Considérez-vous qu 'il y a un manque de prise en compte des aspirations des gens issus de l 'immigration par les partis traditionnels ?
Un diagnostique objectif de la crise de la politique aujourd'hui dans notre pays, révèle un écart important entre les institutions classiques (partis, société civile...) et les aspirations réelles de nos concitoyens, notamment les exclus.
La réponse n'est pas dans la création de listes ethniques. Cela risque de conduire, à terme, à des clôtures culturelles en place et lieu d'une véritable ouverture citoyenne, et d'une vraie modernisation de nos institutions. C'est le ghetto. La solution c'est la construction d'une nouvelle norme sociale et citoyenne. Ce qui obligera les partis déjà en place à s'ouvrir, se rajeunir, et accueillir de nouvelles idées. Nous avons besoin d'un vrai volontarisme social et d'une nouvelle discrimination positive pour construire une nouvelle norme citoyenne à l'image de la France et de la société d'aujourd'hui. C'est cela le sens à suivre pour redonner le pouvoir aux citoyens. Cette démarche n'est pas artificielle. Car il ne faut pas confondre les listes ethniques avec la plupart des listes "indépendantes" qui se sont créées récemment. Ces dernières sont des listes citoyennes qui ont pris en compte les réalités sociales vécues par les jeunes issus de l'immigration et ont obtenu des scores relativement importants. Même si elles ont fait de bons scores, et même si leurs motivations confirment en partie mon analyse sur la crise de la politique, les listes citoyennes ne peuvent pas constituer une alternative politique, car elles ont besoin d'un vrai projet de société.
Vous soutenez le projet de création d 'un Conseil municipal des Étrangers,qui devrait effectivement voir le jour. Qu 'en attendez-vous ?
Ce sera un espace d'expression, de concertation, de consultation, et (...) de proposition. Dans la même configuration juridique du Conseil Lyonnais pour le Respect des Droits, ce qui n'est pas seulement symbolique, il s'agit là d'une commission extra-municipale, qui va dynamiser la démocratie participative et la citoyenneté dans notre ville, en donnant la parole aux étrangers qui sont souvent oubliés.
La reconnaissance de l'apport des migrations doit-elle passer par la prise en compte effective des "mémoires immigrées "?
La lutte contre les discriminations, pour le respect des droits et pour l'intégration, n'aura aucun sens sans un rappel rigoureux de la mémoire. Les processus identitaires, dont la résultante n'est autre que la citoyenneté par la résidence, s'appuient sur la transmission des références culturelles et des mémoires individuelles, familiales ou collectives. Or la mémoire de l'immigration est aujourd'hui marquée par des silences, par des trous vides, comme les trous de l'exclusion. Ce déni, correspondant aux expériences de l'exil et souvent confondus avec les espaces refoulés de la mémoire ouvrière et celles des quartiers populaires, n'est qu'un bannissement de la citoyenneté.