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La mise en place d’un réseau d’eau potable au niveau intercommunal au Grand Lyon

Interview de Jean Chapgier

Photographie représentant une fontaine de ville lyonnaise

<< Dans les années 80, il n’y avait plus de discussion politique ou de débat sur la compétence en matière d’eau. L’eau potable n’était plus un enjeu politique mais un enjeu technique >>.

Interview de Jean Chapgier, ingénieur à la Direction de l’eau du Grand Lyon. 

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Date : 30/09/2008

En quoi la mise en place d’un réseau d’eau potable a-t-il servi l’intercommunalité au moment de sa mise en place en 1969 ?

En permettant de dépasser les questions purement communales. L’intercommunalité est née de la création des réseaux urbains, et notamment des réseaux d’eau potable et des réseaux d’assainissement, ou de réseaux de transport. Il est intéressant de voir que la Communauté Urbaine a été créée en partie pour cela.

 

Ce dépassement des frontières communales était-il salutaire pour une agglomération telle que Lyon ?

Oui, car historiquement, il y a toujours eu un affrontement entre la ville centre et les communes périphériques. On avait le réseau d’eau de la ville de Lyon et ceux des syndicats de la banlieue. Ces derniers faisaient tout pour ne pas dépendre du premier et vice et versa. La mise en place progressive d’une gestion intercommunale de l’eau potable a permis de dépasser un certain nombre de clivages.

 

Quelles furent les premières réalisations de la Communauté Urbaine concernant l’alimentation en eau potable ?

Ce fut l’achèvement du captage de Crépieux-Charmy et des usines, notamment celle de Croix-Luizet, des conduites  intercommunales  et l’harmonisation des tarifs de l’eau sur le territoire communautaire. A cette fin, un nouveau contrat d’affermage est signé en 1970 avec la Compagnie Générale des Eaux. Pour poursuivre l’harmonisation des tarifs, deux autres contrats ont été signés en 1971 et 1972 avec respectivement la SDEI - Société de Distributions d’Eau Intercommunales - et la SEREPI -Société d’Exploitation des Réseaux d’Eau Potable Intercommunaux-.

 

Pour quelle raison la Communauté Urbaine a-t-elle décidé de reprendre les installations de production et d’harmoniser les tarifs ?

Afin de ne pas créer de disparités entre les usagers et, en ce qui concerne la gestion en régie, pour sécuriser le réseau de distribution et revoir, en interne, le plan d’alimentation notamment à partir de l’usine de Croix-Luizet.

 

Comment cela s’est-il passé politiquement à l’époque ?

Globalement bien, même si certaines communes ont finalement gardé la maîtrise de la distribution de l’eau. En effet, certaines communes de la Communauté Urbaine n’étaient pas encore desservies par le réseau intercommunal. Il s’agissait essentiellement de communes lointaines, telles que La tour de Salvagny, Charly, Marcy l’Etoile et Solaize. Ces communes étaient alimentées par des syndicats extérieurs au Grand Lyon. Juridiquement, il aurait été possible de les intégrer au système d’alimentation de la communauté urbaine, mais cela aurait mis en péril le fonctionnement de ces petits syndicats en perdant l’alimentation de communes qui, à leur échelle, étaient  relativement importantes. Les élus locaux souhaitaient aussi garder la maîtrise de la distribution de l’eau afin de conserver un ancrage politique et relationnel local avec les acteurs de ce domaine d’activité.  

 

A l’époque, la gestion de l’alimentation en eau potable était-elle organisée au Grand Lyon ?

La naissance de la Communauté Urbaine a donné lieu à un transfert de compétences qui fut l’un des moins contestés en raison de l’ancienneté de la coopération intercommunale dans ce domaine. Ce transfert a donné lieu à la création d’un service des eaux communautaire, en régie directe, qui a été intégré dans la Direction de l’eau en 1986.

 

Quelles était la priorité des élus dans les années 80’ ?

La  priorité était le rajeunissement du  réseau et la réduction du  risque de coupure d’eau lié à un accident technique.
En 1980, une grande réflexion a eu lieu aux niveaux européen et français sur la nécessité de renouveler les réseaux urbains. Nous nous sommes aperçus que le patrimoine constitué par nos réseaux était un patrimoine vieillissant, et que si l’on n’y prenait pas garde, nous allions laisser aux générations futures un système vétuste. Les élus de l’époque en charge des questions de l’eau, et en particulier Marcel André, maire de Rillieux, ont mis ces constats en avant. La rupture d’un clapet sur l’usine de Crépieux avait en effet eu pour conséquence de priver d’eau une partie de l’agglomération pendant plusieurs jours. La vulnérabilité du réseau, son état de dégradation et un niveau d’endettement relativement fort lié aux grands travaux de la décennie précédente pour harmoniser le système d’alimentation, ont décidé les élus à confier la gestion de l’eau à des acteurs privés.

 

Le recours au privé a eu lieu en 1986 ?

En effet, c’est en 1986 que le Grand Lyon a signé une délégation de service public pour mettre en affermage la distribution et l’alimentation en eau potable auprès de la Générale des Eaux – pour la majorité des communes -, de la SDEI et de SEREPI. La SEREPI était surtout en contrat pour les communes du Nord/Nord Est de Lyon, la SDEI pour les communes de l’Est. Ces deux fermiers ont été rachetés par Lyonnaise des eaux-Dumez depuis.

