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Agrapole de Gerland et ISARA-Lyon

Interview de Michel GUGLIELMI

<< Lyon peut certainement devenir une véritable capitale gastronomique en s’appuyant sur la qualité de ses produits et de ses terroirs. >>.

A l’heure où l'Isara-Lyon (école d'ingénieurs en agriculture, alimentation, développement rural et environnement) va se regrouper avec tous les partenaires de la filière agricole et agroalimentaire pour former l’AGRAPOLE à Gerland, comment se situe-t-elle face aux nouveaux enjeux qui intéressent la métropole en matière de gastronomie et d'alimentation-santé ? Entretien avec Michel Gugliemi, Directeur de l'école.

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Date : 17/03/2006

Pouvez-vous nous présenter en quelques mots l’Isara-Lyon ?

Créée en 1968 sous la forme d’une association loi 1901, l’Isara est d’abord une école d’ingénieurs qui avait pour vocation de former les cadres de l’agriculture et du monde rural avec un cursus intégré en 4 puis 5 ans. Dès les années 1980, le champ d’intervention de l’école s’est élargi aux activités amont et aval de l’agriculture (marketing, management, technologie agroalimentaire…) et à l’environnement. Nous avons aussi développé la formation continue, l’apprentissage, une Licence Professionnelle, des Masters spécialisés et des doubles diplômes. Aujourd’hui notre premier métier est toujours la formation mais, afin de renforcer la qualité de nos enseignements et développer de nouvelles compétences, nous combinons ce travail à des activités de recherche ou à des missions d’études et de conseil auprès d’entreprises ou d’autres organismes publics.

 

Pourquoi avez-vous choisi de déménager de la Place Bellecour à Gerland ?

Ce déménagement qui aura lieu en avril 2007 nous sera certainement très profitable d’un point de vue pratique et matériel car nous manquons de place pour accueillir nos étudiants et développer nos activités de recherche et d’études. Vous me direz alors que nous aurions pu déménager en dehors de Lyon, sur un campus comme d’autres écoles d’agriculture. Mais nous avons fait le choix volontaire de rester en ville pour plusieurs raisons. D’abord, nous sommes une école urbaine où les étudiants sont au cœur de la société d’aujourd’hui. Ensuite, nous souhaitons marquer notre attachement à Lyon car cela nous permet de rayonner au niveau national ou international. Lyon est bien la deuxième ville de France et la capitale du quart sud-est et c’est à cette échelle-là que nous nous positionnons. Enfin, je crois que l’image de Lyon est porteuse pour nous qui travaillons sur l’alimentation : depuis Lyon, nous sommes crédibles pour parler de ces sujets. Globalement, nous revendiquons notre lyonnitude et tous ces choix sont symboliquement traduits par l’évolution de notre logo, nous nous appelions « I.S.A.R.A » pour « Institut Supérieur d’Agriculture Rhône Alpes » et nous nous appelons aujourd’hui « Isara-Lyon.

 

Vous allez ainsi rejoindre sur un même site d’autres acteurs du secteur. Quelles sont les raisons de ce regroupement ?

Effectivement, notre déménagement est aussi l’occasion de regrouper tous les partenaires de la filière agricole et agroalimentaire. C’est ce qui fait de cet AGRAPOLE  une première en France et une formidable opportunité pour renforcer la dynamique du secteur. Sur un site commun vous trouverez l’Isara-Lyon, la Chambre Régionale d’Agriculture, le PEA CRITT (Pôle Européen Agroalimentaire pour la Communication, la Recherche, l’Innovation et le Transfert de Technologies), Coop de France Rhône-Alpes/Auvergne (Fédération des coopératives agricoles), la SAFER (Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural), R3AP (Comité de Promotion de Produits Alimentaires en Rhône-Alpes), l’APECITA (Association pour l’Emploi des Cadres, Ingénieurs et Techniciens de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), ainsi qu’une vingtaine d’autres organisations professionnelles du secteur. Sur près de 20 000 m2 nous rassemblerons 350 salariés et 700 étudiants dans des locaux conçus sur-mesure. C’est vraiment un projet important qui sera bénéfique pour l’ensemble des partenaires impliqués. D’abord, nous pourrons mettre en commun certains services comme l’accueil et la documentation. Ensuite, ce regroupement aura un effet symbolique important. En créant une véritable « cité de l’agriculture et de l’agroalimentaire » nous aurons des répercussions positives en termes d’image pour notre secteur et nos métiers. Et enfin, le fait de nous retrouver dans un même lieu ne fera que renforcer les partenariats qui existent déjà entre nous.

 

Pouvez-vous nous donner quelques exemples de ces démarches partenariales ?

