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La métropolisation de l’action publique : impacts sur l’action sociale

Photo d'un goutte d'eau

Texte de Robert Lafore

Du cadre général aux impacts sur l’action sociale

Depuis 2010 la loi tente d'imposer "la métropole" comme une nouvelle institution et de la faire advenir dans les faits. Avec la loi "de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles" (MAPAM du 27 janvier 2014), neuf métropoles dites de "droit commun" sont créées. Pour comprendre cette novation au niveau global du système administratif décentralisé l'auteur, Robert Lafore, en décortique les motifs et les finalités qui la commandent, tente d'en apprécier la mise en œuvre législative et cernent les effets potentiels surle domaine particulier de l'action sociale. Cette analyse fouillée, qui ne traite pas du cas particulier de la métropole de Lyon, laisse cependant entrevoir toute l'importance historique d'une décision en rupture avec la seule approche intercommunale.

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Date : 12/03/2015

Les dénominations choisies pour les lois ne sont rien moins que des ornements formels dénués de sens : si l’on attache à ce dernier terme une double portée, à la fois de « direction » et de « signification », ces intitulés législatifs ont toujours revêtu un contenu problématique (quel est le problème que l’on entend régler ?) et une dimension de projection (vers où entend-on aller ?). 
Il en est forcément de même pour la loi « de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles » (acronyme MAPTAM) du 27 janvier 2014. La première partie du titre, dans la volonté affirmée de « moderniser l’action publique territoriale », repose ainsi sur un constat implicite : cette dernière ne serait donc pas « moderne », à savoir sans doute adaptée à notre époque, et il s’agirait d’y remédier. La seconde partie de l’intitulé de la loi, qui seule est prise en compte par les développements qui suivent, entend « affirmer » les métropoles. Qu’est-ce à dire ?  Sans doute faut-il entendre cette « affirmation des métropoles » comme l’intention de les instituer avec force et détermination. Une « affirmation » qui, renouant avec une dimension purement performative de la loi, voudrait imposer la nouvelle institution et la faire advenir dans les faits. Mais alors pourquoi cette impérieuse nécessité, déjà prise en compte sans succès en 2010 (loi du 16 décembre 2010) puisque la réforme a été abandonnée par la nouvelle majorité politique élue en 2012 1 ?

Tel est le fil qu’il convient de tirer pour situer ces nouvelles métropoles dans le système politico-administratif territorial et pour en percevoir les enjeux : il s’agit bien d’une novation sensiblement décalée dans l’héritage institutionnel local, dont l’affirmation va procéder d’une ingénierie extrêmement complexe, contrepartie inévitable de sa faible légitimité initiale. On se situe bien quelque part entre la méthode du bon docteur Coué, maître de la prophétie auto-réalisatrice, et le souci d’en dépasser les probables limites en enserrant la réalité dans un écheveau procédural censé la transformer. 
Il convient donc de situer cette novation au niveau global du système administratif décentralisé, tout d’abord en essayant d’apercevoir les motifs et finalités qui la commandent, pour ensuite tenter d’en apprécier la mise en œuvre législative et enfin pour en situer les effets potentiels sur le domaine particulier que constitue l’action sociale.

 
1- Une concession à la nécessité

Si les pouvoirs publics entendent « affirmer » les métropoles, la question qui vient d’emblée est bien celle de savoir quelles en sont les raisons. Ou, en sens inverse, quelles sont les limites et les incomplétudes des entités territoriales existantes qui, prises en défaut,  justifient que l’on veuille leur substituer une telle institution ? 

Depuis le « rapport Balladur » en 2008 jusqu’à la loi MAPTAM de 2014 en passant par le texte mort-né de décembre 2010 2 , une forme de nécessité semble donc s’imposer aux pouvoirs publics, cela au-delà des clivages politiques : la « métropolisation ». De quoi s’agit-il et par là quels sont les impératifs tant externes qu’internes aux institutions publiques locales en place qui commandent cette innovation ? Depuis une vingtaine d’années les agglomérations les plus importantes sont affectées par des mutations qui d’un certain point de vue semblent dans la continuité de l’évolution urbaine des années 1950-1960, mais qui cependant paraissent suffisamment spécifiques pour qu’elles suscitent l’apparition puis le développement de la notion de « métropolisation ».
La fortune contemporaine de cette notion est effectivement liée à un constat : certains territoires urbains, en l’occurrence les grandes agglomérations, se transforment dans la façon dont ils se structurent et se lient, ou, faudrait-il dire, dont ils se structurent parce qu’ils se lient à d’autres territoires connaissant des mutations identiques. Pour résumer la quintessence du phénomène, sans doute faudrait-il parler de logiques de polarisation, l’essentiel tenant à ce que, loin de la représentation héritée du « territoire » comme espace délimité et clos, la « métropole » se présente fondamentalement comme un centre connecté vers lequel convergent mais aussi d’où partent, du fait même de cette connexion, des flux de diverses natures, ces flux constituant la substance même du phénomène et lui donnant ses potentialités de dynamisme économique et social. 