 

Quels étaient les objectifs de cette délégation ?

La poursuite du service existant avec des moyens pour continuer de garantir une harmonisation tarifaire et une réduction des risques susceptibles d’interrompre la distribution par pollution accidentelle de la ressource principale.

 

Toutes les communes de la Communauté Urbaine bénéficient-elles de cette politique ?

Oui, excepté les trois qui sont encore en dehors du réseau de distribution du Grand Lyon (Solaize, Marcy l’Etoile et la Tour de Salvagny). Installer des réseaux jusque vers ces communes coûterait très cher. Le Grand Lyon ne s’est donc pas battu pour imposer cela. Cependant, le Grand Lyon a toujours affiché sa volonté d’harmoniser les tarifs de l’eau dans un souci d’équité vis-à-vis des usagers du Grand Lyon. Pour ce faire, la Communauté Urbaine  s’engageait à rembourser le delta financier entre le prix communautaire et le tarif intercommunal. L’objectif étant que tous les habitants de l’agglomération bénéficient des mêmes tarifs.

 

Au-delà des politiques d’harmonisation des prix, quelles ont été les grandes actions dans les années 80’ ?

Dans les années 80’, le Grand Lyon a investi de manière importante  pour restructurer le réseau de l’agglomération, composé d’une multitude de ramifications. De nombreuses communes étaient mal desservies. Pendant dix ans, il a fallu réorganiser le système d’alimentation et de distribution et dépenser beaucoup d’argent. Dans ces années là, il n’y avait plus de discussion ou de débat politique. L’eau potable n’était en effet  plus un enjeu politique mais un enjeu technique.

 

De quels genre de travaux s’agissait-il ?

De travaux considérables pour mettre en place des conduites de transport,  construire des châteaux d’eau et de nombreuses interconnexions avec la principale zone de captage de Crépieux-Charmy. En dehors du centre de  l’agglomération, qui était déjà raccordée, il a fallu construire des systèmes d’alimentation en étoile à partir de Crépieux-Charmy. Pour exemple, aujourd’hui, les gens du Val de Saône jusqu'à Genay ne boivent plus l’eau du Val de Saône mais celle de Crépieux-Charmy.

 

Avec le recul, ce choix était-il le seul possible ?

De manière générale oui car les ressources les meilleures et les plus disponibles sont bien celle des alluvions du Rhône en amont de l’agglomération et des couloirs fluvio-glaciaires de l’est lyonnais. Mais nous aurions peut-être pu faire le choix de mettre en place des collaborations plus fortes avec les syndicats des eaux extérieurs au Grand Lyon. C’est ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui.

 

Comment expliquez-vous ce choix ?

Par le fait qu’à l’époque les communes extérieures ont eu très peur que le Grand Lyon se développe trop et les phagocyte ! Elles ont en quelque sorte « fermé les portes » de l’intercommunalité. La lecture  des cartes des systèmes d’alimentation en eau dans les communes extérieures au Grand Lyon révèle que de grandes infrastructures contournent complètement notre territoire.

 

Peut-on dire que la stratégie initiale de développement du réseau était centralisée ?

Oui, compte tenu de la construction historique des réseaux, nous sommes partis du centre et nous n’avons pas essayé de reconnecter le réseau d’eau potable sur les systèmes d’alimentation autour de l’agglomération. A l’inverse, les communes situées autour de l’agglomération avaient pour stratégie de ne pas dépendre de nous.

 

Cette stratégie évolue-t-elle aujourd’hui ?

Oui, absolument. Nous sommes en train de retravailler sur les interconnexions avec les syndicats extérieurs et plus particulièrement pour les secteurs les plus éloignés de Crépieux-Charmy. C’est l’une des nouveautés dans nos actions depuis quelques années.

 

Cela ne pose-t-il pas de problème en terme de capacité ?

La question de la capacité n’est pas un problème en soi, la demande en eau potable se réduisant d’années en années. C’est davantage une rupture dans l’alimentation en eau, soit liée à un incendie d’une usine, soit à une casse d’une grosse conduite de transport de l’eau, soit une pollution accidentelle de la ressource qui poserait de grosses difficultés. Les premières communes qui seraient victimes d’un tel accident seraient celles qui seraient le plus loin et le plus haut par rapport aux champs captants. Le secteur touché se retrouverait alors avec peu  ou pas d’eau, d’où cette volonté de solidarité des territoires par des interconnexions

 

Quelles opportunités se présentent-elles à vous pour réduire la vulnérabilité du réseau ?

Nous sommes en train d’étudier quelles pourraient être ces connexions de secours ainsi que les  potentialités que pourraient offrir nos propres captages périphériques à Crépieux-Charmy. Indispensables pour une situation d’urgence, ces petites zones de captage  doivent aussi servir pour le quotidien car investir dans ce type de ressource nécessite de rentabiliser les ouvrages.

Nous sommes en train de faire avec ces interconnexions d’eau potable ce qu’on avait fait en assainissement il y a des années en raccordant 27 communes extérieures au Grand Lyon a notre système d’assainissement.