Vous êtes ici :

L’enjeu du développement des enseignes lyonnaises

Interview de Marc DAVID

Portrait de Marc David
Responsable du service « animation réseaux commerce » de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Lyon (CCI de Lyon).

<< À mon sens, la place accordée au commerce dans les politiques de développement économique reste insuffisante aujourd'hui >>.

Interview réalisée dans le cadre de la réflexion « Grand Lyon Vision Solidaire » qui vise à réinterroger l’enjeu du développement solidaire dans l’agglomération.

Dans cette interview, Marc David évoque la manière avec laquelle les entrepreneurs lyonnais appréhendent les mutations (renouvellement des concepts commerciaux, essor du e-commerce) que rencontre aujourd’hui le secteur du commerce. Ceci l’amène à évoquer les nouveaux enjeux qui se posent en termes d’accompagnement des porteurs de projet et la nécessité de voir dans le commerce un véritable levier d’innovation et d’exportation pour l’agglomération lyonnaise.

Réalisée par :

Tag(s) :

Date : 13/04/2014

Dans un ouvrage récent, l’économiste Philippe Moati avance l’idée que le secteur du commerce connaitrait aujourd’hui une nouvelle révolution, qui se traduirait notamment par le fait que les enseignes adopteraient des concepts commerciaux plus segmentants et à plus forte valeur ajoutée. De votre point de vue, une telle évolution est-elle perceptible dans l’agglomération lyonnaise ?

Cette évolution est incontestable en ce qui concerne les points de vente des grandes enseignes. On sait qu’elles ne laissent rien au hasard. Lorsque vous entrez dans un magasin Zara ou Celio, tout est fait pour proposer une expérience d’achat plus qualitative, sur le choix et la présentation des produits, le cheminement, les couleurs, l’offre tarifaire, etc. D’une manière générale, la spécialisation est de plus en plus forte, les entreprises travaillent de plus en plus leur concept, que ce soit au niveau de l’offre, du merchandising, des prestations connexes, etc. Et l’on se rend compte que ces évolutions ont une influence directe sur l’évolution du chiffre d’affaires. On peut prendre l’exemple de l’enseigne « Le jardin des fleurs » qui dispose de 70 points de vente en France, dont plusieurs dans l’agglomération lyonnaise. Cette enseigne met aujourd’hui en place un nouveau concept de magasin, inauguré notamment à Villeurbanne, qui se traduit par une augmentation de 20% du chiffre d’affaires du point de vente. Il s’agit toujours de vendre des fleurs, mais avec une segmentation plus poussée au niveau des occasions d’achat et des idées nouvelles pour mettre en valeur les fleurs, en les présentant dans une bulle d’eau par exemple. Au final, ce phénomène tire l’ensemble des commerces vers le haut et pousse les porteurs de projet de création d’entreprise à rehausser la qualité de leur concept. Si demain vous voulez ouvrir un magasin de fleurs, vous savez qu’il va falloir se mettre au niveau des standards de l’offre existante et se donner les moyens de s’en différencier.

Une autre facette majeure de cette nouvelle révolution commerciale réside dans l’essor du commerce en ligne. Aujourd’hui, peut-on d’ores et déjà observer des effets de la montée du e-commerce dans l’agglomération lyonnaise ?

On le sait, la part de marché du e-commerce ne cesse de s’accroitre. En région lyonnaise, la dernière enquête consommateurs réalisée par la CCI montre que l’évasion commerciale s’accroit, et principalement du fait de l’essor des achats en ligne. A l’échelle du Grand Lyon, ces transferts en faveur du e-commerce représentent l’équivalent du chiffre d’affaires du commerce du quartier de la Croix-Rousse et de la commune d’Oullins. Il est clair que certains secteurs d’activités sont d’ores et déjà impactés, que l’on songe par exemple aux agences de voyages, ou au commerce de biens culturels (livres, musique, films, etc.). Certes cela n’est pas encore très visible dans l’agglomération lyonnaise, mais le centre-ville de certaines agglomérations connait une vacance commerciale croissante. Ce qui peut entrainer en contrecoup d’autres difficultés : perte de lien social, dégradation du cadre de vie, insécurité, etc.

