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Un exemple de mobilisation contre les dysfonctionnements des lignes TER par une association d'usagers

Interview de Jean-Pierre Frencel

Illustration représentant des individus manifestant
Président de l’Association de Défense des Usagers de la ligne Lyon / Ambérieu-en-Bugey (ADULA)

<< C'est une force, parce qu'on a fait pression à plusieurs, quand même, sur les élus du Conseil Régional et sur la SNCF >>.

Cette interview a été réalisée dans le cadre d'un chantier de réflexion prospective consacré à "la conflictualité, les rapports de force et l'exercice démocratique", piloté par la Mission participation citoyenne de la Direction prospective et dialogue public du Grand Lyon, dans l'optique d'éclairer les défis auxquels les collectivités comme le Grand Lyon se trouvent confrontées dans la gestion des conflits autour de la chose publique.

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Date : 11/01/2013

Cette interview est complétée par une étude de Catherine Foret sur les mobilisations citoyennes, par une autre interview d'acteur de mobilisations citoyennes (Matthieu Gouttefangeas), et par des fiches de lecture ("La mésentente" de Jacques Rancière et "Le conflit" de Georg Simmel).

 

Pouvez-vous vous présenter ?

J’ai 54 ans, je suis retraité de la fonction publique, plus précisément des finances, et je travaillais à La Part-Dieu, au département informatique, qui est situé juste à coté de la gare. J’habite à Meximieux depuis 1992, et j’ai donc été amené à prendre le train pour mes trajets quotidiens. J’ai vite vu que pour se rendre au travail, la voiture, ça coinçait. Donc j’emprunte le TER depuis maintenant 15 ans.

 

Dans quelles circonstances avec vous été amené à vous mobiliser sur le fonctionnement des TER ?

Avec le développement du TER, plusieurs personnes s’étaient parlé spontanément, dans le train. De là est née l’association ADULA, qui existe depuis 2002. Elle a fonctionné jusqu’à 2004, puis elle a été mise en sommeil, parce que le Président était parti, et que personne n’avait voulu reprendre. C’est du bénévolat, c’est du boulot… Nous l’avons réactivée en 2007, suite à des problèmes de retards répétés des trains. On m’a sollicité, pour voir si ça m’intéressait de reprendre la présidence, sachant que j’avais une expérience associative : j’ai longtemps été Président de la Fédération des Conseils de Parents d’Elèves (FCPE), d’abord à Meximieux, puis à l’échelle de l’Ain, pendant 10 ans. Comme mes enfants ont grandi, j’avais quitté cette fonction.

 

Qui vous a sollicité à ce moment-là ?

Les usagers du train, et en particulier Isabelle Cadet, qui est aujourd’hui ma Vice-présidente. Elle est Professeure à l’Université Catholique, elle donne des cours à l’international et fait dans le juridique. On s’est trouvé dans le train. Elle connaissait l’association, et elle avait entendu parler de moi…, ça s’est fait tout naturellement.

 

Donc des usagers du train, qui rencontrent des problèmes et qui se disent…

Est-ce que ce ne serait pas mieux de se structurer, de s’organiser ? Nous avons donc relancé l’association. Elle comptait 50 adhérents en 2002, aujourd’hui nous en sommes à 250. Cela peut paraître insuffisant, parce que la ligne draine, à l’heure actuelle, 12 000 voyages-jours. Ce qu’ils appellent « voyages-jours », ce sont des allers-retours, principalement domicile-travail ; plus des trajets étudiants et des trajets occasionnels… :  des gens qui vont faire leurs courses, etc. Il faut savoir que nous sommes sur un axe assez important, Lyon-Ambérieu, mais qui se prolonge au-delà : la ligne dessert aussi les Savoie : Annecy, Genève, Bellegarde… ; il y a aussi quelques trains qui vont sur Bourg, et au-delà, Besançon, Belfort... Et la ligne est « diamétralisé » avec Saint-Etienne. Il faut savoir aussi que depuis l’hiver 2009, est intervenue la mise en place du cadencement, c’est-à-dire que nous avons des trains toutes les demi-heures aux horaires de pointe et toutes les heures en dehors de ces périodes. La région Rhône-Alpes a été pilote en la matière. Et ce cadencement n’a pas été sans problème au départ : changer les horaires de train, les habitudes des gens…, ce n’était pas simple. Mais d’un autre côté, cela permet d’avoir des trains à des heures que l’on connaît par cœur.

 

Était-ce le résultat d’une demande des usagers ?

En partie. Il fallait une région pilote, et le Conseil Régional s’est saisi de l’opportunité. Comme on est quand même la deuxième région en matière de transports après l’Ile de France, au niveau des TER… Et puis, c’était aussi — sur des lignes comme Lyon / Saint-Etienne, Lyon / Grenoble, Lyon /  Ambérieu ou Lyon / Mâcon — une forte demande des usagers d’avoir des trains à des périodes horaires permettant facilement d’aller au travail, au lycée, à la fac…, avec une fiabilité. Donc les usagers se sont manifestés pour ça. La Région avait déjà créé des comités de ligne, qui sont le point fort de la relation Région / usagers. Cela date d’avant Mme Comparini (les TER ont été pris en charge au niveau régional sous l’ère de Mme Comparini, puis M. Queyranne a pris la suite). La Région voulait des interlocuteurs associatifs, pas des collectifs qui partent dans tous les sens et qui n’ont pas de statut reconnu. Ils préfèrent dialoguer avec des associations loi 1901, qui représentent telle ou telle ligne, et qui sont reconnus. Parce qu’un usager tout seul, ou même un collectif avec plein de gens, ça peut être bien, mais ce n’est pas forcément structuré, avec un bureau, etc.

