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Rives de Saône : aménagement artistique à Fontaines-sur-Saône

Interview de Tim BOURSIER-MONGENOT , Anne-Laure Giroud et Le Gentil Garçon

Photographie de l'oeuvre de Didier Fiuza Faustino "Trompe le Monde", située sur les Rives de Saône
"Trompe le Monde" - Rives de Saône© Didier Fiuza Faustino

<< L'idée est de créer un monde renversé, comme derrière le miroir d'Alice >>.

Entretien croisé avec les paysagistes Tim Boursier-Mougenot et Anne-Laure Giroud et l’artiste Le Gentil Garçon qui interviennent ensemble sur le site de Fontaines-sur-Saône dans le cadre du projet art public Rives de Saône. Fontaines-sur-Saône : au plus près de l’eau.

A Fontaines-sur-Saône, les maîtres d’œuvre et l’artiste Le Gentil Garçon travaillent de concert à la valorisation des Rives de Saône en proposant un projet paysager d’ensemble qui mette en valeur les éléments préexistants d’architecture et de végétation en bordure de rivière.

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Date : 19/05/2011

L’intervention paysagère : Le groupement réunissant notamment les paysagistes Tim Boursier-Mougenot et Anne-Laure Giroud aura pour tâche première d’assurer la continuité du cheminement piéton au plus près de l’eau. Il envisage la création de petites alcôves, sortes de salons de verdure, parfois réalisées à partir d’éléments remarquables de la ripisylve existante, comme des arbres singuliers. Des pontons de pêche seront aussi installés, dont la disposition perpendiculaire au courant permettra la création de petites grèves. Les rives seront à nouveau profilées pour retrouver un lien plus doux avec la rivière. (…)

L’intervention artistique : Les œuvres du lyonnais Le Gentil Garçon joueront en quelque sorte la carte du camouflage et du trompe l’œil. L’artiste investira le site de Fontaines avec quatre séries d’œuvres, élaborées sur un mode ludique et poétique, qui se fondront dans le paysage. Tout d’abord, l’Arbre à poisson éolienne, un faux arbre de près de 8 mètres de haut apparaîtra comme une sorte de mobile dont les branches porteront des poissons qui tourneront au gré du vent. Plus loin, une curieuse forêt de roseaux percera la surface de l’eau. A y regarder de plus près, le promeneur s’apercevra qu’il s’agit de cheminées d’usines miniatures. En écho aux industries que se sont développées sur l’autre rive, elles seront comme les vestiges d’une civilisation engloutie par une crue dévastatrice.

Les Souches, elles, seront en tout point semblables aux troncs d’arbres qui jonchent les bords de rivières ; à la différence que les cernes concentriques de leur coupe dessineront des motifs qui ne peuvent avoir été l’œuvre de dame nature (schéma du système solaire, empreinte digitale, etc.). Enfin, des Nœuds traditionnels, issus de cultures diverses, seront accrochés comme des tableaux aux anneaux d’amarrage encastrés dans le mur du quai. Une plaque fixée en-dessous éclairera sur la symbolique de chaque nœud.
(Source : Grand Lyon)

 

 

Quel regard, quel diagnostic, portez-vous sur le site  de Fontaine-sur-Saône sur lequel vous allez intervenir ?

Tim Boursier-Mougenot et Anne-Laure Giroud : Fontaines-sur-Saône est un site qu’on connaît bien et qui nous tient à cœur. Il y a une grande diversité biologique, différents rapports à la Saône, magistral et intime. Il se déploie en courbe concave sur 1,7 km, et est donc très exposé à la dynamique de la Saône.

Le Gentil Garçon : Le site est compliqué de prime abord. Il me semblait austère et difficile. J’y suis retourné pour me balader seul. J’ai découvert un site beau, avec des coins insoupçonnés. Du romantisme. La présence d’usines en face qui ne sont pas si laides. Ici, c’est la rivière qui imprime son mouvement, déborde parfois. Au delà de son côté dramatique, la crue, en se retirant, bouscule et poétise.