D’une manière générale, les informations délivrées par la presse spécialisée montrent que le e-commerce est appelé à prendre de plus en plus d’ampleur et ce, il faut le dire, en partie au détriment du commerce en magasin. L’exemple américain parait assez illustratif avec l’expansion accélérée d’Amazon, qui a un impact de plus en plus marqué sur l’activité des magasins : dans certains territoires, on a vu des pôles commerciaux perdre 60% de fréquentation en trois ans. Le mouvement parait irrépressible d’autant qu’il tire profit des dernières évolutions technologiques. Par exemple, Amazon est en train de tester une télécommande connectée en Wi-Fi et équipée d'un lecteur de codes-barres pour simplifier les courses en ligne à la maison. Concrètement, vous pouvez scanner les produits ou enregistrer à la voix, grâce à la reconnaissance vocale, une liste de produits que vous souhaitez renouveler, et la télécommande se charge ensuite d'envoyer le contenu du panier directement sur un smartphone ou une tablette qui les commandera via une application dédiée. Enfin, menace supplémentaire pour les magasins physiques, certaines marques qui n’étaient distribuées jusqu’ici que via leur intermédiaire ont fait le choix d’être présentes également sur le web. 

L’essor du e-commerce rappelle celui de la grande distribution il y a quelques décennies. Déjà à l’époque on s’est inquiété de voir les consommateurs se renseigner auprès d’un magasin de jouet spécialisé, pour aller ensuite acheter le produit en grande surface…

Du point de vue des acteurs du commerce, comment est perçue cette montée du commerce électronique ?

L’impression qui se dégage aujourd’hui est que les acteurs sont interrogatifs, voire quelque peu déboussolés face à la vague du e-commerce. Ils sentent bien que celle-ci peut constituer une opportunité : si je vais sur internet, je vais peut-être saisir de nouvelles opportunités de vente, mais cela ne va-t-il pas menacer la fréquentation de mon magasin ? Et puis ils ne savent pas vraiment comment faire pour prendre pied sur la scène du commerce online, comment prendre en charge toutes les implications stratégiques, organisationnelles et financières que cela implique : quels produits vendre en ligne, comment articuler le magasin et la présence en ligne, comment gérer le stock et la logistique qui va avec, etc. ? Tout cela est très compliqué à appréhender, d’autant que les experts du e-commerce ne sont pas d’accord entre eux pour dire comment il convient de procéder… De plus, on observe que certains acteurs phares du e-commerce en France, comme Cdiscount ou VentePrivée, viennent démarcher des commerces dans l’agglomération lyonnaise afin de leur proposer de vendre sur leur place de marché en ligne. Ce qui peut être perçu comme une bonne opportunité pour mettre le pied à l’étrier sans trop s’empêtrer dans les questions de mise en œuvre. Bref, les acteurs du commerce sont en capacité de se remettre en question et sentent bien que le sens de l’histoire est de se mettre au e-commerce, mais il reste difficile pour eux d’identifier les bonnes réponses et de prendre les bonnes décisions stratégiques pour franchir le pas.

Comment se positionne la CCI de Lyon par rapport à ces évolutions ?

Aujourd’hui, la CCI adopte une posture résolument pragmatique puisqu’il s’agit avant tout de proposer différentes actions d’accompagnement aux entreprises, tant au stade de la création que du développement. Cela concerne bien évidemment la question du e-commerce. Si demain vous voulez créer un site internet pour vendre en ligne, nous avons des équipes qui peuvent vous apporter des diagnostics, des conseils. Pour ce faire, nous avons un partenariat avec l’Espace Numérique Entreprise pour des prestations de formation et d’accompagnement individuel sur la création et la mise à jour d’un site web, les systèmes d’information e-commerce, le référencement, la gestion de la e-logistique, le e-marketing, la présence sur les réseaux sociaux, etc. D’une manière générale, notre préoccupation est de lever les freins à l’investissement dans le e-commerce. Cela implique de créer les conditions permettant de rassurer les acteurs et, surtout, de les professionnaliser. Il s’agit d’éviter l’échec par amateurisme et de faire comprendre que le commerce en ligne est un vrai métier qui demande un minimum d’engagement et une capacité à apprécier la qualité des prestataires que l’on sollicite. J’ajoute que cette démarche d’accompagnement fait écho à une autre initiative, « Lyon Shop Webdesign », qui relève davantage de l’émulation collective. Il s’agit d’un concours lancé en 2009 par la CCI de Lyon pour promouvoir les meilleurs sites Internet des commerces lyonnais.