Je peux vous citer quelque exemples dans lesquels l’Isara intervient. Nous travaillons en collaboration avec la fédération des coopératives et le PEA-CRITT pour dynamiser l’activité de petites entreprises du secteur. Ensemble nous avons incité des petits groupes de 10 entreprises a se mobiliser autour d’une problématique commune (par exemple : les normes, la traçabilité et la sécurité alimentaire) afin de bénéficier de formations et d’un accompagnement de projets individualisé. Nous sommes également en train de mener une réflexion avec la Chambre Régionale d’Agriculture pour coordonner nos projets de coopération internationale, envisager des synergies ou simplement partager des expériences. Ces deux projets ne sont que quelques exemples de nombreuses actions ou réflexions que nous menons en partenariats.

 

En prenant un peu de recul, pourriez-vous nous dire quels sont selon vous les enjeux et les tendances importants dans le domaine de l’alimentation ?

Le premier enjeu qui me vient à l’esprit c’est celui de l’identification de la qualité des produits et des processus. Aujourd’hui, les producteurs doivent de plus en plus se différencier sur la qualité des produits et valoriser celle-ci auprès des consommateurs qui sont de plus en plus attentifs à ces questions. C’est un sujet particulièrement fort dans notre région car nous ne sommes pas des producteurs de masse et nous ne pouvons pas nous battre sur les rendements et les prix. Beaucoup d’efforts sont donc faits en Rhône-Alpes pour mettre en place des démarches collectives d’identification de la qualité et de l’origine des produits, avec le soutien de R3AP. D’ailleurs, la région est bien placée en ce qui concerne les labels et les AOC par rapport aux autres régions françaises. L’agriculture biologique, qui est une autre forme de différenciation, mérite également qu’on s’y intéresse.
Le deuxième enjeu pour moi est celui du rapport entre alimentation et santé. C’est un sujet d’actualité à l’échelle planétaire qui intéresse à la fois la santé publique, la recherche et les industriels. De nombreuses équipes travaillent sur ces questions, prenez par exemple le pôle Aliment Sécurité Sanitaire et Santé à Toulouse qui est bien placé sur ces questions.

 

Et comment est ce que l’on peut travailler sur ces enjeux à Lyon ?

Lyon peut certainement devenir une véritable capitale gastronomique en s’appuyant sur la qualité de ses produits et de ses terroirs. Notre région doit ainsi pouvoir rayonner à l’international et développer ses exportations en travaillant sur la protection et la valorisation de ses produits et de ses labels à l’étranger. Elle doit également miser sur le rapprochement des producteurs de la région avec les consommateurs locaux des grandes agglomérations. Des produits locaux de qualité, mieux connus et mieux valorisés, doivent certainement trouver des débouchés auprès des consommateurs urbains lyonnais et rhônalpins. En plus cela correspond bien à une logique de développement durable, en réduisant les effets négatifs sur l’environnement liés au transport des produits ! Je sais qu’il y a de plus en plus d’initiatives intéressantes de groupements de producteurs qui travaillent dans ce sens comme AVEC - Rhône-Alpes (Agriculteurs en vente collective directe en Rhône Alpes), ou Alter-conso qui est basée à Lyon.
A l’Isara nous avons d’ailleurs une équipe qui s’intéresse à ces sujets, en partenariat avec des producteurs et en lien avec la Commission Nationale des Labels et des Certifications. En outre, nous participons à un projet européen dans le cadre d’EuroMontana (Association Européenne pour la Coopération des Régions de Montagne) qui travaille sur la valorisation de la qualité des produits de montagne. Nous avons même un projet de création d’un Master européen, avec des partenaires de plusieurs pays, pour former des étudiants sur ces questions.
Le deuxième enjeu que j’évoquais, celui du lien entre la santé et l’alimentation, est aussi très important pour Lyon. Même si il y a déjà beaucoup de monde qui s’en préoccupe, nous devrions nous positionner sur ce sujet. A l’Isara nous travaillons déjà sur les questions de la sécurité alimentaire, sur la qualité des processus et la traçabilité. Je pense que nous sommes complémentaires avec l’Ecole Vétérinaire qui forme les fonctionnaires des Directions des Services Vétérinaires. En revanche, nous ne traitons pas des questions de régimes alimentaires ou du lien entre les recettes et la santé. Je ne suis pas au courant de toutes les possibilités dans le détail mais pour développer les savoir-faire de Lyon sur ce grand enjeu nous pourrions nous appuyer sur les nombreuses compétences lyonnaises en la matière, sur le projet de centre de recherche de l’Institut Paul Bocuse, ou envisager des partenariats avec l’Inra de Clermont-Ferrand qui souhaite aussi s’investir sur ces questions.
En fait, je pense que nous aurions dû monter un pôle de compétitivité à Lyon sur ces questions d’agriculture et d’alimentation. C’est dommage que nous ayons laissé passé l’opportunité de l’appel à projets de l’Etat car nous avons vraiment des compétences et des points forts à mettre en avant. Mais tout est encore possible pour bâtir une stratégie et des partenariats efficaces.