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Le rituel funéraire musulman

Interview de Kamel Kabtane

Portrait de Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon
Recteur de la Grande Mosquée de Lyon

<< Il y a de plus en plus de demandes [d'inhumation en carré musulman]. Cela montre vraiment la nécessité de prendre en compte l'évolution de la pensée de la communauté musulmane qui se rend compte que sa vie est ici. Sa vie étant ici, elle prend racine dans le sol français >>.

Interview réalisée dans le cadre de la réflexion « Rituels funéraires, ville et cimetières » conduite par la Direction de la Prospective et du Débat Public et la Direction Logistique et bâtiments du Grand Lyon.

Réalisée par :

Date : 19/06/2013

Comment se déroule le rituel funéraire musulman ?

Dans les derniers moments de sa vie, le mourant est généralement entouré de sa famille. Il est accompagné et soutenu par des citations du Coran et des prières. En principe, il faudrait qu’il puisse prononcer la profession de foi, la Chahada : « Il n'y qu’un Dieu et Mahomet est son prophète », mais en pratique, souvent, il n’en a pas la force et lève l’index en signe de récitation intérieure. Après le décès, on procède à la toilette mortuaire afin de rendre le corps dans un état d'intégrité à Dieu. Il est revêtu d'un linceul très simple, non cousu et identique pour tous, puis parfumé pour être un peu plus présentable. Il est ensuite présenté, dans le cercueil, avec le visage couvert. Le défunt est transporté à la mosquée. Là, on ne dit pas le nom du défunt mais seulement si c’est un homme ou une femme, et les gens prient pour cet homme ou cette femme, créature de Dieu, et non pour l'individu en tant que tel.

C’est dans le même esprit de simplicité qu’il est enterré au cimetière, en présence de sa famille et de ses amis. Il est placé avec le visage tourné vers l'Est,  en direction de La Mecque, pour être apte à se lever le jour de la résurrection et à aller devant Dieu. La tombe en elle-même est généralement très simple et le corps doit y demeurer, sans être  dérangé, jusqu'à ce qu'il devienne poussière. C'est pour cela que beaucoup de Musulmans préfèrent être enterrés dans leur pays d'origine, où ils sont certains que cette condition sera respectée.

 

Le sens du rituel est donc d’accompagner l'âme du défunt dans l’attente de la résurrection ?

Tout à fait. Le corps est une enveloppe charnelle qui est appelée à disparaître. Ce qui reste, c'est l'âme qui retourne vers Dieu. C'est une cérémonie collective, les gens prient pour le défunt et accompagnent, par la prière, cette âme qui retourne vers son Dieu.

 

Qui officie ?

A la mosquée, l'imam. Mais au cimetière, devant la tombe, quelqu’un qui a des connaissances religieuses peut prononcer les invocations ou les prières.

 

Il y a-t-il d’autres fonctions du rituel religieux ? Psychologiques, sociales, etc. ?

Une fonction sociale, oui. Les gens se regroupent chez la famille pour présenter leurs condoléances et évoquer le souvenir du défunt. Cela se fait encore. On se réunit pour évoquer le défunt, se remémorer les instants de joie partagés avec lui, avec ses enfants, ses frères, ses sœurs. Les hommes d'un côté, les femmes de l'autre, on soutien l'épouse, les enfants, tous ceux qui sont touchés par cette perte.

La dimension psychologique du rituel est aussi présente à plusieurs niveaux. D'abord, durant l’agonie, l'accompagnement spirituel est autant fait pour la famille ou les enfants que pour le mourant lui-même qui est ainsi préparé à rencontrer son Seigneur.

 

Est-ce que d'autres attentes, ni religieuses ni sociales, s'expriment autour de la mort ?

La préoccupation principale des Musulmans, c'est la durée d’inhumation. C'est ce qui pose beaucoup de problèmes à la communauté et ce qui fait que ceux qui le peuvent, notamment les Algériens, contractent des assurances de transfert de corps vers leur pays d’origine. Celles-ci prennent en charge le transfert du corps pour que la personne puisse être enterrée sur la terre de ses ancêtres, ce qui permet de s’assurer de la tranquillité du corps, pour qu'il ne soit pas dérangé dans 15 ans ou 30 ans.

