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La place des laboratoires Boiron dans LyonBiopole

Interview de Christian BOIRON

Christian Boiron
© DR
Pharmacien

<< Je reste convaincu que Lyon est la nouvelle Californie du monde, une région d'avant-garde qui a compris que le bien-être, le bonheur ...le bien-vivre de l'homme est au centre de tout, est la clé du développement économique et culturel >>.

M. Christian Boiron, pharmacien de formation, est depuis 1983 le Président du groupe Boiron, leader mondial de l’homéopathie. Il est le fils de Jean Boiron, fondateur avec son frère Henri des laboratoires du même nom.

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Date : 02/07/2008

Comment qualifiez-vous le lien entre Lyon et les Laboratoires Boiron ?

Pour les Laboratoires Boiron, Lyon ce n’est pas un choix stratégique, c’est une histoire. Une histoire qui a voulu que mon père, Jean Boiron, ait un jour l’opportunité de prendre les commandes de la Pharmacie Homéopathique Rhodanienne fondée à Lyon par René Baudry. A la même époque, à Paris, mon oncle Henri Boiron travaillait directement aux cotés de ce dernier au sein des Laboratoires Homéopathiques Modernes. Devenus chacun propriétaires de leur laboratoire, ils décident en 1967 de fusionner leurs activités. Le choix d’implantation du siège social se fera en faveur de la région lyonnaise tout simplement parce que la Pharmacie Homéopathique Rhodanienne constituait l’entité la plus importante des deux.

 

Qu’est-ce qui explique alors le maintien de l’implantation lyonnaise des Laboratoires Boiron ?

Lyon a toujours été une très bonne base de développement pour nous. Nous y avons toujours trouvé les ressources industrielles, scientifiques, humaines dont nous avions besoin. Il faut souligner à quel point Lyon dispose de toutes les qualités pour assurer le développement d’une entreprise comme la notre : une excellence incontestable en matière scientifique, des compétences industrielles avérées, une main d’œuvre de qualité et une aptitude à travailler, tout un ensemble de prestataires de services dans le domaine de l’industrie de la santé. Lyon a beaucoup plus d’atouts que de faiblesses!
Il faut souligner que la question logistique a toujours été au coeur du développement de Boiron. A ce titre les relations avec les prestataires de transports lyonnais prennent une grande importance : du temps de mon père, c’était la Poste de la rue Thomassin qui prenait en charge les colis, (jusqu’à 9 heures du soir !!) destinés aux pharmacies des quatre coins de France et d’ailleurs. Des organisations plus modernes, voire carrément innovantes comme Jet service nous ont permis ensuite de maintenir notre avance logistique par rapport à nos concurrents nationaux ou internationaux. Aujourd’hui nous profitons toujours de la situation privilégiée de Lyon sur un plan des communications : une localisation au cœur des grands axes de transports et des infrastructures de qualité qui permettent d’être parfaitement relié au reste de la France et de l’Europe.

J’ai moi-même eu la chance et l’honneur de participer au développement des grandes infrastructures lyonnaises en tant qu’adjoint au maire de Lyon Michel Noir entre 1989 et 1991. Je me suis notamment battu pour l’amélioration des liaisons aériennes entre Lyon et New York, combat homérique et pourtant typiquement français contre le centralisme d’Etat et surtout contre le centralisme de Air France... Aujourd’hui, la situation s’améliore chaque jour grâce à la mobilisation des élus et de la chambre de commerce, mais il nous reste des progrès à accomplir, par exemple pour mieux relier l’aéroport à l’agglomération, pour mener à bien les chantiers du TGV Lyon-Turin.
Et puis Lyon c’est aussi une formidable dynamique d’embellissement de la ville qui a changé le regard que portent sur elle les Lyonnais et les visiteurs chaque jour plus nombreux qui découvrent notre ville et notre région. Ce mouvement date de l’équipe de Michel Noir qui a donné l’impulsion décisive avec le «  plan bleu », la mise en lumière, les parkings du centre ville. Il a continué plus modestement avec Raymond Barre. Gérard Collomb s’inscrit lui clairement dans cette dynamique et l’on commence aussi à sentir la montée en puissance de Lyon sur le plan culturel, avec notamment un très haut niveau sur le registre de la danse. Aujourd’hui, on a tout à Lyon !

 

Utilisez-vous cette image flatteuse de Lyon pour promouvoir votre entreprise ?

Pas du tout. Je ne cherche pas à cultiver « l’image » de Boiron, de même que l’image de Lyon me laisse indifférent. Nous n’avons pas besoin de politique d’image, nous devons développer une politique « d’existence » réelle. Ce qui compte, ce n’est pas l’image, c’est ce que nous sommes réellement. Quand on est soi même, on rayonne, on a une image. Quand on cherche à se construire une image, on n’existe pas vraiment, on est dans l’artifice. Cette attitude est d’ailleurs bien ancrée dans la tradition lyonnaise, et je m’y sens particulièrement à mon aise.
C’est d’ailleurs l’essentiel du contenu de mon dernier livre « la source du bonheur » (Albin Michel 2000). Exister c’est se préoccuper de l’essentiel, de ce que l’on fait, de pourquoi on le fait,  Pour Boiron, exister, c’est poursuivre son projet de mettre l’homéopathie au service de tous les malades et de tous les médecins et pharmaciens, dans le monde entier. C’est aussi être éthique et authentique.
Pour autant, je dois avouer que l’image aujourd’hui très favorable de Lyon joue un rôle dans le développement de notre entreprise. Par exemple lorsque nous organisons des congrès internationaux comme « les journées de l’Institut Boiron ». Lyon apparaît bien comme une destination attractive.