 

Qui vous entoure dans l’association ?

Les membres du bureau : Isabelle Cadet, qui habite Beynost — on a essayé de prendre des gens qui habitent sur toute la ligne —, Caroline Marque, qui est la secrétaire de l’association (elle a laissé son poste d’adjointe à la mairie de Montluel, elle travaille pour une société sur Bron, dans la communication), et la trésorière, Soazig Parassols, qui habite Ambérieu. On a pas mal entendu parler de cette dernière dans la presse, parce qu’en 2010 elle a perdu son emploi à cause de la SNCF, suite à des retards répétés des trains. Elle était secrétaire d’un cabinet d’avocats…, elle est restée 4 ou 5 mois sans emploi, et elle est venue à l’association à cause de ce problème-là — parce que nous l’avons soutenue.

 

Il y a eu conflit avec la SNCF, à ce moment-là ?

Absolument. Il y a eu un gros conflit. L’association n’a pas vocation à chercher des poux dans la tête de la SNCF, mais nous avons eu sur toute cette période 2010-2011 des retards à répétition, avec du matériel en panne, des problèmes de signalisation, des ruptures de caténaire… : c’était une catastrophe. Et cela avait des conséquences financières. Beaucoup de gens vont travailler sur Lyon en train, pour la bonne raison qu’ils ne peuvent pas prendre leur véhicule. Si je prenais ma voiture, à l’heure actuelle, en travaillant tous les jours, cela me coûterait au minimum 450 à 500 euros par mois. Par contre, si je prends un abonnement SNCF, ça me revient à 56 euros. Il n’y a pas photo !

 

À quoi étaient dus tous ces problèmes sur la ligne ?

Le problème de la ligne Lyon/Ambérieu, c’est qu’il n’y a pas d’IPCS : une « Installation Permanente de Contre-Sens », qui permet de dégager le train sur une voie de garage et de reprendre la circulation le plus rapidement possible, en cas de panne d’un train. Ce qui veut dire que quand un train tombe en panne entre Lyon et Ambérieu, il faut envoyer une motrice, pour venir le chercher, le tracter et le ramener en gare la Part-Dieu. Avant, on avait des ateliers sur Ambérieu, mais ils ont été fermés, il n’y a plus rien.

Le gros incident qu’il y a eu, c’était en juillet 2010 : un train est tombé en panne un matin à la hauteur du camp militaire de la Valbonne ; ce jour-là, il y avait des gens qui allaient au travail, des étudiants qui allaient passer des concours… et donc Mlle Parassols. Le temps qu’ils mettent en place un bus, qu’ils fassent évacuer…, elle est arrivée à 11h du matin à son travail. Comme ce n’était pas la première fois (elle avait déjà subi de nombreux retards allant de 15 à 45 mn, alors même que c’est quelqu’un de prévoyant : elle prenait un ou deux trains plus tôt, de façon à arriver à l’heure) ; et comme elle était en pré-embauche, à l’essai, cela a entraîné la rupture de son contrat. Son employeur n’en avait rien contre elle, mais il ne pouvait plus assurer la gestion de son cabinet dans ces conditions. Il faut vous dire qu’à l’époque, je recevais 50 à 60 mails d’usagers par jour : « On est en retard », « On est menacé de retenues sur nos salaires »… ; des personnels de Carrefour à La Part-Dieu étaient même menacés de licenciement, certaines personnes avaient des frais de nourrices qui faisaient des bonds... Il y a vraiment eu une très mauvaise période.

 

Comment êtes-vous intervenus, en tant qu’association ? Mlle Parassols n’était pas adhérente de l’ADULA… ?

Non, mais nous connaissant, elle nous a fait remonter son problème. Parce qu’elle ne savait pas trop comment s’y prendre. Attaquer la SNCF, ça ne se fait pas comme ça ! Même pour nous, petite association, ce n’était pas simple. Mais nous sommes affiliés à la FNAUT (Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports) ; ils ont un juriste, M. De Brenca, que nous avons rencontré.

 

Vous avez tout de suite attaqué la SNCF en justice ?

Non, nous avons commencé par faire des courriers. Déjà, nous alertions tous les jours la SNCF,  sur tous les incidents qui avaient lieu. J’envoyais systématiquement des mails au chargé d’axe, qui est chargé de faire remonter les problèmes à la Direction. Nous avons eu quelquefois des dédommagements, quand il y a eu vraiment des retards récurrents : des réductions sur des abonnements… Je ne parle pas des grèves, ça ils ne veulent jamais en entendre parler, des grèves des personnels de la SNCF : là, pas d’indemnités. Mais bref, comme ça m’énervait énormément, j’adressais aussi les mails au Conseil Régional, à la Vice-Présidente chargée des transports, Bernadette Laclay ; et aussi à Pascal Protière, qui est chargé des transports au cabinet de Jean-Jacques Queyranne. Il y  en avait des pages… ! Je reprenais, au nom de l’ADULA, les mails des usagers…, qui me disaient : « A telle heure, je suis en panne », « J’ai des frais de nourrice », etc.