 

On dit pourtant que le rapatriement des corps est de moins en moins fréquent.

C’est vrai. On y arrive progressivement. J'ai participé à la création du premier carré musulman à Lyon, au cimetière de Loyasse. Mais il a fallu dépasser beaucoup d’idées préconçues. En 1969, nous avions rencontré Louis Pradel, alors maire de Lyon, qui nous avait dit : « Ah, c'est vous qui enterrez vos morts debout ? » ! La méconnaissance était complète à l'époque. Nous lui avons expliqué nos besoins, mais il n'y a pas eu de suites. Il a fallu attendre Francisque Colomb. Dès son arrivée à la mairie, le cimetière et la mosquée sont parmi les premières actions qu'il a engagées. C'était un acte fort pour la communauté musulmane. Cela s’est fait grâce à la circulaire Poniatowski de 1974 qui attirait l'attention des collectivités territoriales sur la situation des Musulmans français, à l'époque les Harkis, comme composante de la Nation. C'était une prise de conscience, une reconnaissance des Harkis leur permettant d'être enterrés dans des conditions conformes à leur religion.

La deuxième étape est venue avec Charles Hernu, qui était d’ailleurs présent lors de la pose de la stèle du carré musulman de Villeurbanne. C'était une avancée pour la communauté musulmane : la pensée administrative prenait en compte la dimension spirituelle de cette communauté, comme elle l'avait fait auparavant pour la communauté juive. L'ouverture des carrés musulmans a constitué un pas significatif de la part des pouvoirs publics qui comprenaient qu'au moment de la mort, il fallait être un peu plus indulgent, un peu plus ouvert à la communauté musulmane. Beaucoup de municipalités, notamment dans le Sud, ont alors commencé à disposer de carrés destinés à la communauté musulmane, dite harkie ou française-musulmane.

Petit à petit les choses ont pris forme. Les carrés sont devenus de plus en plus importants. Loyasse a ouvert en 1974, mais il a fallu attendre 1994, environ, 20 ans, pour que les 100 places se remplissent ! A Vénissieux, il a fallu une dizaine d'années pour remplir les 50 emplacements, mais il est aujourd’hui presque plein. Je me suis beaucoup battu pour l'agrandissement de la Guillotière, et il est déjà presque plein également. Les gens sont ici, leurs enfants sont ici, ils ont construit toute leur vie ici. Quand les parents décèdent, si un souhait particulier n'a pas été clairement exprimé, les enfants préfèrent les enterrer près d’eux. De même, les parents souhaitent être enterrés là où vivent leurs enfants. C’est pour cela qu’il y a de plus en plus de demandes. Cela montre vraiment la nécessité de prendre en compte l’évolution de la pensée de la communauté musulmane qui se rend compte que sa vie est ici. Sa vie étant ici, elle prend racine dans le sol français.

 

Le problème de places actuel va donc se faire de plus en plus crucial ?

Le plus grand carré qu'on ait, c'est celui de la Guillotière où il y a deux clairières, de cent corps par clairière. Mais toutes les deux commencent à être saturées. De même pour les cimetières de Bron et de Rillieux.

Je m'étais entretenu avec Gérard Collomb, le maire de Lyon, pour que l’on puisse créer un véritable cimetière communautaire. J'en avais également parlé à la communauté juive, pour qu’on travaille ensemble ces questions. Il ne m'avait pas dit non et je dois rencontrer le Directeur général des services du Grand Lyon, car la question relève de la Communauté urbaine. La loi s'ouvre sur cette réalité et des solutions existent. Les cimetières seraient toujours de compétence municipale, et les pouvoirs publics — en l’occurrence le Grand Lyon — continueraient à en avoir la gestion. Notre action consiste à faire prendre conscience aux responsables publics qu'il y a des besoins et que la situation actuelle n’est pas tenable car il y a des municipalités qui n'acceptent pas les carrés confessionnels ! On renvoie les gens vers les cimetières communautaires de Bron et de Rillieux, mais ils deviennent saturés. La nouvelle métropole qu'on est en train d'imaginer pourrait être l’occasion de donner ses responsabilités à la communauté musulmane.