Ce que les spécialistes repèrent dans le phénomène de métropolisation3  consiste en effet dans la superposition de processus assez classiques, à savoir la constitution d’un centre de pouvoir commandant un espace qui lui est subordonné (extension d’un tissu péri-urbain, du mode de vie urbain, polarisation économique faisant converger les activités vers l’agglomération et dépendance des espaces adjacents constitués en périphéries), ce qui est au fond constitutif du phénomène urbain4 dans ses formes les plus anciennes, avec des logiques radicalement nouvelles : concentration des activités de commandement économique, politique et culturel, surtout sous la forme de fonctions tertiaires supérieures de haut niveau, polarisation de la capacité d’influence et d’attractivité, multiplication des réseaux d’interrelations par connexions avec d’autres centres urbains de même niveau, tout cela selon une logique à la fois d’autonomisation par rapport aux espaces proches et au contraire de connexions renforcée avec les pôles extérieurs. De la logique ancienne, la métropole contemporaine hérite du phénomène de croissance quantitative des populations et des activités, mais sa nature inédite tient dans ce que le processus n’opère plus principalement par la domination des périphéries mais par les interactions avec des entités extérieures de même nature. Le phénomène métropolitain contemporain renverse en fait le socle de la dynamique urbaine traditionnelle : ce n’est plus la maîtrise d’un territoire adjacent et la capacité en en capter les ressources où à en dominer les besoins qui constitue la puissance bien que cette dimension reste présente à titre d’effet du processus, mais c’est dorénavant la capacité à s’inscrire dans des flux réticulaires extérieurs et à les maîtriser. Il s’agit non plus seulement d’une « ville-centre », mais de « ville-monde » ou à tout le moins de ville de « taille européenne »5 , concentrant les ressources décisives dans une économie globalisée6  : centres de commandement économiques, financiers, culturels, universitaires ; activités tertiaires à haute valeur ajoutée ; recherche et développement ; fort pouvoir d’impulsion et d’organisation d’activités projetées vers l’extérieur ; main d’œuvre qualifiée et emplois stratégiques ;  inclusion dans des réseaux connectant aux entités de niveaux européen et mondial  ; capacités d’interface assurant un rayonnement et une attractivité forte. 

Le phénomène de métropolisation, entendu donc selon les grandes caractéristiques esquissées ci-dessus, s’est ainsi progressivement imposé comme une donnée pour les spécialistes. Pour les décideurs politiques sa prise en compte ne s’est opérée que progressivement et finalement assez tardivement7 , cela dans une tension entre d’un côté la constatation de son caractère inéluctable8  et de l’autre la nécessité de maîtriser un processus considéré néanmoins comme très perturbateur. En effet, le phénomène invalide les montages des collectivités et des territoires tels qu’ils sont établis dans le système politico-administratif local. On peut à cet égard mettre en évidence au moins deux spécificités de la « métropolisation » qui ne permettent pas de l’articuler simplement et sans difficultés au système de décentralisation hérité. 

La première concerne la nature même de la « métropole » : s’agissant d’une entité complexe, où sont reliés et interdépendants une multiplicité d’éléments économiques, sociaux, culturels, qui procède de l’intégration de dynamiques multiples et enchevêtrées, qui s’organise sur des connexions entre pôles proches et lointains, on perçoit bien que ces formes sociales et politiques nouvelles sont en total décalage avec la conception traditionnelle des « territoires » ou du « local » tels que construits avec la stabilisation de l’Etat national décentralisé ; ce dernier se projette sur des espaces qu’il délimite, contrôle, administre et équipe selon une logique verticale, descendante et sectorielle se concrétisant dans des découpages et des cloisonnements d’administrations et d’activités juxtaposées ; dans ce cadre s’impose la similarité et la reproductibilité à l’identique des services, les logiques bureaucratiques d’essence réglementaire, la hiérarchie comme forme d’intégration des pouvoirs, les découpages fonctionnels qui distinguent et séparent l’économique, le social, l’éducatif, etc… La métropolisation prend à revers ces conceptions car elle repose au contraire sur des logiques réticulaires, fluides, transversales, qui mettent en interactions les activités et les politiques et qui supposent une adaptabilité permanente ; loin de chercher une superposition stricte d’espaces physiques enfermés dans des limites préétablies et des politiques sectorielles qui y sont développées, loin d’assigner à résidence des populations et des activités pour en assurer le contrôle et/ou en soutenir le fonctionnement, il s’agit davantage de dynamiques auto-générées par des systèmes d’acteurs divers mis en synergie dans lesquels les connexions et les coopérations priment les distinctions fonctionnelles. La métropole constitue un nouveau concept de « territoire », en décalage fort avec le « local » hérité du vieux modèle républicain. 

La seconde spécificité de la métropolisation, au-delà de sa nature, tient au mode de fonctionnement qui en découle. Fondamentalement, il ne s’agit plus dans ces espaces de développer des politiques publiques descendantes, plus ou moins réparties entre des collectivités relativement autonomes en charge de les mettre en œuvre, le tout avec une relative adaptation localisées assurée par compromis entre notables locaux et représentants de l’Etat, tout cela constituant le modèle de décentralisation en vigueur ; il convient plutôt de susciter des dynamiques constituant les espaces métropolitains en entités politiques, c’est-à-dire en communautés d’habitants et d’acteurs appelés à produire un intérêt qui leur est commun et à mobiliser les ressources permettant de le mettre en œuvre. La métropole requiert donc l’élaboration d’une substance qui lui est propre, une substance singulière qui est au résultat d’une capacité à comprendre en son sein et à l’égard de l’extérieur les logiques d’interdépendance qui relient l’économique et le social, l’éducation, la formation et le dynamisme collectif, le logement, l’urbanisme et l’attractivité des espaces, les activités culturelles et la cohésion, etc… Bref, rien d’autre qu’une mise en relation systématique de ce que le modèle hérité au contraire distingue, répartit, cloisonne, le tout avec une requête inédite d’autonomie qui invalide l’intégration par la hiérarchie et la subordination du modèle antérieur. 
La métropolisation est, dans ses potentialités, le point d’application le plus significatif de la crise du modèle d’administration publique locale. Reste à s’interroger sur la façon dont cette contrainte a été apprivoisée au travers de son institutionnalisation. 