Avec l’accord des usagers bien sûr, et toujours sous le couvert de l’anonymat — sauf pour ceux qui étaient d’accord pour communiquer leurs coordonnées. Je recensais les mécontentements, je reprenais leurs textes, très précis. Je ne faisais jamais de mails assassins, je veillais toujours à ce que les gens soient corrects. Quand je voyais que certains mails étaient « limite »…, je ne les faisais pas suivre : on avait un rôle de modérateur. Mais je comprenais le ras de bol des gens. Et parallèlement — puisque qu’ils ont été très longs à réagir — j’alertais les médias. Je suis passé très souvent dans les journaux, que ce soit Le Progrès, Lyon métro,  20 minutes… Quand il y avait vraiment des trains avec des retards récurrents, j’envoyais à la presse une copie des bulletins de retards de la SNCF, carrément ! Et puis, nous avons aussi contacté les radios locales : Radio Scoop, RCF, les radios de Bourg-en-Bresse…

Et c’est même monté plus haut : on a eu des reportages sur TFI, M6 et France 2. Il y a vraiment eu un grand mouvement de protestation. J’étais presque trop sollicité. Je m’étais fait une liste, un répertoire de correspondants de presse, télé…, et je leur envoyais les infos. Pas sur tout, mais sur les incidents majeurs. Les premiers qui nous ont suivis, ce sont les journaux locaux. Le Progrès nous a toujours soutenus, a toujours fait des articles : pourquoi les usagers se plaignent, pourquoi il y a ces conflits, pourquoi il y a ces retards… On a fait un gros travail avec les journalistes.

 

Vous avez recherché des alliés, en somme ?

Oui, parce qu’on voyait que cela n’avançait pas. On sollicitait le Conseil Régional, qui disait : « Oui, oui, on fait remonter… » Le Conseil Régional, pour résumer, il achète les trains, mais il entretient des relations avec la SNCF, donc il ne voulait pas trop avoir de conflits avec la Direction de la SNCF. Nous, on a dit aux élus : « Mais vous investissez beaucoup d’argent, des millions d’euros, dans du matériel récent, pour être compétitif et pour fournir des trains corrects aux usagers ; il faut quand même que ce matériel circule à l’heure ! ». Ils n’ont pas pris position par rapport à l’affaire Soazig Parassols, soyons clair. Mais ils ont quand même tapé du poing sur la table, en disant à la SNCF : « Bon, maintenant, les usagers en ont ras-le-bol, il va falloir faire quelque chose ».

Donc : la presse, la télévision…, et puis on n’a pas hésité à carrément saisir M. Pepy, par mail, à faire remonter nos problèmes à la Direction nationale de la SNCF. Parce que Josiane Beaux, la directrice régionale, au niveau dialogue, elle avait du mal… Elle n’est pas facile ! C’est quelqu’un qui est très « droit dans ses bottes ». Mais elle a été un peu obligée d’évoluer, sous la pression des associations, et quand même du Conseil Régional. C’est vrai que j’ai été connu, pendant un moment. Je m’en serais bien passé. Certains jours, j’étais vraiment débordé. Parce que souvent, c’est aussi moi qui informais en temps réel les usagers. Le système d’information de la SNCF va mieux, aujourd’hui, mais il allait mal, donc les informations étaient contradictoires, en gare, sur les quais, etc. Souvent les informations sur les trains circulaient via l’association.

 

Comment faisiez-vous pour envoyer de l’information aux usagers ?

Par téléphone portable, par mail… On est assez bien structuré. Dès qu’il y a un problème, les gens m’envoient un mail, un SMS. Moi, j’ai la chance de pouvoir contacter le chargé d’axe, Didier Bacon, qui bien souvent obtenait ainsi l’information avant même que nous ayons la personne d’astreinte en gare de La Part-Dieu. J’ai son numéro personnel, je ne le dérange pas pour un oui ou un non, mais quand il y avait des trains en panne ou des retards supérieurs à 20 ou 30 mn, je l’appelais : « Ecoutez M. Bacon, les gens râlent dans le train, ils n’ont pas d’info, qu’est ce qui se passe ? ». On peut dire que dans la demi-heure qui suivait, j’avais les infos et je les donnais dans le train. C’était assez comique : quelquefois, les usagers informaient le contrôleur ! Parce qu’à l’époque, ils n’étaient pas encore équipés de leurs fameux smartphones. Ça a été un bien, je pense, que les associations d’usagers se mobilisent, parce que la SNCF a enfin pris conscience, depuis début 2012, du besoin d’information des usagers dans les trains.

 

En 2012 seulement ?

Elle en avait peut-être conscience avant, mais vraiment, la mise en place d’un système d’informations en temps réel, pour les usagers, d’incidents de plus 15 mn, avec les smartphones, les alertes SMS…, ça fonctionne bien depuis 2012. Il y a aussi l’information en gare, sur des panneaux lumineux. Elles sont envoyées par La Part Dieu – parce qu’il n’y a presque plus de personnel dans les gares. Il y a éventuellement des messages vocaux, diffusés par voie de haut-parleurs. Et puis les contrôleurs sont mieux informés : on va dire qu’on a aujourd’hui une meilleure qualité de l’information.

