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La place de la Ville de Lyon dans le domaine de l'éducation

Interview de Yves FOURNEL

<< Si l’école a toutes les compétences et la légitimité pour s’occuper des apprentissages fondamentaux, les villes peuvent apporter une contribution importante à l’éveil du comportement cioyen, aux pratiques sportives et artistiques... >>.

Interview de Monsieur Yves FOURNEL – Adjoint délégué à l’Éducation et à la Petite enfance de la Ville de Lyon.

Quelle est la place des Villes dans l'éducation ? Quel rôle veut se donner la Ville de Lyon dans ce domaine ?

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Date : 22/05/2006

Au mois de septembre 2006, la Ville de Lyon organise le neuvième Congrès International des Villes Éducatrices. Pouvez-vous d’abord nous dire ce que recouvre le concept relativement nouveau de « ville éducatrice » ?
Cette expression est née en 1990 à Barcelone à l’occasion du 1er  Congrès International organisé par l’Association Internationale des Villes Éducatrices. Ce concept de « ville éducatrice » se fonde sur le constat selon lequel une ville, au-delà du champ de l’éducation formelle (celui de l’école), constitue une source d’éducation en elle-même à partir de sphères multiples sur lesquelles elle intervient – la planification urbaine, le sport, la culture, la politique de la ville, etc. La ville devient vraiment éducatrice lorsqu’elle devient consciente de cet enjeu et qu’elle inscrit cette exigence d’éducation dans ses projets. À travers la signature de la Charte des Villes Éducatrices, les communes membres s’engagent ainsi à enrichir la vie de ses habitants, à les informer, les former tout au long de la vie et les consulter pour leur donner les outils et les moyens qui puissent leur permettre de s’épanouir et de participer à la construction du monde de demain. Au cœur de ce concept existe aussi un enjeu fort d’égalité : la ville éducatrice s’engage en faveur du développement d’une cité harmonieuse et lutte contre les exclusions. Je tiens enfin à préciser qu’à l’inverse de ce que laisse penser le terme de « ville éducatrice » qui est en réalité une traduction littérale de l’expression espagnole « Ciudades Educatoras », la ville ne se situe pas du tout dans une position dogmatique, au contraire. Elle cherche plutôt à mobiliser toutes les ressources de la ville et de ses habitants, et à les valoriser. Une expression plus juste serait peut-être la « ville éduquante » ou encore la « ville apprenante ».

 

La Place de l’Homme dans la cité, tel est le thème choisi par la Ville de Lyon pour ce Congrès International. Pourquoi avoir opté pour ce vaste sujet ?
La Place de l’Homme dans la cité est apparue comme une question pertinente pour ce Congrès dans la mesure où elle faisait la synthèse de deux thèmes fondamentaux travaillés par la Ville de Lyon depuis 2001 : son inscription dans le réseau des Villes Éducatrices d’une part et l’initiative « Dialogues en humanité » lancée par Gérard Collomb, d’autre part. Mais plus fondamentalement, cette question constitue l’enjeu de demain sur lequel il est nécessaire de réfléchir et de se positionner. En effet, dans le contexte mondial actuel de course au développement qui touche les villes en particulier, on voit se développer des grandes métropoles parfois infernales à vivre pour leurs habitants, souvent fragmentées en différents quartiers hermétiques les uns aux autres, et qui excluent la partie la plus défavorisée de la population. Cette question de la place de l’Homme dans la cité s’impose donc, ainsi que de nombreux thèmes qui lui sont intimement liés, tels la démocratie locale, le développement durable, etc. Cette vaste question intéresse d’ailleurs de très nombreuses villes de tous les continents : 260 exemples d’actions ont été à ce jour proposés par 90 villes pour alimenter le Congrès. C’est donc à travers des échanges théoriques mais aussi des échanges d’expériences très concrètes que nous l’aborderons.

 

En matière d’enfance et de petite enfance, quelles sont les actions emblématiques de la Ville de Lyon, et comment prennent-elles en compte les objectifs précédemment décrits ?
Deux axes de travail ont été engagés : le projet social et éducatif de la petite enfance et le projet éducatif local. Pour la petite enfance, les progrès sont à la fois quantitatifs (+20% de place en crèche, hausse du nombre d’assistantes maternelles agréées) et qualitatifs. Chaque crèche a construit un projet en articulation avec le projet du quartier et de la ville. Pour cela, les professionnels de la petite enfance se sont mobilisés. De plus, les parents ont une place plus importante : les délégués élus participent maintenant aux Commissions d’attributions des places en crèche. Les professionnels et les habitants sont ainsi associés aux décisions, leurs compétences sont reconnues. Ils sont responsabilisés et ils développent plus encore leurs connaissances, leurs compétences, en participant à la vie publique. Enfin, les crèches sont maintenant en mesure de faire face aux situations d’urgence, elles prennent mieux en compte les besoins des parents (les contrats passés avec les familles ne sont plus systématiquement des contrats à temps plein, ils intègrent le nombre d’heures de garde dont chaque famille a besoin), elles sont en réseau. L’accueil des enfants handicapés y est facilité. Elles travaillent aussi à faciliter le passage à l’école maternelle pour les enfants de moins de 3 ans. Pour les plus grands, et dans le cadre du projet éducatif local, j’ai fait en sorte que chaque école présente son projet d’école sur le temps scolaire, mais aussi sur le temps périscolaire. De plus, un travail approfondi a été mené sur l’offre municipale en dehors du temps scolaire : un travail sur le contenu de l’offre (développement des activités artistiques, introduction de l’éducation aux sciences avec Ebulliscience, les Petits Débrouillards notamment avec les Mercredis de Lyon) a permis non seulement d’en améliorer la qualité, mais aussi d’y attirer un public féminin (qui est passé de 10% à 45% des inscrits). Pour cela, on a cherché à mobiliser toutes les ressources de la ville, elles ont été valorisées.