 

2- De nécessité faire loi

Après que le rapport Attali l’ait évoquée en 2008, c’est le rapport Balladur9  qui avance pour la première fois l’idée de création de onze métropoles en France, à quoi s’ajoute la création d’un grand ensemble intégré pour la région parisienne. Le gouvernement Fillon le suit en prévoyant dans son projet de réforme de l’administration déconcentrée la création d’une nouvelle collectivité à statut particulier, la « métropole », une dizaine d’entre elles devant être créées d’office par la loi : cette collectivité doit absorber sur son territoire l’ensemble des intercommunalités existantes et reprendre les compétences départementales : il s’agit de doter le pays de pôles urbains de dimension européenne, puissants sur le plan économique et intégrant un ensemble de fonctions les rendant aptes à figurer efficacement dans les grands flux d’échanges internationaux. Finalement, la loi du 16 décembre 2010 sera en retrait par rapport à cette première mise en forme : il ne s’agit pas d’une collectivité territoriale mais simplement d’un nouvel établissement public de coopération intercommunale, créé sur la base du volontariat dans les agglomérations de plus de 500 000 habitants, dont les attributions de plein droit transférées des départements sont limitées (transports scolaires, voiries, zones d’activités), les autres domaines supposant un accord de ces derniers. Ce montage passera tel un songe dans notre système institutionnel local10 , mis en cause par la nouvelle majorité élue au printemps 2012. 
Cela n’empêche pas cette dernière de reprendre et d’assumer l’idée de « métropole », à telle enseigne d’ailleurs qu’elle a voulu, selon l’intitulé même de la loi MAPTAM de janvier 2014, procéder à son « affirmation ». 

Le caractère obligatoire de la nouvelle structure réapparaît puisque tous les territoires de plus de 400 000 habitants situés dans une aire urbaine de 650 000 habitants doivent en constituer une. 
Il s’agit d’une forme d’intercommunalité, certes plus intégrée, mais qui prend place statutairement, à l’exception de celle de Lyon également créée par la loi de 2014 11 , dans la catégorie des établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre. A côté du droit commun 12 , et outre Lyon, la métropole d’Aix-Marseille et celle du Grand Paris disposent d’un statut particulier 13.
La loi en donne une définition 14 : la métropole est « un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social du (de leur) territoire afin d’en améliorer la cohésion et la compétitivité et de concourir à un développement durable et solidaire du territoire régional. Elle valorise les fonctions économiques métropolitaines, ses réseaux de transport et ses ressources universitaires, de recherche et d’innovation, dans un esprit de coopération régionale et interrégionale et avec le souci d’un développement territorial équilibré. »

Enfin, avec des variantes selon qu’il s’agit du droit commun ou des statuts spécifiques concernant le Grand Paris, Aix-Marseille-Provence ou Lyon, un ensemble d’attributions sont confiées aux métropoles. La liste en est longue et complexe, aussi n’est-il pas opportun de la reprendre ici. On s’en tiendra à deux séries de remarques : d’une part la métropole absorbe de nombreuses compétences communales et cela de façon automatique ce qui manifeste une volonté d’intégrer fortement les communes membres dans une vision métropolitaine des politiques publiques ; d’autre part, la métropole peut potentiellement absorber de nombreuses attributions des départements, des régions et de l’administration déconcentrée de l’Etat, mais cela est alors soumis à une procédure consensuelle par laquelle ces attributions ne lui sont confiées que si elle en fait la demande et que si, en conséquence, une convention peut être établie entre elle et les collectivités publiques concernées 15

De ce cadre rapidement esquissé que retenir de cette institutionnalisation de la métropole par la loi du 27 janvier 2014 ?
Tout d’abord, sur le plan organique un double constat fait sens. La métropole tente de s’encastrer, sans le bousculer, dans le cadre du système politico-administratif existant. 
Le choix de l’EPCI qui domine en dehors du cas lyonnais, et donc l’exclusion du recours au concept de « collectivité territoriale », poursuit certes le lent mouvement d’intégration fonctionnelle des collectivités territoriales existantes (communes essentiellement) 16 , mais en préservant ces dernières de la double concurrence que ne manquerait pas de leur imposer cette nouvelles structure si elle était constituée en collectivité territoriale de plein droit : concurrence de légitimité car l’élection directe des conseils serait inévitable et concurrence fonctionnelle car une collectivité territoriale n’obéit pas au principe de spécialité qui s’impose au contraire à l’établissement public 17. Le choix de l’établissement public comme forme de droit commun des métropoles manifeste donc la volonté de les situer dans le modèle politico-administratif territorial hérité en les cantonnant dans une logique essentiellement fonctionnelle (ces structures sont conçues comme des instruments permettant à des collectivités de gérer en commun leurs compétences) et donc par-là peu dotée en substance politique (ce qui justifie alors que la gestion soit remise à des représentants des collectivités membres). 
Toujours sur le terrain organique, la multiplication des statuts de métropoles avec un droit commun et des structures disposant de statuts spécifiques met en évidence le caractère volontairement marginal de cette nouvelle institution. Il s’agit davantage d’accompagner des espaces où le processus métropolitain est engagé et de l’encadrer que de créer un cadre véritablement nouveau pour penser différemment les territoires et leurs modes de fonctionnement ; la métropole de ce point de vue constitue bien davantage une adaptation à la marge du modèle existant, consistant dans un relatif contournement des collectivités en place, qu’elle n’est la concrétisation d’un projet global de refondation du système politico-administratif local. 