 

C’est la pression des associations comme la vôtre, qui a fait progresser les choses ?

Et le procès Parassols. La FNAUT nous avait dit qu’il fallait trouver un avocat et voir si on pouvait attaquer en justice, parce que ce n’est pas normal qu’une personne perde son emploi à cause de la SNCF. Et ils nous ont mis en contact avec Maître David Metaxas. Il est à Lyon, il défend les causes de ce genre, il est très médiatique… Et il a pris le dossier en main. Mlle Parassols a déposé plainte en son nom propre contre la SNCF, pour rupture de contrat de travail. L’association était en soutien : nous étions prêts à nous porter partie civile si besoin. On avait attaqué sur ce préjudice, qui était non seulement un préjudice de perte d’emploi, mais aussi un préjudice moral. Nous n’avions pas les moyens de payer l’avocat, mais il n’a jamais demandé d’argent à l’association, ni à Mlle Parassols : il s’est payé sur le procès. La SNCF a été condamnée, à 3 000 euros, si je ne dis pas de bêtise… Ça n’a pas été une somme énorme, Mlle Parassols a touché 1 500 euros, je crois. Et la SNCF n’a pas fait appel de la décision. Le fait qu’ils aient perdu le procès, ça a quand même été une claque pour eux. Il a été reconnu que la SNCF avait tort vis-à-vis des usagers, ce n’était pas rien... C’était la première fois, en ce qui concerne les TER. Donc, on est relativement contents : c’est quand même une reconnaissance , c’est rassurant. Et ils savent qu’on est prêts à recommencer si jamais ça merde : c’est pour ça qu’on est tranquille !

 

Comment s’est manifesté votre soutien, concrètement ?

On a fourni à l’avocat toutes les pièces nécessaires. Je lui ai communiqué tous les mails d’usagers, sur les retards qu’ils avaient subis. Parce que la SNCF conteste point par point les retards. Mais j’avais tous les détails, l’heure exacte à laquelle les trains étaient arrivés. Il faut être très précis dans ces cas-là, parce que ça couvrait une période quand même assez longue…, de mai 2010 à juillet 2010. La SNCF ne pouvait pas dire le contraire, puisqu’elle édite elle-même des bulletins de retard, qui corroboraient mes informations. On est allé très loin…

 

Tout cela représente un gros travail… Cela a beaucoup reposé sur vous, en tant que Président ?

Oui, parce que, entre guillemets, j’avais la « chance » d’être en maladie — maintenant je suis en retraite pour cause d’invalidité. Parce que j’y passais des journées ! Entre les articles de presse, les appels des usagers… Certains soirs, j’avais 40, 50 appels téléphoniques, pour aider les gens qui étaient dans les trains et qui n’avaient pas d’infos. Cela ne se passe plus maintenant, parce que l’information circule beaucoup mieux, mais il y a eu une période, j’étais complètement « HS » ; le soir à 20h/21h, j’avais encore des appels téléphoniques. Je n’étais pas seul… mais j’étais un peu centralisateur, parce que j’étais chez moi, sur mon ordinateur… Grâce aux alertes SNCF, je voyais que le train qui passait à Beynost avait 20mn de retard.  Je voyais le panneau « Gare en mouvement » de la Part Dieu ; et puis il y a un widget  sur le site TER Rhône-Alpes, qui fait ressortir les trains en retard…

 

Vous pensez que votre action a vraiment contribué à faire évoluer le fonctionnement de la SNCF ?

Oui. Parce que ça ressortait dans tous les comités de ligne, ce manque d’information. Et d’ailleurs, depuis 2011, la SNCF a mis en place des comités d’usagers, en parallèle aux comités de ligne. Seuls les représentants des associations y siègent : toutes les associations qui s’occupent des TER en Rhône-Alpes sont reçues par la Direction de la SNCF deux ou trois fois par an, pour faire remonter les points plus techniques. C’est un dialogue direct entre la SNCF et les associations d’usagers. Le comité de ligne, avec la Région, il chapeaute tout, c’est le lieu des réclamations, des doléances des usagers, des particuliers, des associations…, sur le fonctionnement et sur tout ce qui concerne l’environnement des gares ; tandis que les comités d’usagers, c’est ce qui touche uniquement la ligne, et tout ce qui est problème matériel, technique, capacité, usure… C’est une initiative de la SNCF, mais suite à des demandes des associations d’usagers. Je trouve que les associations rhônalpines — pas seulement l’ADULA — ont fait bien évoluer les choses, déjà au niveau du dialogue. On ne fait pas des miracles, mais au moins on nous entend, et les demandes sont structurées, classées par priorité, et elles remontent. Et cela a créé aussi un meilleur échange entre le Conseil Régional et la SNCF. Maintenant ils se concertent un peu plus.

 

Sous l’effet des interventions associatives ?

Oui. Et même, le point positif, le gros truc qui pêchait, c’est Réseau Ferré de France. Ils sont propriétaires des voies et des sillons, c’est RFF qui attribue les sillons pour les trains. Il n’y avait pratiquement aucun dialogue avec eux. Et maintenant, on a été reçu par Bruno Floreins, le Directeur, et on a réussi à avoir des réunions quadripartites, SNCF-Conseil Régional-RFF et associations d’usagers. Sous l’effet du ras-le-bol de tous ces problèmes. Et ça, c’est parce que les usagers ont tapé du poing sur la table, ont saisi Queyranne, etc.

