Vous êtes ici :

L'intermobilité

Interview de Pierre SOULARD

Responsable du service Mobilité urbaine à la Direction de la Voirie du Grand Lyon.

<< Il faut organiser des hubs de multi modalité sur tout le territoire >>.

Réalisée par :

Tag(s) :

Date : 14/05/2012

Quelle évolution des tendances mobilité observez-vous ?

Je constate qu’une dissociation se fait entre la pratique ou les usages d’un côté, et la possession ou la propriété du moyen de déplacement de l’autre. Sur le territoire de l’agglomération, les dernières études révèlent que les grand lyonnais continuent à s’équiper en voiture : le taux de motorisation reste assez fort. En revanche, l’usage de la voiture est de plus en plus faible. Cela peut paraître contradictoire, mais cela traduit bien le fait de décorréler la possession d’une voiture de son utilisation. Cette décorrélation est au cœur de nouveaux modes de déplacement comme l’autopartage ou le covoiturage. Le vélo en libre service, le covoiturage et l’autopartage participent de ces évolutions de tendance mobilité au sens où dans la journée je ne prends que des véhicules partagés. Je ne suis plus propriétaire de mon moyen de transport, et j’utilise le mode de transport qui me convient au bon moment.

 

Quelles sont les tendances mesurées dans l’agglomération lyonnaise ?

Depuis 2007, le système de comptage de voitures à l’intérieur du périphérique lyonnais, (grâce au PC CRITER, système de supervision des feux) nous indique des diminutions continues du trafic, de 2 à 4% par an. Mais la congestion décroît moins vite que ne décroît le trafic : les gens sont moins nombreux à se déplacer mais relativement plus souvent dans les bouchons.

Les effets de la crise et l’envolée du prix du pétrole entrent sans doute beaucoup dans cette diminution : on observe vraiment un creux sur la fréquentation du trafic en 2008 au moment du pic du prix de l’essence.
Dans le même temps, on enregistre une progression assez significative de l’usage du vélo. Après l’effet vélo’v qui a doublé la fréquentation vélo entre 2005 et 2008, on était sur un effet de palier en 2009-2010. Mais en 2011 on note une augmentation 15% de trafic vélo’v. Sur les premiers mois de 2012, la hausse est encore plus importante.

Pour les transports en commun, les chiffres du Sytral révèlent une augmentation constante de la fréquence des TC. 7% d’augmentation ont été enregistrés après ATOUBUS, sachant qu’il y a eu une progression homogène sur tous les réseaux de TC en France de l’ordre de 5%.

Enfin, dernier indicateur : le trafic des 2 roues motorisées est en augmentations de l’ordre de + 17% entre 2007 et 2009.

 

L’intermodalité préside-t-elle de plus en plus au système de transports ?

Il ne faut pas être captif de modèles : automobiliste ou usager de TC ou cycliste. Désormais, je suis mobile et je bouge avec le mode de déplacement qui me convient au bon moment. Je ne possède plus ces modes de déplacement mais j’y ai accès : vélo partagé, voiture partagée, bus et métro partagés. On partage désormais une flotte de véhicules collectifs que chacun utilise individuellement.

Aujourd’hui, investir dans de nouvelles offres de TC reste coûteux en infrastructures, en matériel, en exploitation, en temps. C’est certes très efficace et pertinent, mais parfois pas forcément adapté à des enjeux plus dynamiques, de court terme. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas en faire, au contraire. Car tous les moyens de transport ont leur pertinence, et c’est en augmentant la palette des offres de mobilité qu’on ira à l’encontre du modèle dominant qui est la voiture thermique individuelle.