 

On voit bien que la Ville se mobilise fortement pour l’enfant et le jeune. Comment cette intervention dans le champ de l’éducation s’articule avec celle de l’acteur incontournable qu’est l’Éducation nationale ?
Les deux mots clé sont « la complémentarité » et « l’articulation ». Si l’école a toutes les compétences et la légitimité pour s’occuper des apprentissages fondamentaux, les villes peuvent apporter une contribution importante à l’éveil du comportement citoyen, aux pratiques sportives, artistiques, à la pratique des sciences, etc. L’enjeu, c’est d’articuler les rôles et les interventions de chaque acteur, dans le respect des compétences de chacun. Si les villes n’ont pas à revendiquer un droit de regard sur les programmes scolaires, la formation et le recrutement des enseignants, l’Éducation nationale doit aussi reconnaître leur contribution. C’est à la ville, échelon local de proximité, que revient cette mission d’articulation. Il n’y a même qu’elle qui peut le faire. C’est ce qu’on s’attache à travailler aujourd’hui, à la Ville de Lyon. On est d’ailleurs la seule ville de France à avoir conclu un Contrat d’objectifs et de moyens avec l’Éducation nationale sur le temps scolaire et un projet éducatif local sur tous les temps de l’enfant.

 

Le Grand Lyon participera activement au Congrès à travers des thématiques telles que la démocratie locale, les temps de la ville, l’environnement et le développement durable (etc.). Pourquoi ?
À travers toutes les démarches de démocratie locale qui favorisent la participation des citoyens de l’agglomération (la charte de la participation, les démarches de concertation autour des projets d’urbanisme, le conseil de développement, etc.), à travers le Bureau des Temps, et via les multiples actions liées à l’environnement et au développement durable, le Grand Lyon se situe pleinement dans le concept des villes éducatrices. C’est donc tout à fait pertinent de mettre en lumière ce qui est fait et qui contribue à renforcer le rôle éducatif de la collectivité. Cela justifie pleinement l’adhésion du Grand Lyon à l’Association Internationale des Villes Educatrices.

 

Quels sont les apports du Congrès que vous prévoyiez pour la ville de Lyon et pour l’agglomération ?
Outre le fait que le congrès contribue au rayonnement de la ville sur le plan international, j’y vois d’ores et déjà plusieurs points positifs. Il permettra tout d’abord de confronter les idées et d’échanger des expériences concrètes. Il sera ainsi une source d’inspiration, de diffusion et de valorisation des bonnes pratiques. De plus, il permettra aussi d’injecter du sens global et de la transversalité dans ce qui est fait au niveau de la ville et de l’agglomération. J’ai souhaité que l’on recense toutes les actions de la Ville et du Grand Lyon qui relevaient du concept de ville éducatrice. On en a déjà recensé plus de 40 ! Prendre conscience du fait qu’elles participent de cette idée permettra sans doute de les appréhender autrement, de les replacer en perspective, de leur donner plus de sens encore.

 

À travers cette question de la ville éducatrice, on voit bien que l’acteur public porte des valeurs fortes. Comment, dans un contexte où le citoyen reçoit un flux continu d’informations, l’acteur public peut-il réellement transmettre ses valeurs, son projet aux habitants ?
L’acteur public peut transmettre et mieux encore partager ses valeurs par la démarche qu’il met en œuvre pour réaliser ses actions. D’une part, il faut choisir les bons outils de communication. J’entends par là qu’il faut une véritable politique d’information qui renouvelle peut-être aussi les supports traditionnels. Et, on doit dépasser la simple information et impliquer concrètement le citoyen dans la conception et la construction des projets chaque fois que possible. Loin d’être une concession, c’est une condition de l’efficacité de l’action publique.
Dans le même temps, nous devons expliquer qu’il existe des délais et des contraintes propres à l’action publique qui doivent être pris en compte par tous. Il faut donc savoir rechercher le meilleur compromis entre idéal et principe de réalité.