La demande d’accompagnement est-elle croissante ?

Clairement, la demande est sans cesse croissante. Aujourd’hui c’est devenu une évidence, un entrepreneur qui n’intègre pas une stratégie internet dans son projet, quel qu’il soit, rate quelque chose ! C’est une évidence au stade de la création, cela l’est aussi pour chaque entreprise existante qui n’est pas encore présente sur le web. Mais cette demande d’accompagnement concerne également les entreprises qui ont déjà une activité en ligne et qui souhaitent mieux la développer et aller davantage vers une logique cross-canal pour promouvoir la fréquentation de leur magasin. D’ailleurs, un enjeu est d’arriver à répondre à ces différentes demandes. D’un côté, permettre à ceux qui ont dix ans de retard de le rattraper. D’un autre, accompagner ceux qui sont déjà actifs sur le web afin de leur permettre de rester à la pointe des stratégies cross-canal, des nouvelles technologies, des nouveaux savoir-faire, etc. On peut évoquer ici l’association de management de centre-ville « Lyon 7 Rive Gauche » qui a pris l’initiative d’expérimenter la technologie LIFI dans les commerces de son arrondissement. C’est une innovation technologique française qui utilise la lumière pour transmettre à distance un contenu multimédia (vidéo, son, géolocalisation…) à un téléphone portable ou un ordinateur. En résumé, il ne faudrait pas se contenter de sensibiliser et former au e-commerce, il est tout aussi important d’avoir des acteurs qui en sont à l’avant-garde !

Ce besoin d’accompagnement s’exprime-t-il aussi de façon plus collective ?

Comme vous le savez, le collectif dans le champ du commerce passe d’abord par les unions commerciales, qui rassemblent les commerçants présents dans un quartier donné. On a environ 200 unions commerciales dans l’agglomération. Elles sont une priorité pour la CCI car elles sont un vecteur essentiel pou toucher la multitude des entreprises du commerce. Par ailleurs, dans certains secteurs de l’agglomération, les unions commerciales sont partie prenante, au côté des municipalités, du Grand Lyon, des chambres consulaires, de structures de management de centre-ville. Ces structures sont quasiment des TPE puisqu’elles comprennent une petite équipe de salariés, disposent de budgets d’étude et de communication, développent des stratégies et des actions pour animer et dynamiser le tissu commercial.

Pour revenir à votre question, la demande d’accompagnement peut effectivement s’exprimer de façon collective, lorsqu’une union de commerçants ou un manager de centre-ville nous demande de leur apporter du conseil pour être davantage visible sur le web, pour mettre en valeur leur quartier. C’est par exemple le cas de l’union des commerçants du quartier des Gratte-Ciel à Villeurbanne, avec pour aboutissement la création du site vitrine « destinationgratteciel.com » et d’une page facebook. Cependant, on peut constater qu’un site ayant une simple fonction de vitrine n’a pas forcément grand intérêt puisque les consommateurs utilisent d’autres outils, comme les pages jaunes, pour repérer un commerce près de chez eux. Passer à la vente ligne peut paraitre alors judicieux. C’est justement l’expérience que l’on mène à Oullins avec l’association de management de centre-ville. Nous avons aidé les acteurs à mettre en place une place de marché online : « Paniers de nos villes ». Il s’agit d’une véritable expérimentation dans la mesure où elle rassemble avant tout des commerces de bouche (boucherie, boulangerie, fromagerie, etc.) du centre-ville d’Oullins autour d’une idée : explorer les opportunités de la vente en ligne de produits frais. Or, on s’aperçoit qu’il existe un marché de proximité pour ce type de produits sur Oullins et les communes limitrophes.