La voiture individuelle restera aussi pertinente par moments. Inversement on sait qu’il y a 59% des déplacements en voiture qui font moins de 3 km. C’est la portée d’un déplacement en vélo. Sur ces 59%, il y a une part de 3 km + 3 km + 3 km, etc. Parce que je commence par déposer mes enfants à l’école, puis je vais au travail puis j’enchaîne avec des courses, etc. Aujourd’hui, je suis obligé d’avoir ma voiture individuelle parce que dans cette chaîne de déplacements, j’ai besoin du coffre pour mes courses, ou j’ai besoin d’aller voir un client dans une zone industrielle non desservie par les TC.

Demain, avec tous les outils de déplacements partagés, je commencerai ma journée par les TC parce que c’est efficace : je double tous les bouchons aux heures de pointes. Dans la journée, j’irai à un rendez-vous un peu atypique pour lequel je suis obligé de prendre une voiture en Car2go ou en Autolib. Et le soir, je ferai un saut de puce pour aller au restau ou au ciné en vélo’v. A 1 h du matin, quand les TC ne fonctionnent plus, je rentrerai en car2go.

C’est ça l’intermodalité : je ne suis plus soumis à un même mode de déplacement dans la journée parce que j’ai un tronçon de la chaîne de déplacement qui doit nécessairement se faire en voiture. En revanche, j’utilise le bon mode de déplacement au bon moment qui est le plus pertinent et efficace à ce moment-là. Les TC en heures de pointe car ils sont très fréquents et échappent aux bouchons, la voiture quand je dois aller dans un site mal desservi par les TC, vélo’v parce que la distance est courte. C’est l’objectif. Il ne s’agit pas que les gens vendent leur voiture, mais qu’ils échappent au réflexe voiture, et qu’ils aient la possibilité d’effectuer les quelques déplacements qui ne sont pas pertinents en voiture avec les modes alternatifs vélo et TC ou avec une voiture partagée - qui présente certaines vertus écologiques...

 

Comment combiner le plus facilement et efficacement possible le passage d’un mode à l’autre ?

Nous disposons de trois leviers. D’abord l’infrastructure, en l’occurrence tous les pôles d’intermodalité. Il faut que les arrêts de bus soient à proximité des stations vélo’v ou d’autopartage et des parcs relais voitures. Il faut créer des espèces de « hub mobilité ». Le deuxième enjeu porte sur l’information. C’est la vocation d’Optimod Lyon de permettre d’avoir la bonne info en temps réel au bon moment pour choisir le meilleur mode de déplacement disponible et pertinent dans ma chaîne de déplacement. Le dernier aspect,  c’est la billettique : je n’ai plus qu’un titre de transport, un espèce de pass’ mobilité qui me donne accès à l’ensemble de l’offre de mobilité quel que soit l’opérateur. Ça c’est un Graal !

 

A quelle échelle envisagez-vous ces « hubs mobilité » ?

Jusque là, on avait plutôt tendance à faire des hubs d’intermodalité assez concentrés : la Part-Dieu, Perrache, Bellecour. Ce qui est intéressant dans le projet Lyon Part-Dieu, c’est de proposer un desserrement du hub Part-Dieu : que l’échange ne se fasse plus en un point mais sur une surface. Plutôt que de congestionner – car il y a tellement de bus, tram, métro qui convergent qu’on est arrivé à une limite du système -, il convient de détendre ce système et d’offrir des pôles d’intermodalité de manière plus diffuse.

La création de la halte Jean Macé correspond aussi à cette objectif-là : décongestionner à la fois Perrache et Part-Dieu pour avoir un autre pôle d’intermodalité sur l’agglo qui connecte avec le tram T2 et le métro B. La Soie correspond aussi à cet objectif.

Il s’agit d’organiser ces hubs de multimodalité sur le territoire. Ensuite, on les retrouve déclinés à une échelle plus restreinte : les stations vélo’v sont à proximité d’un arrêt de bus, les stations autolib à proximité d’un parking souterrain ou d’une bouche de métro, etc. A chaque fois, on retrouve à une échelle plus fine une cohérence entre les différentes offres de mobilité pour qu’elles soient à proximité.