Ensuite, sur le terrain fonctionnel, les nouvelles métropoles tentent de prendre en compte les logiques à l’œuvre dans le processus de métropolisation en procédant fondamentalement à une intégration forte des attributions antérieurement dispersées entre les échelons communal, départemental, régional et l’administration déconcentrée de l’Etat. Il s’agit là, en potentialité, de réunir dans un même espace, l’ensemble des attributions pouvant constituer des politiques publiques intégrées (économie, social, formation, logement, aménagement, urbanisme, culture, etc…) alors qu’elles obéissent encore au principe de répartitions sectorielles cloisonnées. Cela dit, l’intégration est relative : elle est obligatoire en ce qui concerne les communes membres de la métropoles, cela conduisant à une perte indéniable de substance de l’échelon communal au profit du niveau métropolitain ; elle est facultative en ce qui concerne les transferts en provenance des autres collectivités publiques (Etat, département et région) puisque qu’ils procèdent d’un dispositif contractuel par lequel les collectivités maîtrisant ces diverses attributions peuvent ou non en déléguer la mise en œuvre à l’échelon métropolitain . On le voit, le processus d’intégration par la métropole d’un large ensemble de compétences 18 qu’elle pourra alors relier les unes aux autres pour en assurer une mise en œuvre transversale et décloisonnée, ce qui est l’essence même du phénomène métropolitain, n’est que partiel, le système restant là encore au milieu du gué : d’un côté on voit bien qu’il s’agit de ne pas affecter radicalement les équilibres antérieurs mais de l’autre on entend néanmoins ouvrir le jeu pour impulser un mouvement de transformation qui ferait de la métropole un acteur véritablement novateur dans la structuration des activités et par-là des dynamiques des territoires concernés.

La nécessité, qui s’incarne ici dans le développement de logiques métropolitaines structurant les flux de toute nature constitutifs des processus contemporains d’urbanisation, dont une grande part sont transnationaux, oblige à une prise en compte du phénomène car le risque de la marginalisation des pôles urbains français est fortement ressenti ; mais, la voie de l’adaptation marginale du système local s’est imposée faute de pouvoir sur ce terrain comme sur bien d’autres enclencher des logiques de véritable changement. La métropole de la loi du 27 janvier 2014, comme sa devancière de 2010, constitue donc une forme de compromis entre le maintien du système existant que l’on se contente d’adapter à la marge et la volonté d’impulser néanmoins les mutations qu’appelle le contexte. 
Ce choix du contournement de problèmes que l’on ne parvient pas à régler peut se révéler hasardeux. Le plein succès de l’expérience peut paraître en effet douteux : du fait d’une part que ce nouvel établissement public, restant une forme de confédération de communes pour ne pas avoir réglé clairement la question de l’effacement communal qui est inéluctable, repose sur une ingénierie organisationnelle d’une grande complexité et très opaque 19  ce qui ne peut que porter atteinte à une légitimité déjà faible faute d’une élection directe des responsables ; du fait d’autre part que ces métropoles se créent sans que leurs conséquences sur les autres collectivités territoriales n’aient été prises en compte, notamment les départements 20  et les autres intercommunalités, ce qui pose le problème de l’articulation entre les territoires et des mécanismes pensables pour les mettre en relative solidarité ; fondamentalement, sur ce plan, c’est l’ensemble de la doctrine de l’Etat décentralisé qui est en cause : comment penser les pouvoirs et leurs rapports au divers niveaux de la structure politique et administrative, cela déterminant une conception de leurs attributions et compétences 21 . Sans préjudice du fait enfin que, si l’on s’en tient aux critères relatifs au phénomène de métropolisation tant au niveau mondial qu’européen, il n’y a pas en France quinze métropoles qui puisse les satisfaire ; et il est douteux que le montage institutionnel de la loi du 27 janvier 2014 parvienne à les placer au niveau minimal requis ; le volontarisme jacobin, à moins qu’il ne s’agisse de la méthode Coué, risque une nouvelle fois de décevoir…

 

3- La métropolisation de l’action sociale

Si l’on considère maintenant le domaine de l’action sociale, quel peut être l’impact de la création des métropoles sur ces dispositifs de nature assistancielle qui concernent, dans leur noyau central diverses catégories de publics dits « en difficultés » (enfance sous protection publique, personnes âgées, personnes en situation de handicap, personnes « démunies ») et en cercles concentriques plus ou moins rattachés les politiques d’accès au logement, aux soins, à l’emploi, à la justice 22

La réponse à cette interrogation peut revêtir deux dimensions : la première consiste à faire le point, sur le fondement de la loi MAPTAM du 27 janvier 2014, des attributions remises (ou pouvant l’être) par ce texte au nouvel établissement public, puisque, potentiellement, une part significative des politiques entrant dans ce champ peuvent se retrouver dans son giron ; la seconde, de nature plus prospective concerne les effets possibles de ces transferts en ce qui concerne le modèle d’action sociale lui-même, à savoir la façon dont les problèmes qui y sont traités et, en retour, les modes organisationnels peuvent être affectés.
 
