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CCAS d’Oullins : « Les personnes dans les squats peuvent parfois être invisibles pendant plusieurs années »

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Portrait d'Emilie Martin
© DR
Directrice du CCAS d'Oullins

Interview de Emilie Martin

À Oullins, au carrefour des rives de l'Yzeron et du Rhône, la réalité sociale de certains usagers n’est pas toujours un long fleuve tranquille.

Madame Martin nous présente le travail précis et précieux de son équipe, au sein du CCAS de cette commune du sud de la métropole de Lyon.

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Date : 18/06/2019

Quelles sont les actions du Centre Communal d'Action Sociale (CCAS) auprès des personnes sans-abri ?

Une demande de domiciliation ne s’arrête pas à la domiciliation, elle ouvre des droits [...] mais également des devoirs pour la personne domiciliée

Le CCAS d’Oullins gère l’ensemble des politiques sociales et médico-sociales hors la jeunesse, c’est-à-dire la Politique de la Ville, les seniors, la petite enfance, la santé, le handicap, le service social et le service logement. Ces deux derniers travaillent en proximité pour qu’il y ait une facilité d’échanges qui permettent une certaine fluidité et coordination des parcours. La Métropole a gardé le public « famille » à partir de sa compétence « protection de l’enfance ». Le CCAS intervient surtout auprès des personnes isolées. Sur Oullins, nous n’avons pas d’hébergement d’urgence, nous nous questionnons vivement sur l’hébergement des expulsés, squatteurs et sans abri, avec pas ou peu de réponses sur l’ensemble du territoire de la Métropole.

Les demandes de domiciliation ont explosé ces dernières années. Nous en avons au moins 100 – 120. Nous avons une commission permanente tous les jeudis matin à laquelle nous présentons les dossiers de demande d’aides facultatives, et en moyenne cinq à six demandes de domiciliation et ce, tout au long de l’année. Cette hausse est également constatée au niveau national. Au niveau métropolitain, il est engagé une réflexion, via la mise en place de groupes de travail, quant à la rédaction d’un règlement intérieur commun pour fédérer des pratiques communes. Il s’agit également de s’interroger sur les conséquences d’une domiciliation, parce qu’une demande de domiciliation ne s’arrête pas à la domiciliation, elle ouvre des droits (aides fac, accompagnement…) mais également des devoirs pour la personne domiciliée. Rappelons que ces groupes de travail ont pour objectifs l’harmonisation des pratiques qui aura toutefois ses limites : entre une commune de 20 000 habitants et une commune de 100 000 habitants, on ne pourra jamais être sur les mêmes pratiques, mais il nous faut un socle commun.

Quels sont les caractéristiques des personnes que vous accompagnez ?

Nous avons surtout à faire à un public marqué par des accidents de vie

Nous avons surtout à faire à un public marqué par des accidents de vie (rupture familiale, problème de santé, perte d’emploi…) et un cumul des problématiques financières, psychologiques, de logement…

Notons que le public est un public fragilisé par l’isolement, un facteur aggravant de la pauvreté. Les seniors sont particulièrement touchés, et d’autant plus avec la crise sanitaire vécue ces derniers mois.

Ces publics sont notamment en demande de besoins primaires (alimentaires et énergie). Nous les repérons principalement par le biais du partenariat local ou lorsqu’ils viennent faire une demande de domiciliation.

Nous voyons une montée en puissance de jeunes (25-35 ans) sans domicile avec des problèmes psy. Ils dorment dans leur voiture, dehors ou dans des squats. Nous avons également sur Oullins des personnes isolées et des familles qui n’ont pu obtenir une protection internationale, et qui sont dans l’obligation de quitter le territoire, ou bien qui vivent dans des squats, du type vieux bâtiments industriels.

Pour toutes ces situations, les solutions de logement ou relogement sont complexes et peu existantes à l’échelle de la Métropole. Néanmoins, nous déclenchons réactivement certains outils, notamment sur des mesures d’hygiène et de sécurité, et nous travaillons avec des partenaires locaux, comme l’Alpil ou encore la Métropole lorsque le public concerné est constitué de familles.

Enfin, nous observons une hausse du nombre de personnes qui vivent avec le minimum vieillesse ou moins, avec des problématiques de logement trop élevé et énergivore, et des difficultés à se nourrir. Ces personnes ne connaissent pas toujours les aides possibles et leurs droits, donc régulièrement nous observons un non recours à l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) notamment.

Comment repérez vous ces personnes et comment se rendent-elles visibles ?

Les personnes dans les squats peuvent parfois être invisibles pendant plusieurs années

Oullins est une commune encore à taille humaine, avec une présence et action locale importante et reconnue. Les élus, agents du CCAS/Ville et les associations repèrent vite les situations complexes. Nous sommes vigilants quant aux situations visibles sur l’espace public, et nous agissons activement avec l’aide et l’accompagnement des acteurs locaux pour plus de réactivité.

En revanche, les publics dits « invisibles » sont les plus difficiles à cerner, c’est pourquoi nous développons de plus en plus les partenariats locaux, les visites à domicile, et nous essayons au mieux de sensibiliser les habitants sur le bien-être de tous et le bien vivre ensemble au sein de la ville, afin que des solidarités se créent et permettent des repérages de situations complexes. Les personnes dans les squats peuvent parfois être invisibles pendant plusieurs années.

Les assistantes sociales du CCAS ont donc un travail important d’accompagnement mais également de repérage en étroite collaboration avec les acteurs locaux qu’ils soient prévis ou publics.

Il est important de ne pas laisser des situations prendre trop d’ampleur c’est pourquoi les mots d’ordre sont proximité, réactivité et collaboration.

Au niveau de l’hygiène et de l’eau dans la ville, comment une personne à la rue peut-elle se débrouiller à Oullins ?

Sur la ville d’Oullins, nous sommes quelque peu démunis sur ce sujet, mais il existe sur des communes environnantes des lieux dédiés aux personnes sans domiciles, notamment à Gerland.

Quelles sont les autres structures oullinoises qui agissent à vos côtés ?

Nous avons mis en place, l’année dernière, une coordination de l’action sociale avec les associations caritatives notamment, celles-ci ayant une implication locale forte (le Secours catholique, le Secours populaire, les Restos du Cœur). Au fur et à mesure, nous avons fait entrer la Maison de la Métropole, le Mas et Adoma, pour avoir une meilleure coordination et visibilité de l’offre. Nous nous réunissons une fois par trimestre, et cette rencontre est très appréciée des acteurs locaux.

L’Acso, le centre social d’Oullins, est très présent sur le territoire et a une action de proximité reconnue. Il est important de noter également le travail remarquable des maraudes.

D’autres initiatives locales sont en cours, dont l’implantation des « petites cantines » portées par deux Oullinoises.