 

Comment a pris forme votre projet d’intervention artistique ?

Le Gentil Garçon : J’ai laissé filé les idées, imaginé les formes qui me venaient à l’esprit, j’ai procédé par délire onirique. L’idée est de créer un monde renversé, comme derrière le miroir d’Alice.
Enfant, j’ai le souvenir de truites sur le sol de la cuisine, quand il y avait des crues dans l’Allier où je vivais. J’ai vu une éolienne sur le site, et j’ai eu envie de créer un arbre à poissons, comme une éolienne ou une girouette. Ça s’est construit par digressions dans l’imaginaire. Je me réfère à l’onirisme japonais qui s’inspire de la nature. Avec des cheminées comme des roseaux, on change d’échelle, et on s’inclut dans le paysage. Les cheminées deviennent des éléments organiques, ils sont un lien visuel avec les usines en face.

Quand aux nœuds, ce sont des collections d’objets de curiosité, comme les souches, récupérées sur le site, sur lesquelles s’inscriront des gravures, des diagrammes circulaires.

Les paysagistes : Ce travail de collection, cette aptitude du Gentil Garçon à relever le caractère insolite des objets qui nous entourent, ça nous intéresse car il renoue avec notre intérêt pour un petit patrimoine un peu oublié qui jalonne le site et qu’on veut pouvoir faire redécouvrir aux visiteurs.

Ce site regorge d’éléments culturels et naturels forts. Les sources viennent de Caluire et forment des vasques, des concrétions calcaires naturelles dans lesquelles pousse du cresson, qui est un indicateur de pureté de l’eau. Ce site nous intéresse beaucoup car il va se transformer. On travaille avec les techniques de génie biologique, des matériels naturels (végétaux) pour renforcer les berges.

Autre élément important : le travail sur la lumière, autour notamment de l’arbre à poissons. Car il y a une grande diversité de lumières et d’ombres grâce à la végétation de ripisylve. Avec Le Gentil Garçon, on réfléchit ensemble à la position des œuvres : comment aménage-t’on autour ?

 

Le Gentil Garçon, à la Rochetaillée, votre intervention prend la forme d’une aire de jeux pour enfants. Pourquoi ?

Le Gentil Garçon : Souvent, les aires de jeux sont en matériaux synthétiques et de couleurs criardes. Ça apparaît comme exogène. J’ai eu envie de jouer là dessus. Ce site vallonné avec une prairie très large, ça m’a donné envie de creuser, d’investir la terre, de la remodeler de façon très concrète. C’est ainsi qu’est venue l’idée du cratère et de la météorite. Une pierre banale, et dedans, c’est comme une cachette, avec des inclusions de géodes de verre, des lentilles déformantes, comme un mini musée des sciences. L’aire de jeux est conçue comme un événement. Qui peut être l’objet d’une mythologie inventée. On peut raconter, inventer plein d’histoires sur son origine. Ce n’est pas un musée, mais un espace public, ce qui implique beaucoup de contraintes, et va générer des formes définitives.

 

Vous intervenez de plus en plus dans l’espace public. En quoi vos propositions sur les Rives de Saône se distinguent-elles de ce que vous réalisez par ailleurs ?

Pour l’instant, je suis surtout intervenu dans un contexte très urbain et bâti, en travaillant dans un rapport à la verticalité. La nouveauté ici, c’est qu’il s’agit d’une intervention dans le paysage, ce qui implique un rapport à l’horizontalité, au terrain, au déplacement. Il s’agit d’égréner des œuvres tout le long de la balade. Autant d’objets autour desquels investir sa propre mythologie. Il y a aussi un rapport très direct au public, une dialectique entre les riverains et tout ce qui côtoie l’œuvre, un jeu sur le dévoilement, très direct ou plus subtil.