 

Les cimetières seraient de compétences du Grand Lyon mais, en pratique, vous en auriez la gestion ?

Oui, comme le cimetière juif de Villeurbanne. C'est la communauté juive qui le gère, qui prend toutes les dispositions nécessaires. J'y suis tout à fait favorable. Je pense qu'aujourd'hui, nous avons besoin d'une grande réflexion autour de cette question. Nous vivons dans une société multiculturelle or, c'est faire abstraction de ces communautés que de ne pas tenir compte de leurs besoins. Il est donc nécessaire de conduire une réflexion qui aurait non pas pour but d’instaurer des différences entre les communautés, mais bien d’accorder le respect à chacun.

Il y a une certaine égalité devant la mort. Cette égalité ne doit pas être seulement une égalité de forme, mais une égalité de fond. Lyon a été une des premières villes à comprendre l'intérêt d'offrir aux Musulmans des moyens décents de prier. Une des premières villes à avoir compris l'intérêt qu'il y avait à offrir aux Musulmans un carré pour enterrer ses morts. Cela a été fait dans les règles de l'art. Aujourd'hui, Lyon, compte tenu de son histoire, doit être à l'écoute et doit être présente dans la réflexion. La laïcité, c'est le respect des convictions de chacun ; le respect de la religion non pas parce qu'elle intervient dans la sphère publique mais parce que l’individu est à la fois un croyant et un citoyen. On ne peut pas dissocier ces différents aspects.

 

Quels sont les « critères d’admission » dans les carrés musulmans ? Qui dit qui est musulman ?

C'est la famille. La difficulté se présente dans le cas de mariages mixtes, lorsque une épouse ou un mari, chrétien ou athée, souhaite malgré tout être enterré avec son conjoint. C'est une demande qui revient de plus en plus. Quand ce sont des caveaux, on l'accepte.

 

Donc vous êtes en position de refuser ?

Les caveaux sont propriétés de la famille et nous n’avons donc aucun droit de regard là-dessus. Il faut distinguer la gestion municipale du cimetière et la gestion privée des caveaux. Ni nous ni l'administration n'a rien à dire. On a eu un ou deux cas, mais ça s'est passé sans anicroche. Mais c'est bien l'idée et l’intérêt d’une gestion communautaire des cimetières ou des carrés. Pour le carré juif de Villeurbanne, c'est bien la communauté juive qui dit qui peut y être enterré.

 

Le rituel a une certaine efficacité parce qu’il renvoie à un geste conforme et répété depuis longtemps. Comment cela se passe-t-il quand le cadre laïc demande des aménagements ? Vous avez parlé de la non perpétuité qui a pu poser un problème…

Aujourd'hui, les concessions à perpétuité n’existent plus. Le maximum, c'est 60 ans. Mais nous partons du principe qu'au bout de 40-50 ans, un corps est devenu poussière et que l’on peut donc réutiliser la tombe s'il y a un problème de place. Les cimetières ne sont pas extensibles indéfiniment.

On a aussi parlé d'ossuaire, à un moment, pour les gens qui n'ont pas les moyens de payer une concession sur une longue période. C'est une question de prix. Les Musulmans doivent s'adapter. Si les principes sont respectés, si la tradition est respectée, nous pouvons aussi respecter les décisions administratives.

 

Il y a aussi la question de l'inhumation en pleine terre…

Les Musulmans ont compris que, pour des questions d'hygiène, un corps ne pouvait être posé à même le sol. Il faut l’accepter, nous le faisons et jusqu'à présent  il n'y a jamais eu de contestation.

En principe, chez les Musulmans, lorsque la personne décède dans la nuit, il faudrait que, pour des raisons d'hygiène, elle soit enterrée avant la première prière, dans l'après-midi. Aujourd'hui, il peut se passer trois à quatre jours avant l’inhumation, surtout si la personne décède le vendredi. Il y a l'organisation des funérailles, les autorisations administratives, le transport, etc. Les Musulmans l'ont compris et s'y conforment. Même dans les pays du Maghreb, certains maintiennent encore la tradition de la mise en terre mais de plus en plus, cela change. On voit aussi les tombes fleurir, la photo du défunt apparaître de plus en plus, etc.

