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Politique de la ville à Lyon : rôle, enjeux et évaluation

Interview de Pierre SUCHET

<< Le Maire doit être le chef de projet des actions menées dans le cadre de la Politique de la ville. C’est une évidence aujourd’hui ; ça ne l’était pas il y a 20 ans >>.

Entretien réalisé par Geoffroy Bing et Brigitte Yvray-Danguis - juin 2005

 

Qu'est-ce que la politique de la ville ? Quels en sont les enjeux au niveau de l'agglomération ? Quel est son rôle dans le sens du renouvellement urbain ? Peut-on  en faire une évaluation ? Quelle est sa particularité par rapport aux autres agglomérations ? 

Date : 29/06/2005

Pouvez-vous, brièvement, tracer les grandes étapes de la Politique de la ville depuis ses débuts, dans les années 80 ?

Les principes dégagés à l’origine de la Politique de la ville, restent tout à fait valables ! Il y a d’abord une approche territoriale qui part du constat que certains quartiers sinistrés doivent bénéficier  de programmes d’actions spécifiques.  Sinistrés, après avoir subi les effets conjugués de difficultés économiques et sociales et de phénomènes de relégation et de ségrégation.
Deuxième élément fondateur, le Maire doit être le chef de projet des actions menées dans le cadre de la Politique de la ville.  C’est une évidence aujourd’hui ; ça ne l’était pas il y a 20 ans. Ensuite, un troisième élément indispensable, sinon on construit sur du sable, c’est la nécessité d’associer les habitants et les acteurs des quartiers concernés. Sans démarche participative, il n’y a pas de Politique de la ville. Enfin, dernier élément c’est la nécessité d’assurer un travail transversal pour avoir une cohérence de l’action publique malgré des champs de compétences différents d’une collectivité à une autre.

 

A coté de ces principes fondateurs peut-on dire que la Politique de la ville a évolué et comment ?

De fait, depuis 1981, la Politique de la ville a évolué constamment ainsi que le décrit  très justement Marie-Christine Jaillet dans une série d’articles sur ce sujet. Chaque étape de la politique de la ville a permis d’intégrer un nouveau champ d’action. Après le rapport Bonnemaison en 1981, la prévention de la délinquance acquiert une dimension sociale et non plus seulement judiciaire. C’est à cette époque également que la 1ere ZEP (zones d’éducation prioritaire) est créée, la politique de la ville rajoute ainsi un volet éducation à ses domaines d’intervention. Viens ensuite le domaine économique avec la création des « zones franches » qui déterminent des périmètres  à l’intérieur desquels les entreprises qui s’installent bénéficient d’exonérations fiscales substantielles, en matière de taxe professionnelle notamment. Cette mesure a conduit l’Etat à définir des critères précis pour circonscrire les quartiers sur la base de critères sociaux. Enfin, après le volet « économique », il y a eu le volet « sécurité de proximité » avec la loi Chevènement. Si les thématiques abordées évoluent en permanence, on peut faire le constat que la notion de quartiers prioritaires demeure une constante de la politique de la ville à la française depuis 25 ans.

 

Actuellement quels sont les principaux enjeux en matière de Politique de la ville, à l’échelle de l’agglomération lyonnaise ?

Tant au niveau national qu’à l’échelon local, la Politique de la ville est très fortement orientée sur la question du renouvellement urbain. Qu’entend-on par renouvellement urbain ? Il s’agit concrètement d’opérations de démolition et reconstruction de logements. En effet, à  partir du moment où  il n’est plus possible de requalifier un quartier, sur la base de l’existant, il s’avère nécessaire d’en modifier le contenu. Le renouvellement urbain concerne les logements HLM, mais aussi les copropriétés privées dégradées. Ces opérations supposent des investissements financiers massifs, qui sont assumés, en partie, par des investisseurs privés. C’est le premier aspect positif de ce type d’opération. Le deuxième aspect positif provient du fait que 72 % des logements HLM détruits sont reconstitués dans d’autres zones de l’agglomération, ce qui permet également de mieux  répartir la population sociale dans l’agglomération. Le raisonnement qui sous-tend cette politique est que c’est en créant des quartiers ou plusieurs types de populations - sociales ou non - peuvent se côtoyer, que l’on créé les conditions pour une intégration urbaine et sociale des défavorisés.

