la scène internationale mais aussi à l’enjeu de massification des études supérieures. L’avenir est à la différentiation et la spécialisation territoriale, et seule une dynamique forte de collaboration entre les acteurs publics, mais aussi privés, d’un même territoire est supposée à même d’y arriver. L’enseignement supérieur (ESP) développe des collaborations avec les acteurs de l’ESR sous l’impulsion de dispositifs nationaux (PRES, ComUE, etc.), avec les collectivités locales, avec les acteurs économiques et de la société civile et enfin, avec d’autres établissements de l’ESP.

Avoir de la visibilité sur les collaborations de l’ESP, ce qui les motive ou les freine, est important pour la Métropole : cette connaissance lui donnerait des clés d’analyse, d’anticipation de postures et stratégies antagonistes ou complémentaires des stratégies publiques, et viendrait étayer des décisions de soutenir ou d’initier certaines collaborations.

 

Principaux enseignements :

 

  • Depuis 2006, les acteurs de l’ESR ont été financièrement incités puis contraints, via différents dispositifs, à développer des collaborations afin de rendre leur offre académique plus visible et compétitive aux échelles nationale et internationale. Invité à participer activement à ces collaborations, l’ESP peine à trouver sa place, car le cadre, très formel et calqué sur le modèle de gouvernance universitaire, n’est pas adapté à son modèle. L’ESP participe tant que cela ne remet pas en cause son autonomie fonctionnelle et décisionnelle. L’évolution de ces cadres priorisant le projet et laissant aux acteurs le soin de déterminer les modalités de fonctionnement devrait faciliter la présence de l’ESP dans ces dispositifs.
  • L’ESP est un partenaire traditionnel des acteurs économique. Ses relations privilégiées sont toujours mises en avant comme argument de qualité de la formation et de son adéquation aux métiers contemporains. Cette proximité serait garante d’une bonne insertion professionnelle des étudiants. L’ESP est aussi perçu par le monde économique comme davantage outillé pour répondre à ses attentes : meilleure compréhension de ses contraintes et besoins puisque l’établissement est lui-même une structure privée, qu’il est en lien avec le terrain via les stages, souplesse de gestion, domaine de formation proche des fonctions supports des entreprises (management, communication, digital, etc.). En l’occurrence, l’ESP est réactif pour développer des cursus sur des nouvelles filières ou des métiers émergents (hier l'informatique, le marketing, la communication ; aujourd'hui le design, le Web, l'hôtellerie, la restauration, le luxe, l'économie solidaire ou le développement durable). L’ESP n’hésite pas à co-construire des cursus avec des acteurs locaux pour répondre à des besoins non-couverts. Ces bonnes relations lui permettent de proposer de nombreux cursus en alternance. Cela vaut aussi pour l’offre de formation à destination des salariés, ou encore la collaboration autour de projets de recherche appliquée. Mais ces relations ont aussi leur limite quand l’ESP utilise les stages comme un substitut d’une formation théorique qu’il ne dispense pas.
  • Les collaborations entre établissements de l’ESP sont nombreuses et variées : délivrance de titres reconnus par l’État, développement d’une identité sectorielle avec volonté de construire des communautés étudiantes ayant la capacité de se muer en communautés professionnelles, développement d’une identité de marque dépassant l’identité de chaque école pour s’implanter sur des campus en région ou à l’étranger, création de passerelles entre cursus d’un même groupe, à l’instar du public. Enfin, face à la multiplicité et la complexité de l’offre académique, notamment privée, des collaborations souples se développent, non pas dans une logique territoriale mais autour de valeurs communes, comme l’excellence (Ivy League américaine, du Russell Group anglais ou du U15 allemand). Les coopérations visant essentiellement une rationalisation des coûts se sont souvent soldées par des échecs.
  • Des collectivités ont mis en place des aides à destination des étudiants de leur territoire. Certaines d’entre elles sont destinées aux étudiants des établissements privés ayant passé des accords avec la collectivité.

 

Question prospective : la convergence des statuts publics et privés : un caillou dans la chaussure des collaborations entre privé et public ?

 

La convergence du statut des établissements publics vers ceux du privé amorcée depuis 2007 avec la loi d’autonomie tend à s’accélérer fortement avec les dispositions de l’avant-projet de la loi française de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) , l’arrêté du 27 janvier 2020 relatif au cahier des charges des grades universitaires de licence et de master, ou encore les préconisations du rapport du Sénat sur la prise en compte de la performance dans le financement des universités via les collaborations avec les acteurs économiques (2019). Cette convergence est vue comme un outil au service de la compétitivité des établissements publics, mais ne va-t-elle pas détricoter, d’une part le modèle républicain de l’université, et d’autre part ce qui fait la singularité des deux secteurs, et partant de là, leur complémentarité ? Chercher l’uniformisation des modèles met de côté la richesse des collaborations possibles issues de la différence. Cette tendance ne va-t-elle pas se traduire par une réduction de l’offre ouverte aux étudiants, et inciter les établissements à passer de la « coopétition » à la franche compétition ?

 

Enjeu pour la Métropole : développer des aides ciblant les étudiants de l’ESP ?

 

La Métropole doit-elle investir des moyens (humains, financiers, etc.) pour participer à des dispositifs collaboratifs censés apporter compétitivité, rayonnement et excellence, quand bien même le modèle promu par ces réformes ne correspond en rien aux modèles dont il s’inspire et ne tient, pour le moment, pas vraiment ses promesses ?

L’action de la Métropole ne gagnerait-elle pas plutôt à se centrer sur les étudiants ? En matière d’enseignement supérieur, les offres publique et privée sont davantage complémentaires que redondantes. Les étudiants qui veulent une formation courte ou spécialisée dans certains domaines (ex. arts appliqués, graphisme, gaming, etc.), ou privilégier certains modes d’apprentissage (alternance, pédagogie de groupe, etc.) n’ont pas vraiment le choix de leurs écoles. Dans le cadre de sa politique étudiante, la Métropole pourrait réfléchir à la mise en place d’aides à destination des étudiants, qui pourraient aussi concerner les étudiants de l’ESP : prise en compte des frais d’inscription, des contraintes de stages en entreprise ou à l’étranger, etc. S’inspirant des collectivités qui le pratiquent, elle pourrait aussi développer des partenariats spécifiques avec certains établissements privés. Il faudrait alors voir quelles sont les contreparties négociées, à quels objectifs répondent ces conventions, dans quel contexte elles ont été élaborées et comment elles sont mobilisées par les étudiants. Par exemple, les aides du conseil départemental et des collectivités de la Mayenne auprès des étudiants de certaines écoles d’ingénieurs privées ont-elles un impact décisif sur leur choix d’orientation ?

À l’instar de ce qui se passe dans le primaire et le secondaire, l’ESP, confessionnel ou laïque, pourrait-il être un outil pour développer une offre d’enseignement supérieur à destination des jeunes précarisés (jeunes migrants) ou sur les territoires en QPV ? Cette dynamique revitaliserait toute une tradition de développement de l’ESP, notamment d’écoles d’ingénieurs, mue par l’égalité des chances et la lutte contre le déterminisme social.