 

La multimodalité implique un partage de l’espace public entre les différents modes ; quels arbitrages effectuer pour assurer la cohabitation apaisée des différents modes ?

Prenons l’exemple de l’autopartage. On pourrait penser que l’autopartage c’est encore de la place accordée à la voiture, de l’encombrement sur l’espace public. Aujourd’hui, une voiture reste en stationnement 95% du temps. 40% des voitures du parc automobile dans le Grand Lyon ne sortent même pas de la semaine. Elles occupent donc de l’espace public. Or une voiture en autopartage si elle est utilisée 8 à 10 fois par jour, est plus souvent sur la route qu’en stationnement. Cela veut dire aussi, potentiellement qu’elle a remplacé une ou des voitures individuelles que l’usager n’a plus besoin de laisser stationner. Du coup c’est de l’espace public que l’on peut libérer. Cette place-là, on la réaffecte pour créer une piste cyclable, un couloir de bus, et on améliore ainsi le partage de l’espace vis-à-vis des modes alternatifs.
Optimod Lyon on a aussi un enjeu de partage de l’espace public. Car en plus de fournir de l’information usager et un navigateur multimodal, il vise à faire évoluer le système de régulation du trafic qui peut permettre, à terme, de libérer de l’espace.

Aujourd’hui le système de supervision des feux tricolores du Grand Lyon fonctionne en temps réel : quand il détecte une congestion du trafic, il demande au carrefour de changer de mode de fonctionnement des feux pour pouvoir fluidifier la circulation. Mais comme le mécanisme fonctionne en temps réel, c’est une fois que la congestion est là qu’on prend la décision de modifier le plan de feu. L’idée d’Optimod est de faire de la prévision de trafic et d’avoir des plans de feu qui commutent en fonction d’un bouchon prévu dans une demi heure ou heure. L’idée est de retarder voire d’éviter la congestion puisqu’on sait qu’il suffit parfois d’un début de congestion pour qu’elle s’autoalimente. Un peu comme les effets accordéon sur les autoroutes. On imagine, par Optimod et par une gestion plus dynamique ou adaptative des feux, qu’on peut gagner de la fluidité. Donc potentiellement de l’espace public car on peut espérer gagner des files de circulation. Pour les réaffecter ensuite à des couloirs de bus ou aux modes doux. On est bien sur une notion de partage de l’espace, au sens de l’emprise physique des différents modes, mais on est aussi dans une notion de partage du temps par rapport au partage de la gêne.

 

Comment assurer la sécurité des déplacements dans une optique multimodale ?

Les chiffres de l’accidentologie révèlent que les modes les plus impliqués dans les accidents sont les voitures et les motos. Faire du transfert modal de la voiture particulière vers des modes alternatifs type TC ou vélo, c’est donc aussi un vecteur de sécurité : on diminue le nombre d’usagers qui utilisent le mode de déplacement le plus impliqué dans les accidents.
On observe aussi une décorrélation stricte de la courbe de la fréquentation vélos et de la courbe d’accidentologie vélo. On a trouvé des études équivalentes dans d’autres villes européennes.

 

Quel modèle de cohabitation entre les modes est le plus sécuritaire : la segmentation des usages ou le partage d’un même espace ?

Dans une ville dense, plus que la segmentation de l’espace et la ségrégation des usages, c’est la circulation dans le même espace partagé qui est générateur de sécurité. Plus j’apprends à cohabiter avec d’autres modes de déplacement, mieux j’appréhende les risques d’accident. La piste cyclable est souvent considérée comme plus sécuritaire – évidemment en section courante – sauf au moment des points de conflit, c’est-à-dire à tous les carrefours. La surprise est plus grande et du coup on y concentre tous les accidents.