 

L’action en justice a-t-elle été déterminante, à votre avis ?

Sur la ligne d’Ambérieu, oui... Vous savez que maintenant, y a des lignes qui ont été classées « lignes malades ». Douze lignes en France ont été reconnues « lignes malades » par la SNCF. Justement, un peu suite à cette affaire Parassols et à tous ces problèmes. Parce qu’il faut vous dire que sur la ligne Ambérieu, il ne se passait pas une semaine sans que deux ou trois passages à niveau tombent en panne, vous aviez de la signalisation qui tombait en panne…, donc des trains  qui étaient bloqués, ou alors des sous-alimentations électriques… Alors qu’on a quand même 90 TER par jours qui passent là, plus des trains grande ligne, TGV, Corail… Lyon / Bellegarde, Lyon / Genève, ça passe tout par là. Donc a dit : « Il faut vraiment que cette ligne soit prise en compte ». Ça a traîné en longueur pendant 5 à 6 mois, et on a obtenu, après des audits de cabinets internes à la SNCF, que notre ligne soit classée ligne malade. C’était début 2012, c’est relativement récent.

 

Que vous apporte ce classement en « ligne malade » ?

De gros travaux d’infrastructures vont être faits, en 2014, suite à cette décision. Ils vont rénover complètement les voies, c’est un travail de fond. Mais le fait d’avoir été classé en ligne malade, ça oblige aussi la SNCF à surveiller cette ligne en continu. La direction de la SNCF Paris a demandé à Lyon de surveiller particulièrement cette ligne, comme celle de Lyon / Grenoble, d’ailleurs. Donc ces deux lignes font maintenant l’objet d’une surveillance permanente ; et on va dire que depuis, le nombre des incidents a bien baissé. En un an, ils ont diminué de 50 à 60 %. On était tombé à une ponctualité inférieure à 70 % — ce qui est quand même grave, quand vous avez plus de 30 % des trains qui n’arrivent pas à l’heure, surtout aux heures de pointe ! — et là, d‘après le dernier comité de ligne, on arrive à 86 %. C’est pas encore le top, l’objectif de la SNCF, c’est 92 %, mais c’est quand même mieux. Bon, il y a des suicides, malheureusement, ça on n’y peut rien. Mais lors du dernier suicide, la semaine dernière, les gens m’ont dit qu’il y avait eu une excellente prise en  charge du contrôleur dans le train. Il n’a pas arrêté de passer, d’informer les gens, de distribuer des bouteilles d’eau…. Et mes adhérents ont pris la peine de faire remonter ça aussi. Il ne faut pas dire seulement ce qui ne va pas, il faut être honnête et dire que, quand même, les choses vont mieux.

 

Est-ce que vous avez été soutenus dans vos revendications par des élus locaux ?

Oui, nous avons eu la chance d’avoir des subventions des communautés de communes pour l’association. Elles nous ont soutenus, parce qu’on essaye aussi…, on ne fait pas que dans le négatif. On fait tout un travail avec les communautés de communes, pour encourager les usagers à prendre le train : « Prenez le bus depuis chez vous jusqu’à la gare, puis le train ».  On essaye de faire comprendre aux gens que cela leur revient moins cher, s’ils travaillent dans Lyon, vers La Part-Dieu ou vers Perrache… On le fait par voie de presse, via notre assemblée générale ou encore  lors de réunions dans les mairies… Nous avions un blog, aussi. Maintenant, c’est beaucoup plus calme, il ne fonctionne plus tellement, je vous avoue que je suis fatigué, je manque d‘aide. Les bénévoles de l’association, du bureau, sont très pris. Par leur travail. Ce sont des gens qui ne sont pas forcément disponibles. D’autant que dans l’association, il n’y a pratiquement que des actifs, qui ont leur vie de famille à côté, etc. C’est le problème de l’associatif… Heureusement, maintenant, ça va beaucoup mieux : si je reçois 4 à 5 mails par jour, c’est bien tout…

 

Qui vous a soutenus exactement, du côté des collectivités locales ?

Déjà, tous les maires des communes traversées par la ligne : Miribel, Beynost, Meximieux, Saint-Maurice de Beynost... On a eu des contacts réguliers, soit avec eux, soit avec leurs adjoints qui s‘occupent des transports. Et puis les présidents des communautés de communes. Et c’est même monté beaucoup plus loin, puisque des députés sont aussi intervenus… Sur la ligne, ça s’est mobilisé sérieux quand il y a eu l’affaire Parassols. On a eu le soutien du Sénateur Jacques Berthou, puisqu’il prend le train pour aller à Paris : il est usager du train, et il a eu lui aussi des retards pas possibles ; et puis Charles de La Verpillière, qui est le député de la circonscription — il est UMP, tandis que Berthou est socialiste. C’est pour vous dire que nous, on ne fait pas de politique. Et on a Pascal Protière, qui est maintenant Président de la communauté de communes de Miribel et du Plateau ; Bernard Gloriod, qui préside la communauté de communes de Montluel ; et Jean-Pierre Herman, Président de la communauté de communes de la Plaine de l’Ain. Tous ces gens-là, on a eu des réunions avec eux.