 

Quel est le rôle de la Communauté urbaine de Lyon dans ces opérations de renouvellement urbain ?

Le Grand Lyon conduit ces opérations, dans le cadre de ses compétences légales, dans le domaine de l’urbanisme, de l’aménagement et de l’habitat.
Nous avons fait un bilan de la Politique de la ville et de son évolution au niveau national.

 

Pouvez-vous nous dire, au regard de ce qui existe ailleurs ce qui fait la particularité de la Politique de la ville de l’agglomération lyonnaise, s’il y en a une ?

Certes, il y en a même plusieurs ! Tout d’abord le Grand Lyon a développé une action spécifique d’intervention urbaine dans ces quartiers.  En effet, à l’origine de la Politique de la ville, le Grand Lyon a tout de suite été interpellé sur les ex-ZUP de l’agglomération dont il avait la responsabilité au titre de sa compétence urbanisme. La deuxième spécificité, c’est la notion de chef de projet « pluri partenaire » et « transversal ».  Sur le territoire de l’agglomération lyonnaise, les chefs de projets dépendent à la fois du Grand Lyon, de la commune et de l’Etat ; chaque institution assumant un tiers du salaire des 30 chefs de projets actuellement en poste. L’avantage ? les chefs de projet cumulent ainsi les compétences des différentes institutions pour lesquelles ils travaillent : le volet social pour le compte de la commune, les volets sécurité, prévention, éducation pour le compte de l’État et le volet urbain pour le Grand Lyon. Grâce à cela - et avec le concours d’agents de développement divers, nous avons une véritable équipe-projet de quartier qui est mise en place. Les Chefs de projet ont d’ailleurs des profils professionnels très variés. Souvent, ils ne sont pas spécialistes d’un domaine en particulier.
Enfin, et c’est une autre particularité de l’agglomération, il y a depuis 20 ans un vice-président à la Politique de la ville, chargé de mettre en place les orientations de l’agglomération en la matière.

 

Vous nous dites que ce qui est structurant, actuellement dans le cadre de la politique de la Ville, c’est le renouvellement urbain, quid des autres domaines ?

Dans les grands enjeux de la politique de la ville on compte également la lutte contre la précarité, les discriminations et la ségrégation, la politique d’insertion économique et d’accès à l’emploi,… Face à ces défis, les indicateurs mis en place nous amènent à plusieurs constats. Le premier constat c’est que les écarts de richesse croissent et que les écarts structurels entre l’Est de l’agglomération lyonnaise et l’Ouest de l’agglomération lyonnaise,  entre personnes « riches » et les personnes « pauvres » progressent structurellement.
Deuxième constat, nous avons une connaissance plus fine de ces phénomènes, quartier par quartier, et force est de constater que ces écarts se maintiennent sur les territoires concernés par la Politique de la ville. Enfin, 3e et dernier constat, le chômage régresse depuis une dizaine d’années mais la pauvreté et la précarité progressent. Le nombre des Rmistes reste important et le phénomène des « travailleurs pauvres », phénomène inquiétant, est en évolution constante. Ces éléments restent mesurables ; par contre les questions liées à l’intégration ou les discriminations sont moins palpables et pourtant c’est bien là que se situent les vrais enjeux.
Un élément positif malgré tout, c’est le ressenti positif des habitants des quartiers que nous avons pu déterminer au travers de sondages.

 

Vous semblez nous dire qu’évaluer les effets de la politique de la ville reste un exercice difficile ?

Oui, nous avons des problèmes d’estimation y compris sur le plan financier ; le partenariat ne facilite pas les choses, sur ce plan tout au moins. Nous avons tous une approche différente et malgré une bonne cohésion opérationnelle de tous les partenaires en présence, réaliser un vrai bilan demeure une gageure. Nous allons essayer avoir davantage de lisibilité à court terme dans la mesure où  le contrat de ville en cours doit s’achever à fin 2006 et va être remplacé par les nouveaux Contrats Urbains de Cohésion Sociale, en cours de préparation.