Au-delà de facteurs comportementaux, il y a aussi la typologie des aménagements cyclables qui rentre en compte dans la fréquence de survenue des accidents vélos. Comparativement à d’autres villes, à Lyon, on a plus d’incidents sur des problèmes d’ouvertures de portières, le long de bandes cyclables, mais moins aux carrefours. Du coup, on fait le lien entre l’accidentologie et les typologies d’aménagements. Dans une ville où il y a proportionnellement beaucoup de pistes cyclables, les usagers sont plutôt en sécurité quand ils roulent, mais les carrefours sont davantage générateurs d’accidents. En revanche sur une bande cyclable type cours Gambetta à Lyon, je suis avec les autres véhicules de bout en bout et quand j’arrive à une intersection, ils m’ont vu, je les ai vus, c’est paradoxalement moins accidentogène.

C’est le même esprit pour les double sens cyclables (bandes cyclables à contresens dans les rues à sens unique pour les voitures).  Les premiers retours, c’est qu’il y a plutôt moins d’accidents dans ce type d’aménagements. Les gens se voient mieux, ils sont plus vigilants. Par ailleurs cela donne un avantage compétitif aux vélos qui vont au plus court car on ne leur impose pas les détours liés aux sens de circulation  pour les voitures.

 

Quel rôle joue l’information dans les politiques publiques de transport ?

L’enjeu de l’information c’est de rendre encore mieux perceptible l’offre de mobilité mais aussi d’optimiser et de rentabiliser les investissements consentis dans les transports alternatifs en augmentant leur fréquentation. Le réseau de TC n’est pas toujours aussi bien connu qu’on ne l’imagine. Surtout suite à une opération comme ATOUBUS qui a changé beaucoup d’habitudes. L’information permet de rendre plus lisible l’offre de mobilité, et de sécuriser l’usager dans ses nouvelles habitudes de mobilité.

L’information est aussi incitative : le fait de savoir ce qui va se passer quand je prends mon bus ou mon métro me rassure et finalement m’encourage à le prendre. Quand je prends ma voiture, je ne m’en prends qu’à moi. C’est moi qui la conduis, c’est moi qui ai choisi mon itinéraire… Quand je rentre dans un métro, je me confie à un opérateur, quelqu’un, invisible qui va me conduite a priori où je veux aller. Avoir de l’information rassure.
Des études ont été faites sur Vienne et les Pays-Bas qui révèlent que l’impact de l’information sur les usagers avait été de l’ordre de 5 points de report modal de la voiture individuelle vers les modes alternatifs.

L’idée d’Optimod’Lyon est bien de consolider de l’information en temps réel sur l’ensemble des modes de déplacement et du coup de fournir à l’usager un assistant personnel de mobilité. Ça peut permettre de sauter le pas, d’essayer un autre mode de déplacement. Ensuite, un fois qu’on a fait le pas d’essayer, Optimod nous accompagne et nous rassure avec de l’info en temps réel qui me confirme à quelle heure le transport choisi m’amène à destination et, en cas d’incident sur la ligne, me propose une alternative. Avec un accompagnement personnalisé de son déplacement, on incite, on rassure et on fidélise.

 

Quelles sont les autres incitations au report modal ?

On est en train de chercher quels sont les nouveaux services à inventer, les nouvelles façons de promouvoir cette mobilité alternative qui auront du sens et de l’efficacité.

La mise en valeur des valeurs existentielles comme la liberté individuelle, l’écologie, la citoyenneté ou l’affirmation de soi, c’est un peu usé. Ça ne porte plus forcément.
Dire ‘prenez le vélo parce que c’est bien pour votre santé et pour la planète’, les gens le savent déjà. Par contre dire ‘prenez le vélo parce que ça va plus vite’ a davantage d’impact. C’est donc ce qu’il faut qu’on mette en avant dans le type d’informations qu’on va donner.

 

Vous parlez d’un pass’ mobilité comme d’un idéal inaccessible. Quels sont les obstacles à sa mise en place ?