 

C’est vous qui les avez sollicités ?

On les a sollicités et ils nous ont sollicités. Par exemple la Communauté de communes de la Plaine de l’Ain, ils ont fait un truc très bien : ils ont mis un parking à la sortie de l’autoroute Meximieux- Pérouges pour le covoiturage ; c’était suite à des études que nous avions faites. On est allé les voir, on en a parlé avec eux :  « Le covoiturage, ça marche », etc. Et les communautés de communes ont mis des navettes de bus au départ des gares, pour desservir les zones d’activité. Il y a vraiment une volonté des communes de faire en sorte que les gens utilisent les transports en commun. C’est pas gagné, mais ça progresse. L’ADULA travaille beaucoup avec les 3 communautés de communes, et aussi avec le Conseil Général (dont les lignes de car font des rabattements vers les gares), pour essayer de réaliser un maillage qui permette aux gens de se rapprocher. Nous avons aussi, maintenant, la possibilité de coupler les abonnements TCL et TER, ce qui est très bien. Donc, on voit vraiment les choses progresser, avec tout ce dialogue. Je ne peux pas rentrer dans tous les détails…, c’est un travail de très longue haleine : on a eu des colloques, des réunions avec les maires, on allait aux cérémonies des vœux, tout ça… On a eu ce dialogue permanent avec les maires, par téléphone, par mail…

Là, je suis tout à fait satisfait, parce qu’on peut dire que quelle que soit la couleur politique des maires, il y a vraiment la volonté que cette ligne Lyon /Ambérieu retrouve la ponctualité, des trains en capacité, et plus de problèmes de signalisation, de rupture de caténaires… Enfin, une ligne qui soit « propre ». C’est vraiment un consensus, quelle que soit l’étiquette des maires.

 

Vous avez réussi à « embarquer » tout le monde…

Oui. Et même, on a un dialogue au-delà, puisque nous sommes une association qui a rencontré aussi les syndicats de cheminots. La CGT m’a contacté en 2011, au moment où ça partait en « live », si je puis dire, et alors qu’ils avaient l’impression de n’être pas du tout entendus de leur Direction. Ils nous ont demandé si on accepterait. Parce que ça fait tache : la SNCF n’aime pas trop que les associations d’usagers rencontrent les syndicalistes ! Mais nous, on en a pris notre parti : pourquoi n’irions-nous voir que la Direction de la SNCF et pourquoi ne rencontrerait-on pas les syndicats de cheminots ?

Bon, parfois il peut y avoir un peu de bourrage de crâne..., il faut faire la part des choses. Mais on a rencontré la CGT, la CFDT, Sud. Et au moins, on a écouté ce qu’ils avaient à nous dire. Et on s’est aperçu qu’ils ne racontaient pas que des bêtises. Ils ont fait ressortir, notamment, qu’il y avait de moins en moins de personnel dans les grandes gares…, et puis que les ateliers d’Ambérieu avaient été fermés et que c’était une hérésie. Alors, ça ne va pas permettre de rouvrir ces ateliers…, mais suite à ça, on a réussi par exemple à avoir l’hiver des matériels d’astreinte, qui sont maintenant au départ de la gare d’Ambérieu, et qui permettent de faire face au gel.

 

Quelle a été la réaction de la SNCF à vos rencontres avec les syndicats ?

Ça n’a pas plu du tout plu à la Direction ! Parce que dans les journaux, on a vu : « M. Frencel a rencontré la CGT,  M. Frencel a rencontré Sud, etc. » J’ai pas eu des menaces…, mais j’ai eu des dialogues très houleux avec la Directrice de la SNCF qui me disait : « Vous rencontrez les syndicats, ça ne se fait pas… ». Il faut dire que j’ai été très virulent dans certains mails avec la Directrice, à un moment donné. je lui ai dit : « Vous n’avez qu’à démissionner, si vous n’êtes pas capable de faire circuler vos trains ! ». Vous savez, quand on est excédé… Elle voulait déposer plainte, et puis, tout compte fait, le Conseil Régional est intervenu et lui a dit : « Ecoutez Mme Beaux, si vous déposez plainte, vous allez vous mettre à dos, non pas 250 usagers, mais tous les usagers de la ligne qui sont derrière M Frencel ». Ça s’est calmé, mais vous savez qu’on voulait m’obliger à rencontrer la direction de la SNCF seul ! Ce que je n’ai jamais fait, parce qu’on m’aurait fait dire ce que je ne voulais pas dire. Je voulais bien aller la voir, mais avec quelqu’un de mon bureau. Parce que, si la SNCF donnait sa version…, moi, j’aurais donné la mienne, mais qui aurait-on cru ?

Je voulais un témoin avec moi, capable de relater les faits de ces réunions. Celles-ci ne se sont jamais faites, parce que la direction de la SNCF n’a jamais accepté. Mais après, il y a eu cet effet « comités d’usagers», parce que les autres associations ont fait pression, suite à ce qui s’était passé avec moi, l’effet ligne malade, etc. Lyon/Grenoble, c’est un peu la même chose, ils ont eu beaucoup de problèmes, beaucoup de pression, c’était très conflictuel avec la SNCF. Et suite aux pressions qu’on a exercées, et quand même au bon dialogue qu’on a avec le Conseil Régional — parce qu’il y a quand même des gens intelligents — on a quand même pu obtenir des choses concrètes.