Ces dernières années, s’est développé un Islam rigoriste et, dans certains cimetières, tout ce qui était construit était démoli par des gens qui venaient le soir avec des masses pour tout casser. Ca n’empêche pas les gens de continuer à construire et, depuis quelques années, on est revenu à des normes plus modernes. En France, aussi on voit des évolutions. Par exemple, les tombes sont de plus en plus fleuries pour le 1er novembre.

 

L’accès et la disponibilité des chambres funéraires vous paraissent-ils satisfaisants ?

Il y a une démocratisation des chambres funéraires. Elles sont suffisamment nombreuses dans l'agglomération pour que les gens puissent y avoir accès facilement. L'avantage de ces chambres funéraires est de respecter les corps des personnes de toutes les religions, avec des salles dans lesquelles tout le monde peut prier.

 

Qu’apportent les entreprises de pompes funèbres musulmanes ?

Elles se sont effectivement beaucoup développées depuis une quinzaine d'années et il y en a aujourd’hui une dizaine dans l'agglomération. Elles connaissent les traditions et les attentes des Musulmans, mais les pompes funèbres générales aussi. Ils faisaient appel à un vieux monsieur, aujourd’hui mort, qui a été pendant longtemps le représentant du culte musulman dans l'agglomération. C'est lui qui procédait au lavage des corps, à la mise en bière, qui accompagnait religieusement le défunt. Depuis quelques années, les pompes funèbres musulmanes se développent. Je ne sais pas si c'est bien ou non. C'est vrai qu'elles connaissent le rite.

Par exemple, les pompes funèbres générales envoient quatre ou cinq personnes pour porter le cercueil du défunt alors que les pompes funèbres musulmanes ne le font pas car elles savent que les Musulmans tiennent à porter eux-mêmes le cercueil. Au cimetière, elles savent s'orienter, elles connaissent les prières à faire, etc. C'est vrai que sur ces aspects là, il y a une différence entre les pompes funèbres générales et les pompes funèbres musulmanes.

 

Les équipements pour la toilette funéraire sont-ils satisfaisant ?

Aujourd'hui les nouvelles chambres funéraires tiennent compte de cet aspect. Les choses ont changé. Il n’y a pas si longtemps, il arrivait que rien ne soit prévu ni adapté et cela pouvait se passer à même le sol, avec un jet d’arrosage. C'était un moment pénible. La majeure partie des chambres funéraires de la région, notamment celles construites il y a une quinzaine d'années, tient désormais compte de cette dimension-là. Je pense qu'il y a une prise de conscience des besoins exprimés par la communauté musulmane.

 

Je vous ai interrogé sur d’éventuelles difficultés entre la communauté musulmane et le cadre laïc. Y en a-t-il avec d'autres communautés ?

Je n'en ai connu aucune. Un mort est un mort. Je pense que les gens respectent aussi bien les morts chrétiens que les morts juifs ou musulmans. Je n'ai jamais entendu parler de frictions hormis ce que j’ai évoqué, lors de mariages mixtes. Lorsqu'un père décède et que sa femme qui n’est pas musulmane veut l'enterrer suivant le rite musulman, elle n'a parfois pas la connaissance nécessaire pour cela. Dans ce cas, il peut y avoir quelques frictions avec des amis du défunt qui apprendront que celui-ci va être enterré sans avoir eu la toilette mortuaire, etc. J'ai même vu certains cas aller jusqu’aux tribunaux.

Mais ce sont finalement des problèmes rares et d’ordre privé. Là où il y a plus de problèmes, c'est effectivement avec le cadre laïc dans les municipalités qui refusent les carrés musulmans et où l’on se trouve dans une situation bloquée. Longtemps, par exemple, la municipalité de Vaulx-en-Velin s’est opposée à la création d'un carré musulman. Quelle possibilité avaient les gens ? Soit ils partaient, soit, quand ils n'en avaient pas les moyens, ils étaient enterrés dans des conditions qui ne respectaient pas leur religion. Comme les carrés sont régis par une circulaire — qui de ce fait n'a pas force de loi —, la situation est diversement interprétée suivant les municipalités. Aujourd'hui, dans l'agglomération, toutes les communes du Grand Lyon n’ont pas un cimetière communautaire, mais dans la plupart des communes où la communauté musulmane est importante, la demande a été prise en compte.