De même, en matière de concept commercial, de stratégie d’enseigne, etc., quelles sont les actions de la CCI pour accompagner les acteurs du commerce ?

On peut évoquer deux axes. Le premier concerne l’accompagnement des acteurs sur la question de l’amélioration de la qualité du point de vente. Une fois encore, cela passe par des actions de sensibilisation, de formation, d’accompagnement individuel (diagnostic, conseil), etc. mais aussi par la promotion des points de vente les plus innovants. C’est le concours « Lyon Shop & Design » qui est le pendant magasin de celui que j’ai évoqué précédemment. L’enjeu ici est de montrer que refaire une boutique n’est pas forcément hors de prix et que cela peut avoir une incidence forte sur l’évolution du chiffre d’affaires.

Le second axe renvoie à la démarche « Lyon commerce leaders » que la CCI de Lyon a lancé en 2009. Il s’agit de repérer, de fédérer et d’accompagner des entreprises indépendantes lyonnaises du commerce et des services à la personne, leaders dans leur domaine et à fort potentiel de développement en France et à l’international. Il s’agit à la fois de faire jouer l’effet réseau autour de rencontres et de partages d'expériences, et de faire bénéficier les entreprises d'un accompagnement collectif et personnalisé afin d'optimiser leur développement.

Comment sont sélectionnées les entreprises participant à « Lyon commerce leaders » ?

D’une manière générale, cette démarche concerne tout particulièrement les entrepreneurs qui ont dans leur ADN l’idée de développer leur enseigne au travers d’un réseau de points de vente, que ce soit en propre ou au travers de franchise. Ce sont des entrepreneurs qui accordent davantage d’importance et d’efforts à la formalisation et à la protection de leur concept, des savoir-faire spécifiques qu’il implique, du nom de l’enseigne, du logo, etc. afin de pouvoir dupliquer l’idée partout en France et même à l’étranger.

Notre travail est d’identifier ces entrepreneurs, les rencontrer pour connaitre leur projet, les aider à faire les bons choix stratégiques, et leur apporter ce qui peut leur manquer pour accélérer leur développement, voire les amener à envisager un développement plus poussé que celui qu’ils envisageaient au départ. Par exemple, sur la maitrise des enjeux liés aux implantations commerciales, à la stratégie internet, l’e-réputation, à l’insertion dans les réseaux professionnels, etc. On peut également leur proposer de présenter leur concept aux candidats à la franchise que l’on a sur l’agglomération lyonnaise, par exemple lors du Forum Franchise que nous organisons chaque année. J’ajoute que cette démarche ne rassemble pas que des entreprises récentes mais peut également concerner des acteurs bien établis comme le chocolatier « Voisin » ou l’enseigne de fruits et légumes « Cerise et potiron » qui cherchent à étendre leur réseau de point de vente dans l’agglomération lyonnaise et souhaitent avoir un éclairage pour valider leur stratégie d’implantation.

Les réussites sont-elles au rendez-vous ?

Aujourd’hui « Lyon commerce Leaders » fédère une soixantaine d’entreprises et bon nombre d’entre-elles connaissent un réel succès. On peut évoquer l’enseigne de restauration « Lucien et la cocotte » qui compte désormais deux restaurant à Lyon. Mais aussi « Cook and go », atelier de cuisine à emporter, avec plus d’une quinzaine d’implantations en France et une à New-York. Ou encore « Max Aventure », qui propose des parcs de jeux couverts pour enfants, et « Cyclable » dont le réseau de magasins de vélos de ville et de voyages s’est particulièrement étoffé.

D’une manière générale, il faut savoir qu’il n’y a pas beaucoup d’agglomérations en France aussi fertiles en termes de concepts commerciaux à potentiel de développement. Chaque année nous emmenons une dizaine d’entreprises au Mapic, salon international des professionnels de l'implantation commerciale et de la distribution organisé à Cannes. Et nos homologues de Marseille, Lille, Bordeaux ou Nantes sont surpris par notre capacité à renouveler notre vivier d’entreprises. Nous avons à Lyon une économie de proximité dynamique et innovante, c’est un atout qui est encore largement méconnu…

Ceci incite à voir les enseignes commerciales lyonnaises comme des leviers d’innovation et d’exportation pour l’agglomération lyonnaise.