En ce qui concerne la première approche et comme indiqué ci-dessus, la loi fait obligatoirement basculer dans le champ d’attribution de la métropole un ensemble d’attributions sociales en provenance des communes membres, le nouvel établissement de coopération intercommunal les exerçant alors de plein droit 23. On peut les ranger en quatre pôles. Dans le domaine de la protection de l’enfance, notamment sur le volet de lutte contre la délinquance des mineurs, la métropole doit prendre en charge les dispositifs locaux de prévention de la délinquance et plus largement d’accès aux droits. Dans le champ de la politique du logement la métropole distribue les aides et organise les actions en faveur du logement social et plus spécifiquement des personnes défavorisées à cet égard ; elle intervient aussi pour ce qui a trait à l’amélioration du parc immobilier et à la réhabilitation/résorption de l’habitat insalubre ; elle a en responsabilité l’aménagement, l’entretien et la gestion des aires d’accueil des gens du voyage. C’est la métropole qui est substituée aux communes pour la mise en œuvre de la politique de la ville (programmes entrant dans ce champ et insertion par l’activité économique). Enfin, à un niveau plus large, les activités et structures de développement social, tels les centres socio-culturels et socio-éducatifs entrent dans son champ d’attribution. Autrement dit, un ensemble de domaines relevant des communes antérieurement et concernant soit l’action sociale au sens restreint du terme (protection des mineurs délinquants) soit qui lui sont adjacents bien que de plus en plus stratégiques du fait du développement des politiques d’insertion (hébergement et logement, politique de la ville, développement social urbain), entrent dans le champ d’action des métropoles. 
Des attributions d’action sociale peuvent être déléguées aux métropoles par le département 24. Selon les termes de la loi, « par convention passée avec le département, à la demande de celui-ci ou de la métropole, la métropole exerce à l'intérieur de son périmètre, en lieu et place du département, tout ou partie des compétences » dont le texte fixe la liste.  Il s’agit de l’'attribution des aides au titre du fonds de solidarité pour le logement ; de missions confiées au service public départemental d'action sociale ; de l'adoption, de l’adaptation et de la mise en œuvre du programme départemental d'insertion ; d’actions de prévention spécialisée auprès des jeunes et des familles en difficulté ou en rupture avec leur milieu ou encore d’aide aux jeunes en difficulté. Le département peut en outre transférer à la métropole ses compétences en matière de personnes âgées et d’action sociale ou une partie d’entre elles. Si l’on résume, les attributions départementales sont transférables potentiellement en matière de logement, d’accueil et de suivi des personnes à un premier niveau d’intervention (service départemental d’action sociale), de prévention spécialisée, d’insertion (PDI), d’aide aux jeunes et enfin d’interventions en direction des personnes âgées, cela par accord entre la métropole et le département dans lequel elle se situe. 
Enfin, la région n’ayant en matière d’action sociale aucune attribution (elle n’intervient que pour la formation des travailleurs sociaux), les compétences métropolitaines peuvent être renforcée par des transferts émanant des services extérieurs de l’Etat. Ce dernier procède alors, à la demande de la métropole, à des délégations par convention. Les domaines concernés touchent aux politiques d’accès au logement et à l’hébergement. Sur le premier plan il s’agit de l’attribution des aides au logement ainsi que des aides à l’habitat privé (par délégation de l’ANHa) à quoi se rattache obligatoirement alors la garantie du droit à un logement décent (dispositif DALO) 25  ; à cela peut s’ajouter la mise en œuvre des procédures de réquisition avec attributaire entrant dans le champ de l’accès au logement pour les populations défavorisées ainsi que la délivrance des agréments aux organismes HLM concernant l’aliénation de logements. Sur le second, cela concerne les dispositifs d’hébergement d’urgence et d’accès au logement qui leurs sont liés : veille sociale et accueil, aide sociale à l’hébergement, accompagnement vers le logement, financement des organismes et dispositifs d’accès au logement. 
Y-a-t-il dans ces transferts, soit obligatoires (communes vers métropole), soit négociés (département et Etat vers métropole), une cohérence d’ensemble qui préfigurerait une sorte de doctrine quant au rôle que l’on entend faire jouer à la métropole et  de là, quant à une conception implicite de l’action sociale si l’on veut bien considérer que le champ se scinde dorénavant en deux ensembles, celui relevant des métropoles et celui relevant des autres acteurs (essentiellement département et Etat). 

Si l’on tente de regrouper cette liste d’attributions qui présentent à première vue un caractère disparate et peu cohérent, apparaissent trois pôles d’attraction qui pourraient leur conférer une certaine structure : le volet « insertion » qui certes ne concerne pas, loin de là, l’ensemble des dispositifs en relevant (notamment le RSA ainsi que les politiques d’insertion professionnelle restent à l’écart), mais dans lequel on confie (ou on peut confier) néanmoins à la métropole un premier niveau d’intervention sociale (le service social départemental), l’aide aux jeunes et, surplombant le tout en principe, la réalisation du « programme d’insertion » ; un volet « logement » assez fourni qui va de certains instruments permettant de participer à la construction d’une politique du logement (aides à la réhabilitation et agréments pour l’aliénation des HLM)26  jusqu’à la maîtrise potentielle presque complète des dispositifs d’accès au logement des populations dites « défavorisées » (FSL, Dalo, réquisitions, structures d’hébergement et d’accès au logement) ; enfin un volet « développement social », qui jouxte le domaine de l’insertion par le transfert des dispositifs de prévention de la délinquance et la prévention spécialisée, mais qui acquiert une consistance réelle avec la politique des équipements socio-culturels et surtout avec la politique de la ville. 

