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L'école, un enjeu de mixité sociale

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Portrait de Marie-Thérèse Gadilhe-Visconti
Directrice de l'école maternelle Louis Pasteur à Mermoz

Interview de Marie-Thérèse GADILHE-VISCONTI

<< Le principal endroit où la mixité résidentielle peut effectivement produire de la mixité sociale, c’est au sein de l’école >>.

Mermoz1  est l’un des premiers quartiers de Lyon retenus au titre de la Politique de la Ville en 1986. Marie-Thérèse Gadilhe-Visconti, directrice de l'école maternelle Louis Pasteur à Mermoz est officier des Palmes Académiques et conseillère du huitième arrondissement de Lyon.

Face aux effets négatifs de la concentration de populations en difficulté dans certains territoires de la ville et aux tendances au repli (communautaire, entre-soi) qui peuvent conduire à un délitement de la société, les pouvoirs publics ont développé des politiques qui facilitent la mixité dans l'habitat notamment à travers la loi SRU et la Politique de la Ville (ANRU). Dans l'agglomération lyonnaise, cet objectif constitue l'axe majeur des documents de planification (SCOT, PLU, PLH...) et il a été renforcé par la mise en œuvre des SMS - Secteurs de Mixité Sociale (obligation de réaliser 20% de logements sociaux dans chaque programme privé). Par ailleurs, la mixité demeure l’objectif principal des opérations de renouvellement urbain. 

Comment la vie sociale a-t-elle évolué dans le quartier de Mermoz ces trente dernières années ? La mixité résidentielle produit-elle systématiquement de la mixité sociale ? Comment peut-on réellement favoriser la mixité sociale dans des quartiers comme Mermoz ? Quels sont les grands apports et les principales limites de la Politique de la Ville ? Comment faut-il penser le devenir de ces quartiers populaires ? C’est à cet ensemble de questions que Marie-Thérèse Gadilhe-Visconti apporte un éclairage dans cette interview.

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Date : 14/03/2012

Cette interview a été effectuée dans le cadre de la réflexion "Grand Lyon Vision Solidaire" dans laquelle le Grand Lyon souhaite réinterroger ce fondement de la Solidarité à un moment où son contexte d’action pourrait évoluer significativement : création du pôle métropolitain, démarche de rapprochement entre le Grand Lyon et les communes, perspective de raréfaction des ressources budgétaires, élection à venir du conseil de communauté au suffrage universel direct, etc.

 

1 - Mermoz : un quartier qui fait l’objet de dispositifs de la Politique de la Ville depuis la fin des années 1980

Le quartier Mermoz constitue l’une des entrées principales à l’Est de la Ville de Lyon, au débouché de l’autoroute 43 et du périphérique. Construit à la fin des années 50, ce quartier à 100% d’habitat social est composé de quelques tours et principalement de barres de 5 niveaux qui constituent un parc de 1500 logements qui abritent 3700 habitants. Bien desservi par les transports en commun, notamment par le métro, ce quartier du huitième arrondissement était encore récemment scindé géographiquement en deux sous quartiers (nord /sud) par un autopont autoroutier. Avec la démolition de ce dernier en 2011, le réaménagement complet de cette entrée de ville en une avenue urbaine paysagée, le quartier est désormais totalement intégré à la Ville.

Le Nord du quartier fait l’objet d’une opération de renouvellement urbain d’importance. Isolé au milieu d’un environnement pavillonnaire, Mermoz Nord était victime d’une absence de vraies rues qui rendait difficiles les déplacements dans le quartier et vers l’extérieur et renforçait son isolement. Le grand projet urbain en cours a donc pour premier objectif de désenclaver le quartier, mais aussi de permettre une mixité résidentielle par la démolition de logements sociaux et la reconstruction de nouveaux logements sociaux mieux adaptés à la demande actuelle et de 40% de logements privés en location et en accession à la propriété. Ainsi, si la Politique de la Ville dès la fin des années 1980 a porté sur la requalification de Mermoz Sud avec la requalification des espaces publics, la réhabilitation des logements et l’accueil de nouvelles activités, l’intervention publique se concentre désormais sur Mermoz Nord.

Toutefois, le CUCS, Contrat Urbain de Cohésion Sociale dont la finalité générale est de renforcer la cohésion sociale, d’intégrer le quartier dans la ville et de changer son image, concerne les deux sous quartiers. Il a été reconduit depuis la fin des années 1980 compte tenu de la fragilité des populations qui les habitent.

La population se caractérise par une proportion importante de moins de 25 ans (près de 40% soit 12 points de plus que la moyenne de celle l’arrondissement et de la ville) et de personnes âgées, 30 % des titulaires de bail ayant plus de 65 ans, 49 % de ménages avec enfants (contre 36% pour le 8è), 17% de familles nombreuses (+ de 3 enfants), (contre 9 % pour le 8è). 72 % des ménages ont des revenus précaires, inférieurs à 40 % des plafonds PLUS (nouveau barème indiquant le seuil de pauvreté) (contre 39% sur le 8è). Le taux de couverture CMUC est élevé au regard de l’arrondissement et de la ville, 28,4% (Sud) et 22,8% (Nord) contre 8,9% pour le 8è et 11,6% pour la ville. Les revenus fiscaux médians sont de 50 % inférieurs à ceux de l’arrondissement ou de la Ville (2006). La part des ménages non imposables demeure une variable importante (64,7%) en comparaison à celle de la ville (32%). Ces caractéristiques se sont accentuées ces dernières années : 15 % de ménages récemment arrivés sur le quartier (moins de 3 ans en 2009), ont des revenus très précaires (RMI, Allocations chômages ...). 77% des ménages ont un revenu inférieur ou égal au SMIC. Mermoz figure parmi les quartiers les plus fragiles de l'agglomération lyonnaise.

L'ensemble des écoles et des collèges est en Réseau de Réussite Scolaire. Au cœur du quartier Mermoz Sud, le groupe scolaire Louis Pasteur B est composé d’une école maternelle de 5 Classes et d’une école élémentaire. 


Marie-Thérèse Gadilhe-Visconti dirige la maternelle depuis 1980. Particulièrement impliquée dans la dynamique de l’école et du quartier, elle a développé des projets visant à favoriser le développement personnel et la réussite des élèves en associant les parents.

Au début des années 1990, Marie-Thérèse Gadilhe-Visconti a notamment été à l’origine d’une réflexion avec les différents partenaires de l’école qui a conduit à la création d’un espace d’accueil des parents au sein de l’école. Cet espace de transition entre l’école et le quartier avait, et a toujours, pour objectif de faciliter la communication entre les parents et les enseignants. Toutes les informations concernant la vie scolaire sont disponibles et suscitent des échanges entre les parents et des membres de l’équipe éducative présents par roulement dans le lieu. Une signalétique adaptée favorise le passage des parents et un aménagement intérieur a été conçu pour le rendre accueillant et on peut même y prendre un café. Une animatrice (vacataire de la Ville de Lyon) à en charge la gestion du lieu.

Cet espace a permis aux parents de se sentir légitimes à l’école et a engendré une plus grande participation de ceux-ci à la vie de l’école. Cet espace est toujours très actif et cette expérience a été reconduite dans une dizaine d’autres groupes scolaires.