A l’évidence ! Nous avons là un levier de création d’emplois, d’exportation mais aussi d’attractivité du territoire. Alors que l’on retrouve toujours les mêmes grandes enseignes dans les métropoles européennes, pouvoir proposer des concepts de commerces et de services innovants est une belle opportunité pour différencier Lyon au niveau touristique et donner envie d’implanter ces concepts ailleurs. Certaines enseignes sont prêtes à jouer le jeu en indiquant l’origine lyonnaise de leur concept, voire en déménageant leur siège social dans l’agglomération lyonnaise pour bénéficier d’un meilleur accompagnement.
La difficulté c’est d’arriver à faire passer le message, à convaincre l’ensemble des acteurs que le commerce n’est pas quelque chose de banal et occupe au contraire une place de plus en plus cruciale dans les chaines de valeur. A mon sens, la place accordée au commerce dans les politiques de développement économique reste insuffisante aujourd’hui. Bien évidemment, il est essentiel pour une métropole comme Lyon d’avoir des filières exportatrices puissantes, un aéroport d’envergure internationale, etc. En revanche, arrêtons de penser que les entreprises à fort potentiel de croissance et d’innovation existent seulement dans les Hi-Tech ! Les entreprises rassemblées au sein du réseau « Lyon commerce Leaders » ont de belles perspectives de développement devant elles et ont d’ores et déjà créé plusieurs dizaines d’emplois en l’espace de cinq-six ans. Malheureusement, ces entreprises restent largement en dehors des radars des politiques économiques. Par exemple, en 2011 le Grand Lyon et la CCI ont initié le programme « Pépites » afin d’accompagner les PME à très fort potentiel de croissance. Il s’agit de leur apporter une aide au niveau de la stratégie, de la levée de fonds, du développement international ou encore en matière d’innovation. Or, on peut regretter que ce dispositif ne soit toujours pas ouvert aux entreprises du commerce. J’ajoute que bon nombre de ces dernières n’attendent que ça : pouvoir être mieux épaulées pour passer les caps stratégiques, construire une dynamique collective de partage de réflexions et d’expériences, développer des projets d’innovation en commun, etc. Lyon a la capacité à devenir l’agglomération de référence en France pour l’accompagnement à la création et au développement de concepts commerciaux. Si nous le faisons pas, d’autres nous passeront devant !

Dans le même temps, une partie des actions de la CCI vise à favoriser l’implantation d’enseignes nationales ou internationales. Ceci n’est-il pas contradictoire avec la promotion des enseignes d’origine lyonnaise ?

C’est une très bonne question, que se posent d’ailleurs nos élus de la CCI. Certains d’entre eux nous demandent parfois de lever pied avec les grandes enseignes. Ce que je peux vous répondre tout d’abord, c’est qu’il faut avoir conscience que Lyon est très attractive auprès de ces grandes enseignes. Elles manifestent leur intention de s’implanter ou de renforcer leur implantation dans notre agglomération. De notre point de vue, il ne parait pas judicieux de vouloir ignorer, voire freiner, cette demande. Si l’enseigne Celio décide d’ouvrir deux nouvelles boutiques, elle y parviendra avec ou sans nous. Il nous semble donc préférable de s’associer à ces projets d’implantation de façon à leur donner une orientation la plus favorable par rapport au développement du tissu commercial de l’agglomération. Pour ce faire, nous organisons chaque année avec le Grand Lyon un salon qui s’appelle « Lyon VisioCommerce ». Celui-ci est entièrement dédié aux enseignes désireuses de se développer dans l'agglomération lyonnaise. Lors de la dernière édition en 2013, nous avons ainsi accueilli les développeurs d’une trentaine d’enseignes auxquels nous avons présenté les résultats de la 9ème enquête consommateurs de la CCI, la stratégie d’urbanisme commercial de l’agglomération, des sites à fort potentiel commercial, etc. On note d’ailleurs que cette opération « Lyon VisioCommerce » fait des émules puisqu’elle s'est développée à Marseille, Nantes, Saint-Nazaire, Montpellier, Rennes et Bordeaux.