 

Comment expliquez-vous ce « bon dialogue » qui s’est instauré avec le Conseil Régional. Est-ce que cela tient à des personnes ?

Oui. Moi, je suis très honnête, je le dis, je le redis, Pascale Protière est quelqu’un qui a beaucoup fait. Lors du précédent mandat, où Jean-Jacques Queyranne était avec Bernard Soulages chargé des transports ; et puis maintenant, alors qu’il n’a plus de fonction de conseiller régional : il est au cabinet de Jean-Jacques Queyranne, et il s’occupe justement de la prospective transports-développement. On avait avec lui un interlocuteur, vraiment, de qualité ; qui savait que j’étais une grande gueule, mais qui savait aussi que je ne disais pas n’importe quoi. Et on avait aussi, je l’ai dit, le soutien de ces élus — c’est ce qui est formidable — comme Jacques Berthou, qui m’a reçu de nombreuses fois. Il a même fait remonter le problème au Sénat, c’est allé jusqu’au Sénat ! Charles de La Verpillère a fait remonter au Ministre des transports ; c’est Dominique Bussereau, à l’époque qui était Secrétaire d’Etat. C’est allé très loin ! C’est allé jusque dans les ministères. On a écrit des courriers aux ministères ! C’est monté vraiment loin, loin, loin. Le soutien de la presse et de tous ces élus, c’était rassurant quelque part…

 

Vous parlez « d’interlocuteurs de qualité ». Comment les caractériseriez-vous ? Qu’est-ce qui explique cette « qualité » ? 

La plupart des maires, ou des élus, ont quand même des enfants qui, au niveau des études supérieures, se rendent sur Lyon, et qui la plupart du temps prennent le train. Donc, ils sont vraiment, au courant des problèmes. Peut-être pas en temps réel, mais ils sont sensibilisés. Par exemple, l’adjointe au maire d’Ambérieu, chargée des transports, Catherine Pidoux, qui est aussi conseillère régionale et Présidente du comité de ligne, ses enfants ont eu plusieurs fois des problèmes de train, et elle m’a appelé. En plus, son papa était cheminot, donc ça aide. C’est une interlocutrice de qualité, parce qu’elle connaît le milieu de la SNCF, elle est conseillère régionale, mais elle s’investit au niveau de la ligne. Elle défend bien l’usager. Ce sont des gens qui ont envie de faire avancer les choses.

 

Elle est élue, mais aussi citoyenne, usagère…

Voilà ! Et puis, on évolue quand même. On a souffert de ce manque de communication… Moi je trouve qu’à l’heure actuelle…, les gens sont un peu trop pour leur ego personnel. C’est ce qui bloque dans la société, encore aujourd’hui. Les gens, c’est tout pour eux, il y a un manque… Même dans les entreprises : pourquoi y a-t-il tant de stress, de problèmes dans le boulot ?  C’est parce que c’est la rentabilité, la rentabilité, la rentabilité. C’est ressorti aussi dans notre association, tous les problèmes qu’avaient les gens après leur travail. J’ai quand même eu des personnes qui ont fait des dépressions nerveuses, qui ont failli perdre leur emploi…, des gens qui ont été stressés, arrêtés pendant des mois, suite à ces retards de train. Il fallait faire prendre conscience à la SNCF, que l’impact de ces retards de train, c’était aussi sur la vie familiale. Des gens qui pétaient un câble le soir en engueulant leurs gamins…, la peur,  l’angoisse d’aller travailler tous les matins…

 

Vous dites que ça évolue ?

Ce n’est pas résolu, mais disons que les gens se sentent rassurés d’avoir un interlocuteur privilégié comme l’association, d’avoir des personnes référentes, qui peuvent faire remonter les problèmes. Ils savent qu’en cas de problème, ce sera répercuté aux personnes qu’il faut. Je pense qu’au niveau des associations rhônalpines, qui s’occupent des transports, c’est bien en place, ça.

 

Vous communiquez entre associations  ?

Ah oui ! Moi, je communique beaucoup avec l’ADUT (Association Dauphinoise des Usagers du Train), l’association de la ligne Lyon / Grenoble. On se tient bien au courant de nos différents problèmes. C’est une force, parce qu’on a fait pression à plusieurs, quand même, sur les élus du Conseil Régional et sur la SNCF. J’ai été seul,  aidé par les médias, sur le problème Lyon /Ambérieu, mais si nous avons eu des réunions quadri-partites, c’est avec les autres associations, ce n’est pas moi tout seul, il faut être honnête.

 

J’aimerais que vous me parliez de vous, quand même. Rédiger des communiqués, parler aux medias…, ce n’est pas évident. Vous saviez faire tout ça ?