Les cartes Vélo’v, TCL, Car2go, Oura ou TER, la carte de stationnement LPA et la carte de télépéage sont toutes des cartes plus ou moins soumises à l’abonnement. L’usager doit donc faire l’effort sur chacun des opérateurs concernés de prendre l’abonnement qui va bien pour avoir au bon moment le sésame qui lui permettra d’utiliser le fameux véhicule partagé dont j’ai parlé. Une espèce de pass mobilité qui regroupe l’ensemble des offres de mobilité sur un seul et même support serait un outil précieux.

Ce qui est compliqué ce sont les supports techniques, les enjeux de sécurité par rapport aux données personnelles ou métier qui sont contenues dans les cartes ou encore la péréquation tarifaire. Oura est le premier exemple de billettique commune. Il faudrait aller encore plus loin.

Dans cette intermodalité, notre souci c’est aussi la gouvernance en ce sens où chaque carte véhicule l’image de l’opérateur correspondant : la carte Oura c’est la Région, la carte TCL c’est le Sytral, la carte Vélo’v c’est le Grand Lyon… La mise en place du Syndicat métropolitain des transports peut participer à une homogénéisation, une fédération de toutes ces gouvernances.

 

La forme urbaine peut-elle influer sur les mobilités ?

Les collectivités ont l’habitude de faire de la gestion de l’offre, c'est-à-dire développer de nouvelles infrastructures, de nouveaux réseaux ou de nouveaux services pour les usagers. Désormais, l’idée est aussi d’agir sur la demande. On peut jouer sur les changements de comportement par l’information, des services plus interrepérables (billettique) ou par des modes de transport plus partagés. Agir sur la demande c’est aussi prendre en compte l’urbanisme. La façon dont on va organiser le territoire est la base de la façon dont vont s’organiser les déplacements. En fonction de là où je crée les pôles d’emploi, les pôles de commerce ou les pôles d’habitation, je créé les flux qui vont migrer entre ces différents pôles. C’est tout le travail en cours autour de la révision du PLU du Grand Lyon. C’est aussi ce qui transparaît au travers du Grenelle de l’environnement qui affirme l’objectif d’inciter au report modal mais aussi de limiter les obligations de mobilité.

 

Comment favoriser «  a ville des courtes distances » ?

La ville des courtes distances me permet de trouver, à proximité de mon lieu d’habitation, tous les services de proximité ou de première nécessité auxquels je vais pouvoir accéder en vélo, à pied ou par un petit réseau de TC à l’échelle du quartier. A plus grande échelle, je retrouve éventuellement les bassins d’emploi qui pourront être mieux desservis, mieux irrigués, même si le maître mot reste la mixité des usages. Et puis il y a des grands équipements d’agglomération, qui ne peuvent pas être partout.

Les services de proximité c’est ce que défend le SCOT avec le schéma d’une agglomération multipolaire. Des pôles de centralité sont réaffirmés sur le territoire, avec à chaque fois des habitations, des commerces, une part d’emplois notamment de services à la personne. Dans les interstices entre ces différents pôles de centralité, on retrouve les espaces verts, les espaces de détente. Entre deux pôles, on a des infrastructures de déplacement à grand gabarit que sont les armatures TER, métro ou bus en site propre.

On a longtemps cru bon d’accompagner le développement de la ville et de répondre à la demande de déplacements en voiture par des infrastructures. Mais assez rapidement, on a constaté que le budget temps restait le même : plus on rendait accessible la périphérie, plus les gens allaient au-delà de la périphérie pour s’installer. L’idéal français du pavillon résidentiel en périphérie persiste…

Aujourd’hui, la dynamique est plutôt de limiter l’étalement urbain, de densifier les pôles urbains existant et de renforcer le maillage entre les différents pôles de centralité pour optimiser les déplacements. La réglementation d’urbanisme devrait limiter l’étalement ; la ville devrait plutôt se densifier. De plus, tous les services urbains associés sont plus efficaces dans des endroits denses.
Les politiques de transport ont souvent été guidés par des avancées technologiques – voiture en série, etc. – ou des phénomènes sociaux comme l’exode rural. Aujourd’hui, le vieillissement de la population peut-il influer sur les mobilités ?