Un autre argument en faveur de l’accueil des grandes enseignes est qu’elles tirent vers le haut les commerces indépendants. Par leur communication, par le soin qu’elles apportent à leurs vitrines, etc., elles créent un effet d’émulation qui tend à renforcer la qualité du tissu commercial. De même, elles constituent une source d’inspiration pour tous les porteurs de projet qui souhaitent créer un nouveau concept commercial. L’agglomération est un bon terrain pour faire son benchmark !

Troisièmement, je pense qu’il y a également un enjeu fort à travailler avec les dizaines de grandes enseignes nationales ou internationales déjà implantées dans l’agglomération, et en particulier avec les groupes qui les détiennent. On pense par exemple au groupe Beaumanoir qui possède les enseignes « Morgan », « La City », « Bonobo » ou encore « Cache-cache » et dont les points de vente dans l’agglomération représentent plusieurs centaines d’emplois, des centaines de milliers d’euros de chiffre d’affaires, de la fiscalité locale, etc. Idem pour une enseigne comme Celio qui compte sept boutiques et des dizaines d’emplois dans l’agglomération. On pourrait être tenté de se désintéresser de ces enseignes une fois qu’elles sont implantées, en considérant notamment que leur développement se décide au niveau de la tête de réseau et non à l’échelle des territoires d’implantation. De mon point de vue, ce raisonnement est erroné car on a sans doute intérêt à ce que ces enseignes réussissent elles-aussi à faire face aux mutations du commerce et on peut considérer que cette capacité se joue aussi au contact du terrain. Comment peut-on les accompagner dans leur développement, qu’a-t-on à leur proposer pour les aider au niveau de la formation, des besoins de mobilité des salariés, etc. ? Pourquoi ne pas étendre l’accompagnement des « grands comptes » développé par le Grand Lyon aux grandes enseignes du commerce ? L’enjeu parait d’autant plus important lorsqu’il s’agit de points de vente en franchise, c’est à dire adossés à des entrepreneurs lyonnais indépendants. Je suis convaincu qu’il y a là tout un pan nouveau à explorer.

En revanche, le bémol que l’on peut apporter à ce que je viens de dire est bien évidemment la tendance à l’uniformisation du tissu commercial. Car ce qui fait la qualité de ce dernier c’est aussi sa diversité. Après le débat sur la concurrence entre le centre et la périphérie, qui s’est relativement apaisé aujourd’hui, la question de l’uniformisation commerciale est sans doute le prochain débat qui s’ouvre aujourd’hui.

Veut-on que le centre-ville de Lyon soit identique à celui de Villeurbanne, d’Oullins et autres ?

Et, effectivement, nous sommes ici dans un nœud de contradictions. Une illustration de cela : la puissance financière des grandes enseignes est telle qu’il est très tentant pour les commerçants indépendants de leur céder leur fonds de commerce. C’est le phénomène que l’on observe au centre-ville de Lyon, avec les rues de la République et Edouard Herriot. Le problème est encore plus criant quand même les franchisés ne sont plus en capacité de se payer un emplacement dans les sites les plus centraux, dans lesquels règnent de plus en plus les succursales des grandes enseignes.

Certaines études américaines montrent que les grandes enseignes nationales ou internationales génèrent moins de retombées économique sur le territoire que les commerces indépendants locaux. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Je dois dire que c’est une dimension que l’on aborde peu. Toutefois, ces analyses ne m’étonnent pas et rejoignent les comparaisons qui ont pu être faites à une époque entre les grandes surfaces et les petits commerces. On s’est rendu compte que le chiffre d’affaires et le nombre d’emplois au m² étaient significativement plus élevés chez les seconds : dix commerces de 100m² génèrent davantage de retombées qu’une grande surface de 1 000 m².