L’ensemble le plus massif et le plus cohérent est sans nul doute ce qui concerne la politique du logement ; ces attributions sont transférées depuis les communes ce qui leur confère une forme de logique puisque la métropole est statutairement un établissement public de coopération intercommunale. Relié avec les attributions lui permettant de maîtriser la politique d’urbanisme, la métropole se voit confier la prise en compte des effets dysfonctionnels, ségrégatifs et à fort potentiel d’exclusion que comportent ces politiques en devant prendre en compte l’accès au logement des personnes qui en sont exclues ou qui ne disposent pas de logements de qualité ou encore sont en difficultés pour assumer les obligations attachées à l’usage d’un logement ; on aperçoit ainsi une forte métropolisation des politiques de contrôle de l’usage des sols jusqu’à leur conséquences négatives en matière de logement, au travers des dispositifs destinés à gérer les effets sociaux de ces politiques. 
Autre pôle paraissant lui aussi assez cohérent, notamment parce qu’il est en lien avec le précédent, est ce qui inclut les politiques de développement social, notamment dans ce que l’on dénomme les « quartiers défavorisés » : la politique de la ville et la politique des équipements sociaux urbains sont des instruments indéniablement liés, dans leur champ d’application spécifique, aux politiques d’aménagement urbain et de lutte contre les ségrégations sociales et l’exclusion qui sont générées par les logiques résidentielles qui s’imposent à certaines populations. Là encore, il s’agit principalement d’attributions appartenant déjà au « bloc communal ».
Le volet’ « insertion » avec ses aspects d’aide sociale traditionnelle est d’une logique moins convaincante, se présentant comme un ensemble de transferts, d’abord potentiels et surtout disparates, en provenance pour la plupart du département. Les dispositifs de lutte contre la délinquance 27 , l’aide sociale à l’hébergement en provenance de l’Etat, l’aide aux jeunes, le service social départemental, le plan local d’insertion, tout cela ne donne guère les moyens de constituer des politiques métropolitaine cohérentes et novatrices, puisque qu’il s’agit d’éléments partiels inclus dans l’action sociale départementale d’une part et que d’autre part, si l’on voulait en avoir une vision moins réparatrice et plus préventive, il faudrait les connecter à d’autres domaines, essentiellement l’éducation, la formation et l’emploi, qui sont maîtrisés ailleurs…. Il s’agit davantage d’un conglomérat d’attributions qui restent prises dans les logiques sectorielles antérieures. Et que dire du possible transfert vers la métropole de la politique de « troisième âge », ce qui revient à réinscrire dans le « bloc communal » des politiques qui lui ont échappé du côté de l’offre d’établissements mais dont il est encore fortement partie prenante ? Sur ce troisième ensemble de transferts, à les supposer réalisés, on retrouve une logique de répartition d’attributions fonctionnelles, certes requérant sans doute une mise en œuvre de « proximité », mais fortement structurées et dépendantes d’acteurs extérieurs en terme de financements et de réglementations. 

Au fond, la métropole semble surtout outillée pour maîtriser son territoire, y répartir les activités, en contrôler les usages et les équiper. Avec le versant social, on lui confie le soin de prévenir ou de maîtriser les effets dysfonctionnels de ces politiques, cela au travers de l’accès au logement et de la politique de la ville. C’est déjà ça, mais pour le reste des transferts sociaux, il s’agit de segments de politiques que l’on fait descendre ou remonter vers les métropoles, dans un cadre en réalité inchangé parce que dépendant d’acteurs extérieurs et définies de façon sectorielle et cloisonnée. 
Or c’est là que se joue le potentiel impact des métropoles. On en a repéré les tensions originaires : d’un côté la poussée vers une vision systémique des politiques publiques poussant à les décloisonner et à les intégrer pour maîtriser les interdépendances et interactions entre elles, ce qui est l’essence même du phénomène métropolitain ; de l’autre la vision traditionnelle de l’action publique, de nature fonctionnelle, verticale et sectorielle qui s’inscrit dans la conception organique de la métropole, nouvelles structure certes, mais située comme un des éléments d’un système politico-administratif maintenu au sein duquel on redistribue des compétences dans une conception inchangée. L’enjeu était donc de doser, dans les attributions confiées aux métropoles, la logique d’intégration et la logique de simple redistribution pour doter ce nouveau niveau. Pour ce qui est de l’action sociale en particulier, la question est celle de savoir si, la logique de répartition cloisonnée des secteurs et sous-secteurs de ce domaine étant en crise28 , un nouveau modèle d’intervention de type « développement social », décloisonné et structuré à partir des politiques de droit commun (éducation, formation, emploi, logement, etc…) peut émerger. Or il apparaît bien que seules les interventions « sociales » concernant l’accès au  logement et plus largement la politique de la ville relèvent d’une logique d’intégration forte permettant potentiellement de les connecter avec les politiques d’aménagement et d’urbanisme. Les autres transferts « sociaux » font droit soit à une simple redistribution au sein du bloc communal au profit de l’établissement public de coopération intercommunale qu’est la métropole, soit à des délégations partielles dans certains secteurs traditionnels de l’aide sociale (prévention de la délinquance, aide sociale à l’hébergement, service social de premier niveau), dans l’ensemble « insertion » (jeunes, plan d’insertion) et dans le secteur personnes âgées. 
La portée novatrice de la métropole, pourtant en principe porteuse d’une vision renouvelée des politiques publiques parce qu’arrimée à une mutation de fait des formes d’organisation économiques et sociales, semble donc faible dans le domaine de l’action sociale. Plus largement, on peut se demander si finalement le nouvel établissement de coopération intercommunale ne constitue pas simplement une potentielle « super-commune », se contentant essentiellement de faire monter d’un étage les attributions et les logiques communales. Sa portée serait alors essentiellement de contourner et à terme peut-être de régler le problème de l’émiettement communal. Mais quant à peser sur l’ensemble du système politico-administratif, c’est-à-dire sur le problème de la place de l’échelon départemental et sur celui de la conception des politiques publiques, on pourrait en être très loin29 . Cela sans préjudice du fait que, toute cette ingénierie institutionnelle reposant sur des délégations conventionnelles pourrait ne déboucher sur rien… Le compromis métropolitain, novation inévitable mais tempérée par le souci de ne pas modifier substantiellement le cadre en place, pourrait donc bien se révéler pour ce qu’il est : une solution transitoire, conservatoire et finalement annonciatrice de nouvelles adaptations ultérieures.