La mobilité individuelle décroît globalement sur l’ensemble des agglomérations françaises et c’est en partie dû au vieillissement de la population, même s’il y a aussi l’effet crise : moins d’actifs donc moins de mobiles… Mais la mobilité individuelle décroît proportionnellement moins vite que l’augmentation de la population. Il y a donc toujours plus de monde qui se déplace, mais peut être différemment : mobilité plus diffuse dans la journée, heure de pointes moins marquées… L’enjeu de l’accessibilité de l’espace public, des équipements et des transports prend aussi plus d’importance.

 

Que pensez-vous de ceux qui prônent la « démobilité » ?

L’idée n’est pas que tout le monde fasse du télétravail ou reste chez soi. C’est plutôt de diminuer les obligations de mobilité, le nombre de déplacements ou leur portée. C’est ce à quoi travaille Lucie Verchère, chargée de mission Espace des Temps à la DPDP du Grand Lyon : il s’agit de trouver des crèches, des boulangeries, éventuellement des relais-colis, des espaces de coworking, une poste à proximité ou dans les pôles d’intermodalité, ce qui permet de tout faire en un seul déplacement. Travailler sur les rythmes de vie, les rythmes de la ville, est aussi une piste d’amélioration.

 

Que peut apporter la voiture intelligente aux politiques publiques de mobilité ?

10% du trafic en centre ville de Lyon est lié à des voitures qui sont arrivées à destination et qui cherchent une place de stationnement selon une étude du CERTU de 2010. 10% c’est énorme, ça permet de créer ou d’éviter une congestion.  

Est-ce que la voiture intelligente va être une voiture futée qui va trouver sa place de stationnement et nous permettre d’éviter les bouchons ? En ce cas, je ne suis pas sûr que ça aille dans le bon sens. Il faudrait que la voiture puisse nous dire aussi qu’il n’y a plus de place et qu’il faut donc se garer bien avant d’arriver au centre ville. Sinon, cela peut avoir l’effet inverse et faire affluer les voitures en centre ville en étant assuré de trouver une place et en passant par des petites rues de dessertes que l’on souhaite pourtant préserver. Il faut mettre des garde-fous. En terme de sécurité, la voiture intelligente peut apporter des assistances pour les détections d’obstacle, les distances de sécurité. Elle peut aussi apporter des éléments en terme d’éco conduite : adapter le régime moteur ou des éléments de conduite par rapport à l’usage urbain. Cela peut être un facteur de régulation car des conduites hétérogènes peuvent être à l’origine de bouchons.

 

Dans le champ des mobilités, quel phénomène vous semble le plus porteur d’avenir ?

Je rêve du conducteur sans voiture ! C’est la dépossession de la voiture. Je n’ai pas de voiture individuelle et j’utilise alternativement une voiture partagée, un bus partagé, un vélo partagé.

 

Y a t'il d'autres pistes prospectives ?

En veille technologique, des choses émergent sur les transports collectifs individuels et les voitures sans chauffeur. Ce sont soit des espèces de trains de voitures : on s'accroche à d'autres voitures et on se décroche pour faire les derniers 100 mètres, soit ça prend la forme de voitures automatiques (guidage laser ou autre technologie) de très faible gabarit. Cela présente des avantages en terme d'écologie, de sécurité, de régularité des flux qui permet d'optimiser les carrefours à feux et de limiter les encombrements, tout en proposant du porte-à-porte adapté à la demande individuelle de mobilité. Cette apparente science-fiction est rattrapée par la réalité au travers de déploiements opérationnels ou d'expérimentations de cybercars à La Rochelle par exemple, ou plus médiatique, comme la GoogleCar.