 

Quel est le point commun entre votre engagement politique et vos responsabilités d’entrepreneur ?

Ce qui me passionne depuis l’origine, c’est comment améliorer le bonheur de l’humanité. Je ressens que les hommes courent toujours après un train qui est pourtant à leur portée. La politique et l’entreprise sont des outils majeurs dans le développement du bonheur, au même titre que la philosophie, la religion, et même la médecine et la pharmacologie.
En tant que responsable d’entreprise, je suis convaincu que l'épanouissement des salariés est la clef de l'efficacité économique de l'entreprise. Ainsi, notre organisation donne une large place à la convivialité des équipes, à l’écoute active et authentique, au développement personnel, à l’animation artistique pour inciter aux comportements créatifs, etc.

 

Dans quelle mesure votre activité de R&D s’appuie-t-elle sur les ressources scientifiques du territoire lyonnais ?

Notre activité de recherche a toujours fait l’objet d’un partenariat systématique avec les laboratoires de recherche publics, afin de profiter de leurs compétences, et de leur crédibilité. Cette recherche partenariale nous parait indispensable tant pour ce qui concerne la recherche fondamentale, pour comprendre le mécanisme d’action des fameuses « dilutions infinitésimales », que pour la recherche appliquée, afin de démontrer l’efficacité de nos médicaments pour différentes pathologies.
Il faut savoir que faire de la recherche dans le domaine de l’homéopathie est encore synonyme de risque pour la carrière de ceux qui s’y engagent. Ceci nous amène à avoir une approche mondiale de notre stratégie de recherche pour capter les ouvertures courageuses là où elles se trouvent. A Lyon, la réticence, pour ne pas dire le mépris, affichés par ceux qui se veulent et qui se croient les garants de l’approche « scientifique » de la médecine nous a conduit à nous tourner vers l’extérieur. Dès lors, Lyon ne représente aujourd’hui qu’une part marginale de nos partenariats de recherche, avec notamment un travail de recherche clinique avec le centre anticancéreux de Léon Bérard.
En tant que nouvel administrateur de l’université Claude Bernard, je souhaiterais que Lyon devienne un pôle d’excellence pour la recherche et le développement de l’homéopathie. Mais, vous le savez, nul n’est prophète en son pays….

 

Que pensez-vous de la politique de développement économique du Grand Lyon en faveur de l’industrie de la santé ?

L’action du Grand Lyon va dans le bon sens et doit être poursuivie. En tant que premier animateur du « Conseil International de Lyon » que Michel Noir a créé en 1989, j’avais d’emblée proposé de faire de la santé l’axe du développement international de l’agglomération, à partir d’une définition large de la notion de santé : non seulement la médecine, l’industrie, l’université, la recherche, la chimie, mais aussi la santé « spirituelle », « culturelle », la philosophie, l’écologie, où Lyon et sa région disposent d’atouts considérables. Cette approche a quelque peu rebuté à l’époque. On craignait de donner à notre agglomération une image trop ciblée, excluant les autres domaines d’excellence. Mais je reste convaincu que Lyon est la nouvelle Californie du monde, une région d’avant-garde qui a compris que le bien-être, le bonheur (au sens du rayonnement de la personnalité profonde de l’individu et non pas au sens de la recherche d’un plaisir égocentrique), le bien-vivre de l’homme est au centre de tout, est la clé du développement économique et culturel.
Chercher un lieu où l’on vit bien ou mieux est une ambition de premier ordre pour la plupart des cadres expatriés ou   impatriés ». C’est ce qui nous permet d’attirer à Lyon les personnes, les compétences, les projets, les idées… A ce titre, la dynamique engagée par les collectivités doit être poursuivie.
 
 
Quel regard portez-vous plus spécifiquement sur le pôle de compétitivité LyonBiopole ?

Pour Boiron, LyonBiopole n’existe pas, parce que Boiron n’existe pas pour LyonBiopôle. Cette démarche est un parfait témoignage du mépris lyonnais à l’égard de notre activité. Nous ne sommes pas considéré comme des acteurs du médicament, de la santé, de la médecine. Mais ce n’est pas bien grave, cette ignorance ne nous a jamais empêché de nous développer. Et puis, nous ne développons pas l’homéopathie pour plaire à Lyon, mais pour donner aux médecins et aux malades une alternative utile et souvent efficace. Le contexte lyonnais fait écho à l’attitude de l’Etat qui entrave notre développement en bloquant les prix de nos médicaments depuis vingt ans (le tube de granules est à 1,88 euro depuis 1988 !).

 

Avez-vous trouvé des relais lyonnais pour défendre la voie de l’homéopathie ?

A un moment donné, nous avons pu compter sur le soutien de personnes comme Michel Noir ou Raymond Barre pour faire remonter au niveau de l’Etat les problèmes posés par la réglementation. Sans grands succès. Quoi qu’il en soit, j’estime que les élus ont d’autres choses à faire.

Lyon ne doit-elle pas se donner les moyens de soutenir l’ensemble des acteurs qui contribuent à son développement économique ?

Il est certain que Lyon pourrait s’intéresser davantage au développement et à l’avenir de l’homéopathie. Le contexte lyonnais actuel me donne l’impression que l’on reçoit bien peu de Lyon par rapport à ce qu’on lui offre. Nous faisons partie de la même famille, mais on ne nous reconnaît pas une véritable place. Mais je ne dis pas cela dans un esprit pleurnichard ou revendicatif. C’est seulement un peu dommage.