 

Est-ce que l'accompagnement est possible dans les hôpitaux et les maisons de retraite ?

Dans les hôpitaux, il y a l'aumônerie musulmane et un accompagnement religieux est donc possible. La mosquée est régulièrement sollicitée, jamais par l’hôpital, mais par les familles. Chaque famille appelle qui elle veut, l'imam de son choix ou l'aumônier qui est sur place. Dans les maisons de retraite, c'est un peu plus difficile. Et puis il y a encore le cas des sans-abri. On m'a une fois appelé pour un Musulman mort dans la rue. Nous avons essayé d'enterrer le corps dans des conditions normales. Il y a aussi eu le cas de jeunes orphelins, qui étaient à la DDASS. Il y a toujours ce cadre prégnant de la laïcité qui s’impose avant tout, par défaut, et il faut faire la preuve, expliquer, faire comprendre que les gens pouvaient avoir d’autres convictions religieuses…

 

Intervenez-vous dans les hôpitaux ou dans les écoles pour assurer des formations sur ces questions ?

Avec l’Université Lyon 3, nous avons créé « Connaissance de la laïcité », une formation destinée aux imams et aux aumôniers. Plus largement, notre souhait est d'apporter le plus possible de connaissances à ceux qui le veulent. Avec l'accroissement des pompes funèbres confessionnelles, les funérailles sont aussi devenues une affaire de sous. La toilette funéraire, par exemple, est assurée par des bénévoles, mais aussi par des gens qui se font payer. Nous allons mettre en place une formation pour expliquer les conditions, la manière dont se passe un enterrement, une cérémonie funéraire, la préparation du défunt, etc. C'est très important.

Nous sommes également sollicités par des établissements municipaux ou des établissements de formation d'infirmiers pour leur expliquer ce qu'est l'Islam et aborder la question de l'accompagnement des mourants, etc. Depuis quelques années, le personnel est plus au fait des différences mortuaires et rituelles entre les cultes et manifeste la volonté de les respecter. Il faut saluer la qualité de l'enseignement et de la formation, respectueuse des traditions de chacun, qui ont été dispensés dans les établissements, ce qui amène à une évolution des choses. Par exemple, une directrice de clinique privée, qui a suivi à Lyon 3 une formation intitulée « Religion, liberté religieuse et laïcité » à laquelle nous collaborons, a mis en place une aumônerie musulmane.

 

On assiste de plus en plus à une volonté de personnalisation des funérailles. Le constatez-vous également ?

L’Islam est très éloigné de la culture de la personnalisation. Le corps retourne à son Dieu, il n'y a pas de cérémonie avec de la musique, ni de témoignages autour du défunt. Quand on enterre quelqu'un, on ne sait pas si c’est monsieur Untel ou Untel. Tout le monde est sur un même pied d'égalité ; l’égalité devant la mort, qu'on soit pauvre ou riche. En Arabie Saoudite, par exemple, on ne sait pas où sont enterrés les rois. Il n'y a pas de culte des morts et le principe est de dépenser le moins possible pour les morts. Il faut d'abord penser aux vivants.

 

La crémation est une pratique qui s’est répandue presque en dehors des convictions religieuses. Quelle est la position des Musulmans ?

Nous restons opposés à la crémation. Pour un musulman, c’est la pire punition qu'on puisse infliger à quelqu’un, parce qu'on l'envoie aux enfers. Elle est proscrite aussi bien pour les Juifs que pour les Musulmans, de même que les soins de thanatopraxie. On doit rendre le corps à son Dieu tel qu'il est, dans sa globalité. Cela conduit d’ailleurs à un débat, toujours ouvert chez les Musulmans, relatif au don d’organes.