Oui, parce que j’ai été à la FCPE, j’ai appris un peu à rédiger, grâce à la Fédération des Parents d’Elèves… On fait des comptes-rendus, en tant que Président d’association, et il y a des formations au niveau national, à Paris ; on y allait une fois par trimestre. Bon, et puis moi je parle facilement, j’ai une facilité à parler, j’ai toujours été comme ça, c’est inné chez moi. Et j’ai une excellente mémoire, ça aide beaucoup. J’ai été capable de ressortir des choses à la SNCF, que je n’avais pas dans les mails, parce que j’emmagasine beaucoup. Mais le fait d’avoir été dans le milieu associatif au niveau des parents d’élèves, d’avoir des réunions avec les instits, avec des parents… m’a poussé à faire des comptes rendus précis, et concis. Il ne s’agit pas d’en faire des tonnes, j’essaye toujours de synthétiser.  Pour les comptes-rendus de comité de ligne, par exemple, on fait ça en une page. On ne fait pas 15 pages… On met les doléances, ce qui ne va pas ; les questions que l’on pose à la SNCF et au Conseil Régional ; et les réponses que nous avons obtenues et qui doivent être mises en pratique par la SNCF. De façon à donner du concret aux gens. Pour les communiqués de presse, c’est pareil : on essaye de ne pas soûler les gens.

 

Cela va mieux, aujourd’hui, avec la Direction de la SNCF ?

Ils ont maintenant des chargés de communication qui font leur boulot, au niveau de la direction régionale. Des gens qui sont plus à l’écoute des associations. Nous avons notamment Christine Mathez, que j’ai pu rencontrer plusieurs fois. Ces structures existaient, avant 2011, mais elles ne fonctionnaient pas. Parce qu’il n’y avait pas cette organisation entre les associations, le Conseil Régional, la SNCF et RFF. C’est vraiment le mouvement de ras-le-bol en région Rhône-Alpes, le fait que les associations d’usagers de toute la région ont poussé à ce qu’il y ait un dialogue concret, qui a produit des résultats. Maintenant, c’est rentré dans les mœurs, les comités de ligne sont programmés, les comités d’usagers sont programmés…, on va dire c’est « sur les rails », pour faire un bon jeu de mots. Et même Mme Beaux, qui est récalcitrante, réticente…, lorsque je lui ai fait remonter qu’il y avait eu un contrôleur qui avait été au top, elle m’a dit :« On le félicitera ». Moi, j’aime le travail de transmission, de com’. C’est très important.

 

Encore une question : est-ce qu’à votre avis, ce genre d’action produit de la solidarité, du lien entre les gens ?

Oui. Il y a plein de gens qui ont fait connaissance entre eux dans le train. Il y en a avec qui je suis devenu amis, je ne le cache pas… Et puis il y a vraiment des personnes, maintenant, un peu dans chaque commune, qui ne sont pas des référents, mais qui n’hésitent pas à alerter l’association, dès qu’il y a un problème, dès qu’il y a des gros soucis. Ça a créé une réactivité des gens, et ça, c’est une forme de solidarité entre les usagers. Et même les usagers, quand ils savent qu’il y a des adhérents dans le train, même si je ne suis pas là, ils se renseignent, ils communiquent par SMS…, c’est un bon système. Je trouve que c’est important ce côté communication entre les gens, qui permet d’avancer beaucoup plus vite, avec des petites bricoles qui  facilitent la vie des gens. Se parler, s’informer… S’ils se voient dans le train, maintenant, les gens s’en parlent : «  Est-ce que tu as vu le contrôleur ? ».

Maintenant, ils ont le réflexe d’aller voir le contrôleur. Aujourd’hui, grâce à nous, le contrôleur n’est plus considéré comme la bête noire. Parce qu’on avait tendance à taper sur les contrôleurs, à casser du sucre sur leur dos… Et puis on s’est rendu compte qu’ils faisaient avec les infos qu’on leur donnait. Bon, ils font leur boulot de verbalisation, aussi. Mais nous, on a dit aux usagers : « Attention  ne l’agressez pas dès le départ, il est là avec les infos qu’on lui donne. Cherchez à lui demander de l’info, donnez lui en si vous en avez, il vous en sera reconnaissant. » Et  maintenant ça passe beaucoup mieux, il y a une meilleure communication dans les trains. Mais c’est tout un  boulot…

 

Le nombre d’adhérents, c’est important, dans ce genre de lutte ? Ou finalement, pas tant que ça ?

Oui, ce serait bien qu’on augmente. Parce qu’il faut qu’on arrive à faire connaître encore mieux cette structure. C’est 5 euros la cotisation annuelle, ça ne va pas chercher loin… Déjà, le fait d’être  passé de 50 à 250, c’est très bien, parce qu’on a une représentativité sur toutes les communes. Mais il faudrait qu’on arrive à être 5 à 600 pour être encore plus représentatifs. Le problème, c’est qu’il faudrait qu’il y ait un peu plus de volonté des gens de participer, c’est ça qui manque : le côté participatif des gens. C’est le problème de toutes les associations. Les gens font plein de choses…

 

Mais je suis frappée par le fait que l’on peut obtenir des résultats avec peu d’adhérent parfois.

Oui. Parce qu’on est reconnu.

 

Pour quelles raisons ?

Parce que vous avez des gens dans l’association qui se bougent, qui se mobilisent, qui osent… Qui osent alerter la presse, qui prennent le temps…, je ne veux pas dire, du harcèlement, mais à un moment donné c’était c’est presque ça ! Si vous ne dites rien, l’association, ils n’en ont rien à faire. Il faut vraiment que les gens prennent conscience que si on arrive à obtenir des choses, c’est parce qu’on se bouge, qu’on se mobilise.

 

Et ça, pour vous, c’est le fonctionnement normal de la démocratie ?

Absolument. On est bien d’accord.