 

Points clés

  • La métropolisation repose sur des logiques réticulaires, fluides, transversales qui mettent en interactions les activités et les politiques ;
  • Dans les métropoles de droit commun, le processus d'intégration d'un large ensemble de compétences n'est que partiel et concerne principalement les communes membres ;
  • Avec l'action sociale une métropole se voit confiée le soin de prévenir ou de maitriser les effets dysfonctionnels de ses politiques publiques.

 

Notes de bas de page

1- B. FAURE, Le rapport du comité Balladur sur la réforme des collectivités territoriales : bonnes raisons, fausses solutions ?, AJDA, 2009, p. 859 ;
M.VERPEAUX, Des ambitions aux lois ou du comité Balladur à la loi du 16 décembre 2010, AJDA, 2011, p. 74 ;
Pour un regard critique sur cette réforme, v. not . F. BOTTINI, Identité constitutionnelle de la France et réforme territoriale, AJDA, 2011, p. 1876 ;
Sur les mesures phare de la loi de 2010, v. G. LE CHATELIER, Le débat sur la clause générale de compétence est-il vraiment utile ?, AJDA, 2009, p. 186) ;
R. LAFORE, Les « territoires » de l’action sociale : l’effacement du modèle « départementaliste », RDSS, 2011, p. 5 ;
E. DESCHAMPS, Métropole et pôle métropolitain dans la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, AJDA, 2011, p. 1128 ;
N. PORTIER, La coopération intercommunale dans la réforme des collectivités, AJDA, 2011, p. 80.

2-  La seule métropole créée sur base de la loi de 2010 est la métropole Nice Côte d'Azur le 31 décembre 2011, par fusion de la communauté urbaine de Nice avec trois communautés de communes des Alpes-Maritimes

3-   S. Leroy, Sémantique de la métropolisation, L'Espace géographique, no 1/2000, p. 78.

4- Il s’agit de la signification originelle de la notion de « métropole » comme « ville-mère », à savoir centre politique, économique et culturel s’imposant soit à un espace proche qui dépend d’elle, soit à des espaces lointains comme le dénote l’usage de la notion dans le contexte de développement des empires coloniaux.

5- F. Ascher, Métapolis ou l'avenir des villes, Odile Jacob, 1995 ; S. Sassen, La ville globale: New York, Londres, Tōkyō, Ed. Descartes et Cie, 1996 ;  J-P. Leresche, D. Joye, M. Bassand (dir.), Métropolisations. Interdépendances mondiales et implications lémaniques, Genève, Georg, 1999.

6- P. Veltz, Mondialisation, villes et territoires: l'économie d'archipel, PUF, 1996

7-  E. Négrier, La question métropolitaine - Les politiques à l'épreuve du changement d'échelle territoriale , P.U.G, 2005.

8-G. Pinson, Développement territorial - Métropole : Les systèmes métropolitains français à l'horizon 2040, Futuribles, n°387, Juillet-Août 2012, p. 41.

9- Comité pour la réforme des collectivités territoriales, Il est temps de décider, Rapport au Président de la République, La Doc. franç., mars 2009.

10-   S. Braconnier, Le fantôme de la métropole, AJDA, 2011, p. 65.

11-   La métropole de Lyon constitue elle une forme dérogatoire de collectivité territoriale.

12-  Les métropoles de droit commun sont d’anciennes communautés urbaines érigées dans ce statut par décret pris sur la base de la loi du 27 janvier 2014, cela à compter du 1er janvier 2015 : Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Rennes, Rouen, Grenoble, Montpellier et Brest. Il convient de leur ajouter celle de Nice-Côte d’Azur instituée le 31/12/2011 sur le fondement de la loi de 2010.

13 - D’autres métropoles pourront se créer, cela à partir d’EPCI existant et regroupant au moins 400 000 habitants, soit qu’ils comprennent un chef-lieu de région, soit qu’ils exercent des « fonctions de commandement stratégique de l’Etat » et un « rôle en matière d’équilibre du territoire national » ; la demande pour aboutir doit mobiliser les deux tiers des communes membres représentant au moins les deux tiers de la population.

14 -  Art. L. 5217-1 I du Code général des collectivités territoriales.

15-  S. Daucé, Les métropoles hors Île-de-France à l'issue de la loi MAPTAM : compétences et organisation institutionnelle, La Semaine juridique, édition administrations et collectivités territoriales, no 8,‎ 24 février 2014, p. 4.

16-  M-C. Steckel-Assouère, (Dir.), Regards croisés sur les mutations de l'intercommunalité, Éditions L'Harmattan, coll. GRALE, 2014.

17-  De là l’importance des débats relatifs à la clause de compétence générale qui est la marque de la collectivité territoriale, collectivité non spécialisée car pouvant prendre en charge l’ensemble des intérêts locaux… Sa suppression pendant un temps a inéluctablement eu un effet de brouillage sur les distinctions entre collectivités publiques et établissements publics ; la loi MAPTAM l’a rétablie tant au profit du département que de la région (CGCT, art. L 3211-1 et L. 4433-1).

18-  En revanche, en ce qui concerne la métropole de Lyon (qui dispose d’un statut particulier dans la loi n° 2014-54), des compétences départementales nombreuses et importantes sont déléguées de plein droit du département vers la métropole (art. L. 3641-2) ; mais cette métropole est une collectivité territoriale... En ce qui concerne la région et l’Etat, la délégation de compétences à la métropole de Lyon repose sur une convention (CGCT, art. L. 4221-1-1 pour la région et L. 3641-45 pour l’Etat)

19- Une simple lecture cursive de la loi laisse perplexe en considérant l’approche extrêmement détaillée et pour tout dire byzantine du « législateur » qui organise avec un luxe de précautions et de contraintes le fonctionnement de ces nouvelles métropoles : délices des compromis qui ne peuvent fâcher personne….

20-  On va donc voir divers types de départements : les départements « ruraux » sans centre urbain d’importance, connaissant des difficultés socio-économiques le plus souvent et dont la substance dépend de plus en plus des transferts de solidarité ; les départements disposant d’un ou de plusieurs centres urbains de taille moyenne non-métropolisés où le modèle hérité de régulation va perdurer ; les départements avec une métropole dont on se demande bien alors ce qui leur restera si l’on se place naturellement non pas dans une logique de répartition d’attributions (là tout est toujours possible), mais de substance socio-politique ; le tout sous la réserve de l’avenir du département dont la disparition est pour l’heure encore programmée, mais qui requiert un large consensus, loin d’être établi et pourtant nécessaire pour réviser la Constitution dans ce sens.

21-  Or, ce de point de vue, alors que l’on institue une forme nouvelle de structure, la métropole, dont la conception repose sur un principe d’intégration large des compétences, la loi MAPTAM d’une part et d’autre part la future loi « Nouvelle organisation territoriale de la République » (NOTRe) consolide les partages d’attributions entre collectivités de niveau différents (aménagement et urbanisme aux communes, social au départements, développement économique et formation professionnelle aux régions) ; le texte du 27 janvier 2014 propose simplement de contenir les effets contreproductifs de ces cloisonnements par l’aménagement d’une complexe ingénierie organisationnelle dans une improbable tension entre « clarification des  compétences » (entendons découpages sectoriels) et « coordination des acteurs » selon l’intitulé même du titre 1 du texte ; pour la coordination, on créée une « conférence territoriale de l’action publique » réunissant l’ensemble des représentants des collectivités, un « schéma régional d’aménagement et de développement du territoire » négocié entre eux et censé donner un sens global aux politiques publiques et les ordonner les unes par rapport aux autres, puis on redonne du poids à la technique du « chef de file » dont l’efficience jusque-là n’a pourtant guère été probante ; après trente ans d’expérience de « coordination » et de « coopération » entre élus de collectivités différentes, on dispose pourtant d’une expérience qui permet de douter des possibilités réelles d’y parvenir ; à moins finalement que l’on prête aux métropoles une capacité d’entraînement qui, au travers des délégations consenties par les autres collectivités, pourraient modifier fortement la donne.

22-  M. Borgetto, R. Lafore, Droit de l’aide et de l’action sociales, Montchrestien, 9ème ed., 2015 ; L’aide et l’action sociales, La Doc. franç., Les Etudes, 2013.

23-  CGCT, art. L. 5217-2 .

24-  Ces attributions étant en revanche transférées par la loi en ce qui concerne la métropole de Lyon.

25-  La délégation de ces compétences en matière de logement et d’habitat est conditionnée par la fait que la métropole dispose d’un programme local de l’habitat qui soit exécutoire.

26-  Cet aspect étant indéniablement renforcé par le transfert à la métropole des instruments de régulation et de contrôle de l’urbanisme antérieurement aux mains des communes.

27-  Eux d’origine communale depuis l’invention des conseils de prévention de la délinquance dans les années 1980 (Rapport Bonnemaison) et surtout de la loi du 5 mars 2007 qui fait du maire une forme de « magistrat moral » surveillant les familles, ce montage ayant été finalement rien moins que probant…

28-  R. Lafore, Où en est-on du département-providence ?, Inform. soc., n° 179, 2013, p. 14.

29-  Le jugement est probablement à nuancer en ce qui concerne le cas d’espèce de la métropole de Lyon, justement d’ailleurs instituée comme collectivité locale et non comme établissement public